Une première question concernant ton arrivée au FC Nantes. C’est Robert Budzynski qui est à l’origine de ton recrutement ?...

La disparition récente de Bud me touche beaucoup car il a toujours été à mes côtés et j’ai une pensée émue pour ses enfants et sa femme Chantal. Même après mon départ du club nous avons toujours gardé le contact. Il était venu me superviser avec Sylvain Ichoua à l’occasion d’un match avec l’équipe nationale de Yougoslavie. A l’époque j’avais pas mal de sollicitations de clubs européens, notamment Hambourg SV qui a été champion d’Europe en 1983. Il y avait aussi Leeds et Torino sur les rangs ainsi que Barcelone. Je ne connaissais pas du tout le FC Nantes mais j’ai été convaincu par le discours de Robert. Nenad Bjekovic qui a joué à l’OGC Nice m’a conseillé de signer dans ce club en me disant que c’était un beau pays et un championnat intéressant.

Est-ce que tu as gardé en mémoire tes débuts au club ?... Quels souvenirs précis gardes-tu de ta première saison ?...

Les débuts n’ont pas été simples. Rentrer dans la famille nantaise cela n’a pas été facile pour moi. Les responsabilités étaient partagées et je n'ai sans doute pas fait tous les efforts pour m’adapter. Je pratiquais un football différent et je gardais trop le ballon dans les pieds. Je revenais trop en arrière. Le jeu à Nantes était à une touche de balle, en déviation et le ballon se déplaçait d’une aile à l’autre. Après la première saison je voulais partir car je n’étais pas heureux et pas satisfait de mes performances. Bud et le président ont insisté pour que je reste. J’ai discuté avec Coco. Je suis parvenu à changer progressivement ma manière de jouer en participant plus activement au pressing. J’étais aussi plus présent dans la surface. Les années suivantes ont été merveilleuses pour moi. Quand je suis parti au Paris Saint-Germain le président Fonteneau m’avait proposé un contrat à vie pour me conserver. 

Dans les cinq saisons que tu as vécues au FC Nantes, quel est ton meilleur souvenir ?.. Est-ce qu’il y a un sentiment qui prédomine sur tous les autres ?...

Le meilleur souvenir c’était le titre de Champion de France en 1983 avec 12 points d’avance sur le second en sachant qu’’à l’époque la victoire était à 2 points. C’est une grande fierté car il y avait de grandes équipes et notamment Bordeaux avec Alain Giresse, Jean Tigana et Marius Trésor. Il y avait aussi la rivalité avec Saint-Étienne même si cette équipe n’était plus aussi forte que dans le passé. 

Evidemment à Nantes j’ai été plusieurs fois meilleur buteur du championnat et soulier de bronze sur le plan européen mais ce que je garde le plus à l’esprit c’est le plaisir que nous avions de jouer ensemble. Cette complicité technique et humaine entre nous avec ce jeu technique à une touche, la vitesse d’exécution, les remises et dédoublements, la créativité. C’est la magie du football. Les automatismes entre nous étaient un vrai régal. Il y avait un vrai groupe. C’était très particulier.

Tu peux nous parler de cette relation entre les joueurs ?...

C’était quelque chose de spécial. Quand tu arrives d’un autre club cela peut être difficile de t’intégrer à Nantes mais quand tu appartiens à la famille c’est pour toujours. Rien n’est imposé. C’est de l’amitié et du respect. Quand un joueur ne s’investissait pas suffisamment à l’entraînement Coco n’avait pas besoin de parler car cela se réglait entre nous.  Il y a quelques jours je suis venu de Paris pour participer au repas des anciens car cette complicité est toujours présente entre nous. 

De cette période nantaise, quel a été ton principal regret ?...

C’est celui ne pas avoir brillé sur le plan européen car nous avions vraiment l’équipe pour y parvenir. Il nous manquait juste un peu d’expérience. Je me souviens que tous les coachs venaient d’Angleterre et d’Espagne pour s’inspirer du « Jeu à la Nantaise ». C’est un regret car nous avions le talent pour réussir.

A la fin de ta carrière de joueur, tu as fait ensuite le choix de devenir entraîneur. En quoi ton passage à Nantes favorise cette vocation. Qu’est-ce que tu as retenu du « Jeu à la Nantaise » ?...

Ce que j’ai retenu c’est la fluidité du jeu vers l’avant et l’efficacité dans les transmissions. Mais attention pour pratiquer le même football il faut avoir les joueurs qui conviennent. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. A Lille, par exemple pour la Champion League j’ai pratiqué un autre football. Ce sont les joueurs qui décident au bout du compte du jeu que l’on peut pratiquer. Le « Jeu à la Nantaise » requiert des qualités et un état d’esprit particulier. Quand tu as la chance d’avoir à tes côtés Jorge Burruchaga, José Touré, Bruno Baronchelli, Loic Amisse c’est merveilleux sur le plan technique car cela va tellement vite. Il y a à la fois une grande intelligence et une générosité dans l’effort. Aujourd’hui, l’individualisme ne favorise plus de telles relations.