Le stade Lavallois a été marqué durant de nombreuses années par l’empreinte d’un coach de légende Michel le Millinaire. Aujourd’hui, le renouveau sportif du club et ses résultats s’expliquent en grande partie par l’investissement de son coach Olivier Frapolli… qui est par ailleurs avec Laurent Guyot le vice-doyen des entraîneurs français.
Le Stade Lavallois malgré des moyens financiers limités rivalise avec les meilleures équipes de Ligue 2. Comment expliquer un tel succès ?
C’est effectivement un challenge que d’y parvenir et pas toujours évident d’expliquer à nos supporters, déçus de ne pas nous voir jouer les plays off, que les performances que nous venons de faire depuis quelques saisons sans être exceptionnelles ne relèvent pas de la normalité. Nous voyons bien que l’effort qui consiste à franchir la marche pour atteindre l’élite sans être insurmontable… s’avère très compliqué. Le championnat de Ligue 2 est d’un très bon niveau..
"Le centre de formation va devenir un élément central de notre stratégie"
Vouloir concurrencer les meilleurs oblige à se renouveler en permanence et c’est ma motivation que de proposer chaque saison un nouveau projet qui va recueillir l’adhésion des joueurs. Le confort et la routine sont les ennemis de la performance.
Je suppose que le renouvellement cela concerne notamment le style de jeu de l’équipe ?
Cela passe par le style de jeu de l’équipe mais aussi le rajeunissement de l’effectif. Nous disposons depuis un an de l’agrément de la DTN concernant notre centre de formation et il va devenir un élément central de la stratégie. Le renouvellement cela m’oblige aussi à repenser mes propres méthodes de travail. Le management prend de plus en plus de place et de ce fait il faut être capable de surprendre et d’innover . La phrase que je déteste le plus et que j’’ai trop entendu dire c’est « on a toujours fait comme çà ». Avec mon staff, on fait de la veille tactique et cela favorise la remise en cause de nos pratiques. En début de saison, on fait le choix de quelques thèmes et on observe ce que se fait dans les autres championnats. Cela nous amène parfois à des pratiques en décalage avec la pensée dominante. C’est l’option par exemple d’être nombreux dans un petit périmètre pour bloquer une zone plutôt que d’occuper la largeur du terrain. Intéressant aussi de voir que le marquage individuel sur l’ensemble du terrain cher à Guy Roux il y a trente ans retrouve quelques adeptes.
On constate qu’il y a actuellement plusieurs profils d’entraîneurs. Comment pourrait-tu caractériser le tien et tes conceptions du football ?
Il y a des entraîneurs dogmatiques qui imposent leur modèle de jeu sans se soucier des forces et faiblesses de leur effectif. D’autres coachs sont un peu plus souples et pragmatiques. Ils préfèrent utiliser les forces de leur effectif et sont prêts à adapter leur modèle de jeu. Je me situe plutôt dans cette seconde catégorie. La possession peut parfois être stérile. J’ai une préférence pour la verticalité et le football direct. Si on peut marquer en deux passes pourquoi en faire cinquante.
"Avec le président, je travaille en binôme"
En début de saison je définis la manière de jouer de l’équipe à partir des forces et des faiblesses identifiées. Cette approche est validée par la data mais aussi par les observations liées au terrain.
Quels sont les fondements de la politique sportive du club et est-ce que par exemple toutes les équipes pratiquent le même jeu ?
Avec le président, je travaille en binôme et il n’y a pas une journée où nous ne communiquons pas. Le président Laurent Lairy est très investi dans le fonctionnement du club et cela explique pourquoi il n’y a pas de directeur sportif.
Nous ne sommes pas l’Ajax et Barcelone. Toutes les équipes au sein du club ne jouent pas de la même manière mais nous avons un certain nombre de principes qui structurent notre manière de jouer. Nous travaillons beaucoup sur les valeurs. Notamment celle de la générosité à travers la volonté de se déplacer et fournir des efforts pour les autres. Nous savons que pour que cela fonctionne à Laval il y a un certain nombre d‘ingrédients qui sont indispensables.
Dans les évolutions actuelles du football qu’est-ce qui te paraît aujourd’hui est le plus déterminant dans la réussite d’un coach.
Ce qui vient en premier à l’esprit c’est la communication. Un entraîneur qui ne sait pas communiquer n’est plus en mesure de réussir. Je réalise une centaine d’entretiens individuels durant une saison et je tiens un tableau excel pour garder en mémoire les objectifs, engagements et progrès. Les entretiens peuvent se faire dans mon bureau, devant un café ou sur le bord du terrain. Le collectif c’est vital mais il faut d’abord partir de chaque individualité pour être en mesure de développer la sphère de confiance. L’apprentissage des langues devient aussi indispensable. Dans plusieurs clubs français, la langue pratiquée c’est l’anglais. La communication est indispensable pour faire passer son message à l’équipe mais aussi pour gérer l’ultra-médiatisation de ce métier.
"Ce qui fait aujourd’hui la différence c’est la gestion des hommes"
Le second point qui me vient à l’esprit c’est le management. L’entraîneur doit être en capacité d’être en permanence avec son groupe. Mes deux adjoints prennent en charge les séances d’entraînement mais je suis toujours sur le terrain. Chacun joue sa partition. Un montage vidéo sur l’adversaire doit aller à l’essentiel. Comme tous les clubs développent une expertise dans le domaine tactique et l’utilisation des datas, ce qui fait aujourd’hui la différence c’est la gestion des hommes. L’apanage des champions c’est d’être capable d’aller chercher toujours plus haut. C’est le rôle de la stimulation.
Le troisième point que je vais mentionner c’est l’énergie. On voit bien que dans une saison il y a plusieurs saisons à gérer. On évoque souvent l’image de la machine à laver pour expliquer la pression subie au quotidien. Chaque lundi matin, il faut être au TOP. Personnellement, j’ai fait une formation en préparation mentale pour être en mesure de me ressourcer. Il n’y a pas de recette miracle mais il faut avoir une bonne hygiène de vie. La pratique du sport m’apporte beaucoup dans la capacité à me déconnecter.