L’histoire tient à peu de chose, un poteau, un terrain impraticable, une mauvaise décision d’arbitrage…. Nous sommes à la fin des années 1950, fin 1957 - début 1958 exactement: la France est en pleine guerre d’Algérie, Jacques Anquetil gagne son premier tour de France, le Stade de Reims domine le football français... bref vous l’aurez compris, une autre époque.

Les 64èmes de finale de Coupe de France (plus vieille compétition française) voient s’affronter le FC Nantes et le SM Caen. Lorsque les nantais sont accueillis par les bas-normands, il ne s’agit pas encore du grand club des bords de l’Erdre tel qu’on le connaît aujourd’hui. Nantes à ce moment évolue en seconde division. Le Stade Malherbe de Caen, quant à lui joue en CFA.

A l’époque, pas de pénaltys pour départager les deux équipes. Les deux formations devaient s’affronter pendant 120 minutes et si une des deux équipes n’arrivait pas à prendre le pas sur l’autre, le match devait se rejouer. Et ainsi de suite, jusqu’à temps qu’une des deux équipes sortent vainqueur.
Avec ce règlement, la confrontation entre le SM Caen et le FC Nantes accoucha de... cinq rencontres ! 469 minutes de jeux ont eu lieu, soit 7h49 (l’équivalent d’un vol Paris-New York…).

Le 15 décembre 1957, le premier match entre les deux formations se déroule en terre normande. Le FC Nantes part logiquement favori (deux divisions départagent les deux clubs), seulement Caen fait figure de troubles-fêtes dans cette compétition. Ces dernières saisons, elle avait même réussi à éliminer des meilleures équipes qu’elle dont le Red Star et le Stade de Reims !
Lors de cette première rencontre au Stade Venoix, malgré des occasions caennaises les deux équipes se neutralisent et le match accouche d’un score nul et vierge (0-0).
Ce résultat force les deux équipes à reprogrammer un match « replay ».

Les deux formations se retrouvent une semaine plus tard, le 22 décembre 1957 au stade Malakoff à Nantes. Cette fois-ci, ce sont les nantais qui ont les meilleures occasions mais ils ne trouvent pas la faille. La faute au gardien caennais, René Brandao auteur de nombreuses parades !
Deux matchs de 120 minutes et aucun but pour les deux clubs forcent la fédération à reprogrammer un troisième match. Une nouvelle confrontation qui contraint le FC Nantes à repousser son match en championnat programmé le même jour (face à Perpignan). Cette fois-ci, le match se joue sur terrain neutre, à Tours.

Ainsi, après Noël, le 29 décembre 1957 se joue un troisième match. Mais encore une fois, rien n’y fait ! A la fin de deux nouvelles heures de jeu, toujours 0-0. A cette époque, France Football résume:

« six heures en blanc, Caen et Nantes se retrouveront donc une quatrième fois dimanche prochain. Espérons qu’ils se décideront enfin l’un ou l’autre à disparaître. Mais huit jours après, le vainqueur devra remettre ça en trente deuxième, quelle vie de Chien ! ».

La fédération se voit dans l’obligation de reprogrammer un nouveau match, cette confrontation commence à faire parler dans l’hexagone. On commence à parler de « match-marathon ». D’autant plus que cela force le FC Nantes à repousser un nouveau match de championnat (face au C.A Paris).

Nouvelle année, nouveau match entre les deux formations ! Nous sommes Le 5 janvier 1958, le match se déroule une nouvelle fois à Tours. Dès la deuxième minute, Guelzo Zaetta place une demi-volée dans les filets du portier Caennais, enfin !
Après plus de 6 heures de jeu, un premier but est marqué, le FC Nantes pense tenir le bon bout, mais des forces supérieures se mêlent à la partie. En effet, malgré des fortes averses, l’arbitre du match avait donné le coup d’envoi de la partie (sûrement poussé par quelques émissaires de la fédération…). À la 19ème minutes, l’arbitre est contraint de stopper la rencontre expliquant que les conditions météorologiques étaient trop défavorables à la tenue du match.

Avec cette nouvelle péripétie, la France entière s’intéresse à ce match.
« le match maudit », tel est le nom donné à cette rencontre par le journaliste de l’Equipe, Gabriel Hanot. Après Caen, Nantes et Tours, ce cinquième match est programmé au Mans. Pour cette occasion, RTL et Europe 1 se déplacent pour le diffuser.
La première mi-temps accouche une nouvelle fois d’un score de parité. Mais le début de la deuxième mi-temps voit le milieu de terrain nantais André Bouteiller  inscrire le seul et unique but de la rencontre. Le match se solde par une victoire sur le plus petit des scores (1-0). Et encore, il fallut l’intervention de la transversale pour empêcher Grillon d’égaliser et d’emmener les équipes vers un 6ème match…

C’est au bout de 469 minutes de jeu que le FC Nantes remporte cette confrontation qui aura duré pratiquement un mois (15 décembre 1957- 12 janvier 1958).
Finalement, si les instances du football français se sont penchées sur l’évolution des règles pour éviter ces scénarios à rallonge, peu de réformes ont été réellement mises en place. En effet, ce n’est que 6 ans plus tard, en 1968, que la fédération instaura à trois le nombre de matchs à rejouer. Et en cas de 3ème match nul, cela se jouait à… pile ou face ! Ce fut le cas en 1967, où l’Olympique Lyonnais accéda à la finale de la coupe au détriment d’Angoulême. L’apparition des pénaltys se fera bien plus tardivement, en 1970.

Malheureusement l’épopée nantaise a été stoppée au tour suivant face aux Girondins de Bordeaux. Mais cette incroyable confrontation amena les deux équipes à ce scénario digne d'un film d'Alfred Hitchcock. Une histoire comme nous n’en vivrons plus aujourd’hui. Surnommé « le match maudit », il est considéré par certains comme le plus long match de la Coupe de France.