Te souviens-tu de tes débuts au club en 1966 ?

Très bien. Je jouais dans un petit club de la région parisienne (CS Arpajon) et c’est un dirigeant qui a pris l’initiative du contact. Il était persuadé qu’après Reims, c’est Nantes qui deviendrait le club phare du football français. J’ai participé à deux stages d’une semaine et à ma grande surprise j’ai été retenu. C’était juste après les deux titres de champion de France, et les débuts pour moi ont été très difficiles. J’étais en terminale au Lycée Clémenceau et il me fallait concilier études et entraînements en soirée au stade de la Mellinet. En match en junior, j’ai été minable toute la saison.  Je m’attendais à me faire virer à l’issue de la première année. J’ai été reçu par le président Clerfeuille qui m’a dit « si vous voulez rester, on vous garde… mais vous n’aurez rien ». La seconde année, j’ai progressé, dans la troisième équipe puis avec la réserve.

 

Quelles étaient tes relations avec José Arribas à l'époque ?

Au début, c’était une relation de petit joueur vis-à-vis d’un entraîneur. Pas trop de contact mais c’était normal à l’époque. Il faut se souvenir que José Arribas était seul pour gérer le groupe pro, secondé à certains moments seulement par Guelso Zaetta en charge du secteur amateur. Au quotidien c’était quelqu’un de très agréable dans la relation. Pour moi, l’intégration au club a été facile car j’ai très vite adhéré aux principes de jeu. C’était comme cela que je sentais le foot.

 

Comment pourrais-tu décrire sa manière de travailler ?

C’était un entraîneur très intuitif dans le jeu et dans la préparation physique. Il testait beaucoup de choses. Les exercices d’échauffement étaient toujours liés à un principe de jeu. Il appelait cela "faire ses gammes". Dans la tribune en bois du stade de Procé, il avait inventé une séquence où l’on montait et descendait les petites et grandes marches sur un pied ou deux pieds. Beaucoup de joueurs s’en souviennent encore. C’était de la pliométrie avant l’heure. Dans le parc de Procé on travaillait dur physiquement : volume vitesse intensité, renforcement musculaire dans les pentes, c’était très complet. En liaison avec M. Boudard, on pratiquait d’autres sport Co, bases de gym, approche des étirements. Comment il avait imaginé cela ?... Parfois, tu utilises des choses et puis tu comprends seulement après l’utilité. Logiquement, il vaut mieux aller du général au particulier, l’empirisme et l’intuition peuvent aider aussi.

Dans les entraînements, il y avait aussi beaucoup d’exercices, de jeux, avec des thèmes qui obligent à prendre de l’information, analyser et décider. C’est cela qui développe l’intelligence tactique. L’idée, c’est de créer de l’espace pour prendre le ballon lancé. C’est l’appel qui déclenche la passe. Et pas l’inverse. Tu peux avoir la technique de Messi mais si autour de toi personne ne bouge, l’action ne peut pas se développer. Jouer avec et pour le troisième joueur ! Si toi, tu fais semblant de décrocher et que tu veux la balle dans l’espace, moi je vais te comprendre grâce à l’intelligence commune acquise lors des entraînements. C’est tout cela que l’on travaillait à l’entraînement avec José. Il nous apprenait à jouer ensemble et à mieux nous comprendre. C’était un visionnaire et il avait certainement un temps d’avance sur son époque.

Il y avait aussi, il ne faut pas l’oublier, des joueurs de talent avec une grande complémentarité dans le domaine de l’intelligence, la puissance et l’habileté. Quand tes idées deviennent celles des joueurs, pour l’entraîneur tout devient plus simple. Le football, c’est se comprendre. Quand on a dit cela, pour moi, on a dit l’essentiel.

 

Dans ta carrière de joueur, tu as ensuite eu Jean Vincent comme entraîneur ? Est-ce qu’il a eu une continuité ?

L'approche était différente. Et c’était normal car Jean Vincent c’était une autre conception du football. C’était un ancien joueur du Stade de Reims et ses amis étaient Piantoni, Kopa et Just Fontaine. Troisième de la Coupe du Monde en 1958. Il faudra attendre une éternité pour faire mieux.

C’étaient des supers joueurs sur le plan tactique et technique. Naturellement, Jean Vincent n’était pas dans une culture qui met le collectif au-dessus de tout. Il a eu l’intelligence de s’adapter à l’équipe et laisser les principes acquis depuis des saisons s’exprimer ! La stabilité de l’effectif garantissait aussi la pérennité des principes. L’équipe était même demandeuse de travail physique sans ballon quand on en sentait la nécessité car la vitesse du jeu impose une excellente condition physique.

                                                                                       

Comment pourrait-on définir le profil d’entraîneur de Jean Vincent ?

TRANQUILLLLLLE, c’était son mot avec une prononciation inimitable. C’était un bon communicant. Il savait mettre une superbe ambiance et créer la confiance au sein du groupe. Jean Vincent c’était un amoureux du foot. Son plus grand plaisir était de jouer avec nous.  On l’oublie parfois mais son palmarès nantais est éloquent. Il a gagné deux titres de champion de France (1977 et 1980) et aussi obtenu en 1979, la première Coupe de France du club contre Auxerre.  

Nous aurons l’occasion d’évoquer prochainement dans un prochain article sa carrière d’entraîneur au FC Nantes. Merci encore à Raynald pour sa gentillesse et sa grande disponibilité.