Après cinq ans à la Direction Technique Nationale, Landry Chauvin, ancien entraineur du FC Nantes, a décidé de donner une nouvelle orientation à sa carrière. L’occasion de faire un point avec lui sur celle-ci et sa vision du métier d’entraîneur de football professionnel.

Pour les plus jeunes supporters du FC Nantes, est-ce que tu peux retracer les principales étapes de ta carrière ?

J’ai débuté ma carrière au Stade Rennais où je suis resté pendant 15 ans dans la formation mais aussi dans le poste d’adjoint de Pierre Dréossi pour l’équipe professionnelle. J’ai ensuite été l’entraîneur pendant 3 ans en Ligue 2 du CS Sedan Ardennes où j’ai eu le plaisir d’être retenu dans la liste pour le trophée UNFP de meilleur entraîneur de Ligue 2. J’ai signé ensuite au FC Nantes que j’ai quitté au bout d’une saison pour entraîner le Stade Brestois en Ligue 1. Cette décision n’a pas été la plus heureuse mais il ne sert à rien de regretter ses choix. Après un rapide passage au Stade Malherbe de Caen, je vais vivre une belle expérience en créant l’académie du Stade Rennais pendant 5 ans puis rejoindre Vahid Halilhodjic et devenir son adjoint au Maroc dans l’optique de qualifier ce pays pour la Coupe du Monde au Qatar. A la demande de la DTN, j’ai fait enfin le choix de devenir entraîneur national avec une triple mission : coacher une sélection, superviser les centres de formation pour l’agrément et être en charge du BEFF diplôme indispensable pour encadrer un centre de formation.

Dans ce parcours très riche, tu as eu l’occasion de coacher l’équipe du FC Nantes. Quels souvenirs as-tu de cette période ?

J’en conserve un formidable souvenir. J’ai en tête l’ambiance de la Beaujoire lors de matchs à guichets fermés. L’équipe était composée à l’époque de Filip Djorjevic, Serge Gakpé, Papy Djilobdji, mais aussi de jeunes joueurs comme Adrien Trebel ou bien encore Jordan Veretout. Sylvain Wiltord que j’avais eu en formation à Rennes m’avait fait l’amitié de m’appeler en début de saison pour savoir s’il pouvait finir sa carrière avec moi au FC Nantes. Une belle réussite puisqu’il avait joué 36 rencontres et marqué 8 buts.

"Le FC Nantes ? J’en conserve un formidable souvenir.

Avec les supporters cela se passait très bien aussi. A la fin de la saison, 8 000 d’entre eux avaient signé une pétition pour demander que je reste en place. La Tribune Loire est pour moi la tribune qui propose la meilleure ambiance en France. Au niveau d’un stade dans sa globalité, c’est plutôt du côté de Lens ou de Saint Etienne qu’il faut à mon sens regarder. Contrairement à ce qui a été dit je n’ai jamais été en conflit avec Waldemar Kita. En fait, nous n’avons jamais pris le temps de nous connaître. J’étais venu au club à l’initiative de Guy Hillion (recruteur) et de Stéphane Ziani (Directeur sportif). C’est d’ailleurs sur leurs conseils que j’avais choisi Bruno Baronchelli comme adjoint. En désaccord avec le président, ils ont rapidement décidé de donner leur démission et je me suis retrouvé isolé sans réel interlocuteur, hormis mon staff. Cela ne m’a pas empêché de prendre du plaisir avec un effectif de qualité mais qui était un peu trop nombreux : il y avait 32 joueurs sous contrat. Nous avons fini à la 9e place du classement. Pour la petite histoire, je me souviens qu’il y a eu à partir de janvier plusieurs rencontres où l’on peut gagner ou faire match nul et dans lesquels nous ratons nos pénalités avec 5 tireurs différents. Le football est ainsi fait. En fin de saison, c’est moi qui décide de quitter le club mais je garde un excellent souvenir de ce club et de ses supporters.

Est-ce que l’on peut évoquer le bilan que tu fais aujourd’hui de ton expérience récente à la DTN ?

Quand tu es dans un club professionnel tu es un peu comme dans une machine à laver et tu n’as pas le temps de réfléchir à ce que tu fais au quotidien. La DTN m’a donné l’occasion de pouvoir le faire en m’enrichissant des contacts que j’ai pu avoir dans les clubs visités avec en plus le privilège de participer à de grandes compétitions internationales. Ce qui fait la richesse de notre football c’est que tous les clubs travaillent de manière différente en France et dans les autres pays. Benfica ne travaille pas comme le Sporting et la méthode du Real ne ressemble pas à celle de Barcelone. Je reste convaincu qu’un passage à la DTN pour un entraîneur fédéral ne devrait pas excéder trois ans (quitte à y revenir une seconde fois) parce que dans cette fonction il est important de se nourrir du quotidien d’un club. C’est pour cette raison que j’ai estimé que c’était le moment pour moi, malgré son intérêt, d’arrêter ma mission fédérale et de retrouver un projet au sein d’un club. Aujourd’hui, je suis à la recherche d’une place d’entraineur professionnel car je souhaite mettre à profit toutes les compétences acquises ces dernières années.

Dans quel état d’esprit tu abordes ce retour au métier d’entraîneur pro. Quelles sont pour toi les principales évolutions à prendre en compte ?

Ce qui a vraiment évolué c’est qu’aujourd’hui tu ne peux plus rien faire tout seul. Avant d’être un manager, tu dois être un leader et savoir t’entourer d’experts qui détiennent des compétences que tu n’as pas au même niveau. Le leadership s’exerce auprès du staff et de l’équipe et ma petite fierté c’est lorsque je croise un de mes anciens joueurs et qu’il me dit que notre collaboration a été pour lui humainement enrichissante.

"Pour tirer la quintessence d’un joueur, tu es obligé de le connaître en tant qu’homme"

Aujourd’hui, pour tirer la quintessence d’un joueur et pour actionner les bons leviers tu es obligé de le connaître en tant qu’homme. L’image qui me vient de ce métier, c’est celui du pilote du formule 1. Le coach est de passage comme le sont les joueurs. On sait que la durée de vie d’un entraîneur en France se situe en moyenne entre 12 et 14 mois. Je pense que l’erreur commise dans le passé c’est sans doute d’avoir laissé croire que l’entraîneur pourrait être décisionnaire dans le domaine du recrutement. A Sedan j’ai été en mesure d’être influent sur le choix des joueurs seulement lors de la troisième saison. Il ne faut pas oublier que les joueurs sont les actifs du club. Par contre, le coach doit être décisionnaire sur le style de jeu qu’il souhaite mettre en œuvre et le recrutement doit être pensé en conséquence.

Tu évoques le rôle décisionnaire de l’entraîneur dans le domaine du style de jeu. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ta manière de pratiquer ?

En fait, ce qui guide la manière de jouer c’est le rapport d’opposition. Chaque saison est une nouvelle histoire qui propose des épisodes différents. Chaque match est l’épisode d’une série qui se compose lui-même d’une succession de séquences : l’équipe peut-être en possession de la balle mais aussi à l’inverse elle doit faire le dos rond avec l’obligation de défendre. Il serait suicidaire de jouer toujours de la même manière. Mon projet de jeu se constitue en fait de principes de jeu. Quelle que soit l’adversité, les principes restent immuables. Que doit-on faire lorsqu’on a le ballon ou pas dans une zone précise du terrain ?

J’ai ainsi formalisé un ensemble de situations auxquelles l’équipe est confrontée lors d’une rencontre en codifiant le rôle de chacun. J’ai conçu des petites vidéos pour faciliter l’appropriation et montrer comment il serait souhaitable de jouer une situation. Par exemple, lorsqu’on récupère le ballon à un certain endroit du terrain le porteur du ballon doit avoir la volonté de jouer devant lui et ses équipiers celle d’étirer l’espace. Ces principes de jeu ont pour ambition de devenir l’identité de jeu de l’équipe.

"La connaissance de soi est vitale dans ce métier d’entraîneur"

Ce métier oblige à être en maîtrise car il est très exigeant sur le plan psychologique. Qu’est-ce qui te paraît le plus essentiel pour réussir dans ce métier ?

La connaissance de soi est vitale car lorsqu’on débute dans ce métier l’entraîneur a tendance à accepter un peu trop facilement de faire des choses qui ne sont pas en phase avec son propre projet personnel et ses valeurs. C’est important d’avoir un socle solide de valeurs sur lequel pouvoir s’appuyer. En 2013, je n’ai pas bien vécu à Brest mon licenciement et j’ai fait une petite dépression. Aujourd’hui, je suis armé psychologiquement pour faire face alors que ce n’était pas le cas à l’époque. La seconde chose qui me semble déterminante pour être performant c’est la vitalité. Si tu veux tenir un discours impactant face à l’équipe, il faut être dans l’énergie en permanence. Et pour cela, il faut prendre soin de soi et pas seulement des autres. Après le top du top c’est de pouvoir construire le projet avec ton staff et les membres de l’équipe en sachant prendre en considération les personnalités. Dans ce métier, on apprend en permanence. J’ai beaucoup appris des entraîneurs que j’ai côtoyé ces dernières années. Auparavant, je faisais en vidéo un débriefing du match précédent pour identifier les erreurs commises alors qu’aujourd’hui, je sais que ce qui est prioritaire c’est de préparer le match suivant. Il en va de même pour d’autres pratiques que j’envisage autrement. L’expérience permet de prendre de la hauteur et de tirer profit de son vécu professionnel.