Nous sommes le 20 juin 2010. L'été sur l'Hexagone, en passe de s'installer pour trois mois, est clairsemé par de fraîches températures. Seules Marseille, l'Aquitaine mais aussi la Corse parviennent à franchir le cap des 20 degrés. À plusieurs milliers de kilomètres de la France métropolitaine se joue l'épisode le plus tempétueux de l'histoire du football français, une tragédie qui va faire réagir jusqu'au sommet de l'Etat et provoquer les railleries de la galaxie foot.

Raymond Domenech, fragilisé par un Mondial déjà chaotique tant sur le plan sportif qui voit la France au bord de l'élimination – un point sur six possibles contre l'Uruguay et le Mexique sans le moindre but marqué – , qu'en dehors du rectangle vert où Anelka vient d'être renvoyé pour avoir insulté le sélectionneur, devient le pantin d'une farce qui marquera au fer rouge l'équipe de France. Le sourcil broussailleux, son survêtement bleu incorporé au ciel laiteux de Knysna, le finaliste du précédent Mondial se retrouve face à une nuée de journalistes tenant un drôle de papier dans sa main gauche. Il est alors à une dizaine de mètres du bus de l'équipe de France dans lequel sont retranchés les joueurs. On apprendra plus tard que certains d'entre eux étaient retenus contre leur gré dans ce qui deviendra, dès la fin du discours de Domenech, le véhicule de la discorde.

 

Les " Anciens ", langue pâle

 

Dix années et six mois plus tard, le tacticien de soixante-huit ans ne s'est plus rassis sur un banc de touche mais il va chauffer celui d'une Beaujoire qui s'annonce bouillante au retour d'un public incrédule. Car oui, le compagnon d'Estelle Denis est devenu le dix-septième entraîneur de l'ère Kita après l'échec Christian Gourcuff et l'intérim sans intérêt de Patrick Collot – deux nuls et deux défaites en quatre rencontres.

Au-delà de la confirmation – si elle était encore nécessaire – d'une navigation à vue de la part d'une direction qui n'a jamais su si elle devait virer le navire nantais à bâbord ou à tribord, les antécédents entre « Raymond la science » et la maison jaune, dont les balbutiements remontent aux années 70, renforcent des sentiments nauséabonds qui embaument toute une ville. Si quelques unes des légendes du club, dont la génération 2001 représentée par Mickaël Landreau et Nicolas Savinaud, ont élevé la voix pour se dire consternées par le nouvel affront infligé à l'institution F.C Nantes, tant d'autres se complaisent dans un mutisme coupable, lequel contribue bien plus qu'ils n'en ont conscience au cirque qui se joue depuis 2007 par Monsieur Déloyal, Waldemar Kita.

 

Pas de trophée, ni même une alliance

 

Raymond Domenech et le F.C Nantes est une cohabitation qui va bien au-delà de l'incompabilité que l'on pourrait ramener à l'arrivée de Rudi Garcia chez les Gones. L'octuple champion de France s'est prosterné devant un homme qui n'a pas remporté le moindre titre et recherche encore, douze ans plus tard, la main d'Estelle, aussi introuvable que la pauvre Estelle Mouzin, disparue en 2003. Mais voir Domenech collaborer avec les Kita, maintenant, durant ce qui constitue la plus grosse crise traversée par le club quand bien même les supporters n'ont pas le loisir de s'exprimer au stade, n'a rien de vraiment surprenant. En réalité, cette venue répond à une logique mortifaire.

Après le départ de Vahid Halilhodžić, Waldemar Kita avait déjà émis le souhait d'enrôler le principal antagoniste du feuilleton sud-africain. Oui mais voilà, le FCN sortait d'une saison médiocre mais pas catastrophique, surtout marquée par le décès brutal d'Emiliano Sala. La grogne contre les Kita, toujours présente – elle n'est jamais devenue atone depuis 2007 -, était loin de son niveau d'aujourd'hui et l'homme d'affaires avait beaucoup à perdre en redémarrant une saison avec l'un des hommes les plus détestés du football français. Christian Gourcuff, autre convoitise de longue date du père Kita, a finalement retardé l'échéance de dix-huit mois.

 

Sortez les mouchoirs, Nantes pleure son ADN

 

Avec un contexte totalement différent, dans un exercice cataclysmique où le bilan définitif est de cinq victoires en vingt-six matchs de Ligue 1 disputés en 2020, Waldemar Kita joue sa dernière carte, ou plutôt, mise ses derniers jetons dans une partie de poker qu'il a déjà perdue. Mais en faisant tapis avec Domenech sur le court terme puisque d'aucuns n'imaginent ce dernier étendre son contrat de six mois, qu'espère-t-il gagner, sauvegarder ? Il marche sur un champ de ruines et il a bien compris que la reconstruction ne passerait pas par les architectes dont il s'est malhonnêtement entouré depuis sa prise de pouvoir. Foutu pour foutu, Waldemar veut entraîner tout un patrimoine dans sa chute ; bien au-delà d'une relégation en Ligue 2 qui soulagerait bien des supporters si elle s'accompagnait d'un changement de direction. Avec Domenech, Kita se mue en Heisenberg et dissout l'ADN du FCN dans l'acide pour faire disparaître le moindre de ses tissus.

De tissu, il récoltera une horde de mouchoirs blancs à la réouverture du stade. Plus qu'un retour pour les fans motivés à l'idée d'exprimer leur colère, il s'agira d'une première étape vers des adieux aux Kita et toute leur clique. Quant à Raymond, le pompier pyromane, il n'est qu'un numéro qui s'est avancé d'une case puisque la Présidence devra appeler son dix-huitième entraîneur pour refermer cette parenthèse désenchantée.