La sagesse de l'âge va-t-elle guider à terme le FC Nantes ? Quatre entraîneurs sexagénaires en quatre ans, deux expériences en demi-teinte, une désastreuse, et une autre, sur le cours, qui demande un visionnage supplémentaire avant d'être jugée. Qu'on se rassure, Gasperini a 62 ans et il enchante l'Europe depuis deux saisons aux commandes de son Atalanta. Un tel passionné du jeu, comme le prétend être le papa de Yohan, va forcément parvenir à mettre en application les fameux « principes » que l'on loue à tout-va aux seigneurs éloquents et marionettistes avisés de la communication.

Christian Gourcuff entre donc dans sa deuxième ère avec un surplus de pression. Au sortir d'une saison tronquée qui a vu les jaune et vert neutralisés à une pauvre 13e place, le technicien breton a désormais engagé sa responsabilité dans la préparation d'avant-saison, incluant un droit de regard global sur le recrutement. Rien d'étonnant, par exemple, à ce qu'il ait balayé d'un revers de main la piste Balotelli, regretté par bien peu de supporters dans les huit clubs traversés par le Palermitani. Du jeu, du jus, de la justesse technique... au cours de cet exercice 2019/2020, il a manqué bien des éléments pour créer un début de frémissement malgré une place en trompe l'oeil dans le top 5 jusqu'à la fin des matchs allers.

 

Nantes - Rennes, fossé creusé

 

Une trêve des confiseurs indigeste et qui a le goût amer d'un maronnier de Noël car les hommes de Gourcuff se sont de nouveau trainés une fois l'hiver venu. Entre la 19e et 28e journée, soit dix matchs, Nantes n'a récolté que neuf points et triomphé à deux reprises. Certes, le calendrier consommé lors de la phase retour (Bordeaux, Rennes, Paris, Lyon, Marseille, Lille, St-Etienne, Angers, Dijon et Metz) n'avait rien d'un long fleuve tranquille, mais les dégâts ont été torrentiels avec une chute de huit places digne du Niagara. Les prochains adversaires, plus abordables, pouvaient permettre aux coéquipiers de Nicolas Pallois de terminer à un rang plus décent mais la crise sanitaire et le gouvernement français ont posé un voile définitif sur le dernier quart du championnat.

Le malheur des uns (Lyon, Nantes, Lille, Amiens) a fait le bonheur des autres, à commencer par Rennes. Béni des Dieux avec des résultats favorables en Europa League qui ont qualifié dès l'entame des demi-finales le club rouge et noir en C1 pour la première fois de son histoire – devenant le 11e club français à participer aux phases de groupes de la Ligue des Champions -, la réussite du rival a jeté un peu plus l'opprobre sur le FC Nantes. Avec la qualification de Reims pour la prochaine coupe d'Europe, cela fait désormais près d'une vingtaine d'équipes françaises à s'être frotté aux compétitions continentales depuis la dernière participation du club ligérien, datée de 2004 avec une élimination sans gloire en Intertoto contre une formation slovène.

L'attente est grippante et surtout grimpante, l'impatience règne et la cission guette. Pour autant, cette saison 2020-2021 peut-elle être celle du renouveau ? Pour l'heure, l'équipe sur le papier est peu pimpante mais loin d'être définitive, le marché des transfers courant jusqu'à octobre. Les contaminations au Covid-19 ayant touché le vestiaire ne vont certainement pas aider le collectif à se mettre dans les meilleures dispositions pour reprendre la compétition après cinq mois d'interruption. Les matchs amicaux, dont les enseignements exigent un esprit précautionneux, n'ont pas été matières à laisser poindre une symphonie différente des partitions tournant en boucle depuis quinze ans. Anderlecht a démontré à l'évidence que l'équipe était en capacité de se solidifier pour défendre un morceau de beefsteak. Avranches, disputé sous la fournaise, a confirmé la plaie que représentait la nécéssité de faire le jeu et d'assurer le spectacle offensif face à une formation plus faible. Quant à la dernière séance de répétition, gagnée 3-1 contre les Havrais de Paul Le Guen, elle a conforté l'indispensabilité des ailiers Bamba et Simon, un secteur synonyme de morne plaine ces dernières saisons et sur lequel Christian Gourcuff peut véritablement s'appuyer.

 

Nantes la complexée

 

Plus généralement, sur ces années passées, il y a surtout cette sensation d'impuissance, comme celle d'un pilote de formule 1 qui cale au moment du départ alors que les bolides se font déjà gober par l'horizon. Des clubs comme Lille, Rennes et Nice semblent hors de portée et le top 10 un objectif dur à atteindre en incluant les meilleures écuries que sont Paris, Lyon, Marseille mais aussi Monaco. Nantes n'a pas avancé d'un pouce depuis sa remontée. Elle s'est momifiée et ses supporters errent tels des squelettes à espérer, enfin, une secousse susceptible de les faire sortir de leur torpeur. Gagner à Bordeaux sans Coco, Blas, Limbombe, Casteletto... allumerait une première lueur d'espoir parce que Nantes n'a plus conquis la Gironde depuis 2013 – en championnat.

Si Christian Gourcuff n'a pas suffisamment la main verte pour éviter au club de faner, il est à craindre que cette résignation accumulée d'année en année n'envahisse le cœur des amoureux du FCN jusqu'à emprisonner une passion devenue essoufflante. 

 

Crédit photo : Gérald ZeWest