Tancrède Adnot : "La première fois que j'ai pleuré de joie." 

Je me rappelle du 12 mai 2001 bien plus que du 12 juillet 1998. C'était la consécration d'un âge d'or. Imaginez seulement la vie d'un supporter nantais, qui voit France 98, la coupe de France 99, la coupe de France 2000, l'Euro 2000 et maintenant, son club aux portes du titre. Je me rappelle le stress incessant de voir le LOSC devant nous à la différence de buts pendant plusieurs semaines, je me rappelle le déblocage à Metz, ce match etouffant contre Bastia, et puis cette libération après la victoire contre Troyes qui nous mettait à une journée du sacre. 

Au collège de la Reinetière à Sainte-Luce-sur-Loire, pas si loin de la Beaujoire, je ne tenais plus en place sur mon siège. On a du attendre 15 jours, parce que Lyon nous avait éliminé en demi-finale de coupe de la ligue et la finale était entre les deux journées de championnat. N'étant pas un élève très assisdu à l'époque, je faisais quelques dessins, du stade, des maillots, des compos. Je mettais "Nantes 1-0 Saint-Etienne, but de Monterrubio à la 9e". 

Et puis le jour de gloire est enfin arrivé. J'avais une banane immense, j'avais le maillot, le short, les chaussettes jaunes, j'avais le maillot bleu de Landreau, que je porte encore. Un soleil brûlant dès le matin, l'odeur de l'herbe fraîche devant les pelouses du quartiers. Dans l'après-midi, je suis allé au Stade... municipal, pour jouer ma dernière journée en club chez les -13 ans. Après une belle victoire, une saison réussie, je suis rentré chez moi, pour activer le Saint-Graal : le décodeur canal. 

Et là, mes yeux se sont émerveillés : une Beaujoire magnifique, des couleurs, un soleil chaud, un hymne à la Beaujoire chanté par une chorale, du jaune et du vert. Peut-on ne pas gagner ce match ? Je ne me posais même pas la question. J'étais trop admirant du bouquet de fleurs géant que Coco Suaudeau avait passé à Raynald. Et puis, comme sur mon dessin, Nantes va gagner 1-0, avec un but à la 9e minute, mais pas de Monterrubio, non, de Vahirua, l'image même de cette victoire, de ce titre. Je le vois pagayer avec ce sourire radieux, ce maillot sublime, éclairé par le soleil. Et puis l'attente. Canal se concentrait sur les autres rencontres, jusqu'à ce que les arrêts de jeu arrivèrent à la Beaujoire.

Je sautais comme un fou dans le salon, je jetais mes popcorns au sol. Je voyais les supporters derrière le but. Et puis Stéphane Bré siffla les trois coups et devant la déferlante sur la pelouse, j'ai explosé en larmes. J'ai hurlé, couru dans le salon, lancé mon doudou...bref...j'ai tout fait sauter. On était Nantes, champions de France. 

Il y eu le match de Lens, et la coupe des confédérations en Corée et au Japon juste après. J'ai regardé les matchs comme si j'étais au bord d'une piscine. 

Encore aujourd'hui, lorsque je marque un but, je fais la pagaie. 

Gérald Mounard : "Prêts à accomplir le sprint de notre vie"

Je me souviendrai toujours de cette ferveur, de cette impatience et en même temps de cette tension perceptible chez les supporters présents à la Beaujoire ce jour-là.

Il fallait absolument gagner pour s’adjuger le titre pour de bon car Lyon était à l’affût d’un faux pas de notre part. C’était un match des extrêmes, contre Saint-Etienne qui n’est jamais une opposition comme les autres et qui avait connu une saison minée par des affaires extra sportives. Le but de Vahirua, intervenu assez tôt dans le match, a permis de détendre un peu l’atmosphère mais rien n’était encore acquis.

On avait l’impression que les minutes défilaient plus lentement que d’habitude. Quelques minutes avant la fin du match, l’attente devenant insoutenable, pas mal de personnes (j’en étais) avaient déjà commencé à prendre possession de la pelouse.

Les stadiers, pourtant en nombre important, essayaient bien de contenir la masse mais ils se sont très vite retrouvés débordés. Les supporters étaient sur les starting-blocks, prêts à accomplir le sprint de leur vie pour fêter ce huitième titre au plus prêt de nos héros. Au coup de sifflet final, c’est une vague impressionnante qui a noircie très rapidement une bonne partie du terrain.

Ce sont des moments tellement intenses à vivre, comme irréels qu’il est difficile de les décrire avec précision. On savoure, on se lâche.... Et on espère qu’ils dureront le plus longtemps possible simplement.

Quelques jours plus tard j’ai pris la direction de Lens et le mythique stade Bollaert avec son public et ambiance incomparables, pour assister au dernier match de la saison et rester sur le nuage sur lequel je m’étais installé afin de communier encore une fois avec tous ces joueurs et cette équipe que j’admirais tant. Des souvenirs que l’on s’offrent pour la vie et dont je me lasserai jamais de me remémorer...   

Daniel Ollivier : "Le plus beau titre, car le plus improbable". 

2001 pour Raynald Denoueix c’est L’Odyssée de l’Espace. Il aime faire ce trait d’esprit pour rappeler que l’espace c’était la signature de son équipe. A l’instar de Stanley Kubrick, il a réalisé un chef d’œuvre esthétique. De cette saison, ce qui reste à l’esprit ce sont ces moments de grâce où tout devient facile sur le terrain. Le jeu prime sur l’enjeu, et le plaisir de jouer sur la pression du résultat. Ce titre est le plus beau car le plus improbable du fait de l’adversité. Cette année-là, faut-il rappeler que l’effectif était composé de 22 joueurs issus du Centre de Formation. Osons croire que l’avenir n’est qu’un éternel recommencement.