Nous avons eu le plaisir d’avoir un échange à bâtons rompus avec Pascal François (président), Georges Honoré (vice-président), Alain Lemoine (secrétaire général), Bernard Turpin (trésorier) et Eric Duprat (membre du bureau) qui sont des acteurs historiques de cette association de chercheurs qui partagent une passion commune : le football.
Est-ce que l’on peut faire en quelques mots l’historique de l’ACFF ?
Nous avons eu l’idée de créer cette association en 2006 avec des personnes comme André Menaut qui a été notre premier président, Jean Françis Gréhaigne ou bien encore Hugues Jullien, Jean-Marie Lawniczak qui était alors entraîneur du Racing Club de France et président de l’Amicale des éducateurs à partir d’un constat partagé d’interroger les modalités collaboratives entre la recherche et le monde du football. Il n’y avait pas de réelle collaboration entre l’univers du football et celui de la recherche alors que nous constations que c’était le cas dans d’autres pays européens. Nous étions plusieurs à avoir un pied dans le monde universitaire et un autre dans celui du football. La francophonie avait aussi du sens pour nous car nous voulions faire connaître les travaux de recherche hors de nos frontières. Aujourd’hui, notre association regroupe une trentaine de membres appartenant à plusieurs générations, majoritairement masculins mais pas uniquement et disposant de compétences multidisciplinaires : entraîneur et éducateur dans le football professionnel ou amateur, docteur en STAPS, enseignant chercheur, professeur certifié d’éducation physique, ou d’Histoire Géographie, mais aussi inspecteur d’académie, professeur d’Histoire, de Géographie ou de Sociologie. C’est une association ouverte à tous ceux qui s’intéressent aux travaux scientifiques dans le domaine du football.
Quelles sont vos modalités d’organisation et quels sujets abordez-vous concrètement dans le cadre de vos rencontres ?
Le premier moyen que nous avons utilisé au sein de l’association a été d’organiser des colloques annuels et de les programmer au moment des finales du championnat de France universitaire. Faute d’avoir les moyens pour être autonomes sur le plan financier nous passions une convention avec l’Université qui nous hébergeait. Au départ, il n’y avait pas un thème précis à nos rencontres mais nous avons fait dans un second temps le choix de retenir un sujet : par exemple la formation ou la préparation mentale. Grâce à notre réseau, nous sommes en mesure de faire intervenir des experts reconnus. Nous n’avons jamais été inféodé à la Fédération Française de Football mais nous avons toujours entretenu de très bonnes relations avec elle et notamment avec la Direction Technique Nationale. Depuis la crise sanitaire, nous avons modifié notre manière de nous réunir en faisant le choix de la visioconférence, interactive, avec un public limité afin de permettre la circulation fluide et libre de la parole. C’est moins convivial mais cela nous donne une certaine souplesse de fonctionnement. Les intervenants se voient proposer un espace de liberté, sans enregistrement et avec diffusion des supports sur notre site. Lors de notre dernière rencontre en mars dernier nous avons abordé le sujet du pénalty et des tirs au but avec plusieurs experts dont le médiatique Christophe Lollichon mais aussi deux entraineurs professionnels et un universitaire chercheur. Sadio Mané, pressenti, a dû renoncer en raison d’un entrainement avec sa sélection nationale.
Vous évoquiez le fait que dans d’autres pays la relation entre la recherche et le football est beaucoup plus étroite. Est-ce que l’on peut donner quelques exemples ?
Chez les anglo-saxons c’est en effet une pratique ancienne. Il y a notamment à Liverpool une université qui produit beaucoup de recherches sur le football et qui organisent des congrès mondiaux.
Est-ce que l’on constate depuis 20 ans une évolution culturelle et un rapprochement entre le monde universitaire et le football ?
Pendant de nombreuses années, la Fédération Française n’a pas poussé la recherche et sa seule ouverture aux travaux scientifiques se cantonnait à l’aspect physiologique lors du Congrès National des Médecins. Notons l’arrivée décisive de François Blaquart à la Direction Technique Nationale, avec qui d’ailleurs nous entretenons d’excellentes relations, mais il a fallu attendre ces dernières années pour voir apparaître un Centre de Recherche. Nos rapports avec la Fédération sont d’une courtoise indépendance. De leurs côtés les clubs professionnels s’équipent et développent leur savoir-faire dans la recherche de performance mais ce n’est pas facile d’identifier « qui fait quoi » car nous sommes dans un domaine hautement stratégique. Le secret entoure par exemple le Paris Saint Germain. Un petit groupe de recherche travaille à Brest sur l’intelligence collective sans contact étroit avec le Stade Brestois. Un autre indice que notre pays n’a pas totalement comblé son retard c’est que ce sont certaines sociétés privées, aux objectifs lucratifs, qui proposent de la formation pour les entraîneurs et les éducateurs en faisant appel à 80 % à des experts étrangers.
Quelle est votre vision sur ce qu’il faudrait faire pour faire progresser la recherche ?
La question n’est pas simple car on voit bien que les changements de pratiques s’inscrivent dans le temps long ce qui n’est pas forcément à déplorer. Il ne doit pas y avoir de posture hégémonique en matière de recherche. Nous préconisons un mélange des genres pour permettre au football de progresser. Aujourd’hui, la recherche universitaire n’est pas en mesure de prouver qu’elle peut supplanter en légitimité la connaissance et l’expérience des entraîneurs et des acteurs de terrain. Ce sont ces synergies entre chercheurs et acteurs de terrain qui sont fécondes en étant vigilant à la dimension de rapport aux pouvoirs. Il est intéressant de constater combien Franck Thivillier fait figure d’ovni. Bien qu’ayant quitté la FFF en janvier dernier, il a été le concepteur de son Centre de Recherche, en formateur novateur remarquable non issu du monde universitaire. Dans notre association, nous ne faisons pas seulement appel au savoir académique mais à toutes les personnes qui ont une expérience et un regard différent. La recherche est le produit d’un croisement de compétences par le partage dans le strict respect de la propriété intellectuelle et de l’opinion des acteurs.
Si vous voulez prendre contact avec cette association et en savoir plus sur ses activités nous vous proposons de vous rendre sur le site www.acff.site