Dans la vie d’un club, il y a toujours des moments-clés et nous sommes clairement dans cette situation. Un club de football professionnel n’est pas une entreprise comme les autres. Il doit être en symbiose avec son environnement humain. La confiance est déterminante. L’usure du temps fait que le discours de Waldemar Kita ne porte plus. Ses choix n’inspirent plus la moindre confiance aux acteurs gravitant autour du club, qu’ils soient élus, partenaires ou supporters. Son management « hors sol » pose question à bien des égards. Sa gestion interroge elle aussi l’institution judiciaire et financière puisque plusieurs enquêtes concernent des soupçons de fraudes à l’impôt et à l’évasion fiscale. De ce fait, la question de la vente du club n’a jamais autant été d’actualité.

 

La question de la vente

Aujourd’hui, à la question de savoir si le président veut vendre la réponse est, sans doute, négative. En bon négociateur, il sait que la conjoncture actuelle est particulièrement défavorable. À la fragilité structurelle du football français que l’on connaît depuis plusieurs années s’ajoute, dorénavant, celle de la crise sanitaire et de ses conséquences. Toutefois, prêt à vendre en 2019, il pourrait prochainement l’être de nouveau. En effet, les indicateurs de gestion sont au plus bas. Les recettes sont en chute libre avec la réduction prévisible des droits TV et l’organisation des matchs à huis-clos. Concernant les transferts, le portefeuille de transaction ne fait rêver personne. Peu de joueurs sont « bankables » comme on le dit dans l’univers du spectacle. La maîtrise des charges est problématique. Un plan social est redouté par le personnel. Comme jamais Waldemar Kita se retrouve isolé. Face à la contestation des supporters ses soutiens locaux sont inaudibles. Il sait être pugnace et hermétique à la critique mais sans doute n’est-il pas prêt à prendre trop de  risques concernant ses avoirs personnels et l’image de Vivacy.

 

La question de l’acquéreur

Dans un tel contexte, le possible rachat du club par un fond d’investissement américain ou chinois inquiète les amoureux du FC Nantes. Nul doute que certains prédateurs flairent déjà l’opportunité de racheter au meilleur prix.  Face à cette réalité, il est à craindre que le propriétaire, par dépit, accepte de vendre au plus offrant sans obtenir la moindre garantie concernant la pérennité du club.

Heureusement d’autres options sont envisageables. Notamment la création d’un « consortium » d’entreprises locales soucieuses de préserver l’identité du club, et de lui redonner une place centrale dans le patrimoine régional. La responsabilité sociétale des entreprises ne concerne pas seulement les missions humanitaires ou la préservation de l’environnement. Elle trouve aussi une raison d’être dans le champ culturel et sportif.  Le FC Nantes a besoin, aujourd’hui, d’une mobilisation générale des entrepreneurs locaux.  En retour le club est en mesure de beaucoup leur apporter. Sur le plan médiatique Waldemar Kita n’avait aucune notoriété avant d’acheter le club. Certains des futurs investisseurs pourraient être, en toute logique, les sponsors historiques du club. Aujourd’hui, ces derniers ne sont pas vraiment considérés comme des partenaires. Demain l’idée pour eux de participer à un projet fédérateur pourrait donner du sens à leur investissement.

Le Racing Club de Strasbourg autour de Marc Keller a été capable de le faire, pourquoi pas le FC Nantes ?... Dans une telle démarche, associer les anciens joueurs du club et les supporters pourrait représenter plus qu’un symbole.

 

La question du prix

L’estimation du prix d’acquisition du club est complexe à calculer. Chacun a son idée sur le montant et l’hétérogénéité est forte. En sollicitant quelques experts, nous constatons que le calcul repose sur 3 critères :

- La valeur financière : elle repose, à partir de divers scenarii, sur les flux des liquidités prévisibles à court et moyen terme. Les indicateurs financiers n’incitent pas à l’optimisme. La crise sanitaire rend opaque l’avenir sur le court terme. En l’absence de plan de développement l’estimation du club devient aussi plus aléatoire.  Les principaux éléments à prendre en compte pour Nantes sont les droits audiovisuels et la valeur marchande des joueurs. Rappelons, par ailleurs, que le club ne dispose d’aucun bien foncier.

- La valeur sociétale : elle analyse le rôle que joue le club comme porte-drapeau de la région. Le potentiel est sans doute intéressant à Nantes puisque la zone d’attractivité de la ville concerne plus d’un million de personnes mais les réalisations actuelles ne témoignent pas d’un grand dynamisme. Là encore l’absence d’un projet de club explique cette situation. Inutile de dire que, malgré son passé, l’image actuelle du club pénalise sa valeur marchande.

- La valeur de transaction : elle s’évalue à travers le montant que l'acquéreur est prêt à investir pour bénéficier de l’exposition médiatique du club et des retombées possibles sur ses propres activités. Waldemar Kita a été très performant dans cet exercice. Inconnu en 2007, il est devenu en quelques années une personnalité médiatique. Le football est un sport universel et ce vecteur de communication n’a pas d’équivalent sur la planète.

Comme nous le voyons, le prix d’un club de football s’évalue à travers ces trois critères et il ne se limite pas à une simple analyse comptable des résultats. Dans ce deal, c’est évidemment l’offre et la demande qui font la différence.

 

L’offre et la demande                                                                                                              

La vente d’un club de football pro ne repose pas toujours sur des critères purement objectifs. En 2015, Mac Court a acheté l’Olympique de Marseille pour 45 millions d’euros. Il a découvert depuis l’inflation des salaires et des charges de fonctionnement qui progressent deux fois plus vite que les recettes. Pas facile à gérer, même pour un entrepreneur de renom. La vente de Bordeaux par M6 à King Street a été réalisé, en 2018, pour un montant deux fois supérieur à celui de l’Olympique de Marseille. A croire que le business n’est pas aussi évident que cela puisque le fond américain souhaite revendre le club depuis déjà plusieurs mois. Aujourd’hui, il est bien possible que les investisseurs étrangers considèrent que le marché français a atteint une forme d’apogée et qu’il n’est plus assez attractif. Ils semblent privilégier le marché italien 

Faut-il rappeler que Waldemar Kita a acheté le FC Nantes entre 8 et 10 millions d'euros. En 2019, il voulait le vendre pas moins de 80 millions mais la transaction n’a pas été à son terme. Il a sans doute laissé passer sa chance de s’offrir une belle sortie.  À vouloir trop gagner, Waldemar Kita se retrouve, maintenant, dans l’obligation de s’adapter à la demande… Si celle-ci se manifeste !