(Photos de presse collection Famille Crinquette)

La situation empire au Football Club de Nantes. Les joueurs professionnels décident de ne pas se rendre à St Etienne, dimanche prochain, 24 février 1991. Non payés depuis deux mois, les pros nantais ont voté la grève jusqu’à nouvel ordre !

Max Bossis, le leader

Le communiqué du groupe est clair, sans équivoque, lorsqu’il est lu par l’un des leaders de la lutte, Maxime Bossis : "Après avoir fait preuve de patience, et de compréhension à l’égard des problèmes financiers du Club, l’effectif professionnel du FCN souhaite exprimer son inquiétude par rapport au retard de paiements de décembre 1990 et janvier 1991 (...). Nous ne souhaitons pas nous immiscer dans les difficiles relations Club-Municipalité-Banques, mais il convient qu’une solution rapide et satisfaisante soit trouvée. Dans l’attente de cette solution, nous avons décidé de ne plus participer à toute rencontre officielle ou amicale, engageant le Club."

C’est en ces termes que Max Bossis, accompagné de Paul Le Guen et de Jean-Jacques Eydelie, a signifié cette décision au Président Max Bouyer. Apparemment approuvée par l’ensemble du groupe, ce que dément le Président du FC Nantes, la décision pourrait créer des tensions au sein du vestiaire ; ce qui serait pire que tout.

Doit-on se déplacer chez les Verts avec les jeunes stagiaires ? Sont-ils solidaires de leurs aînés ? Qu’en est-il du choix des entraîneurs ?

La Municipalité s'en mêle

Auparavant, une réunion importante a eu lieu entre la présidence du Club et la municipalité nantaise. Le Maire de Nantes, s’accordant un délai de réflexion, précipita l’action d’arrêt des joueurs. Seuls se poursuivent les entraînements pour ne pas perdre les acquis physiques.

En ce début d’année 1991, l’un des grands clubs français agonise. Pendant ce temps, les décideurs nantais, Club et municipalité, "jouent à une partie de poker-menteurs", écrit le journaliste Jean-Paul Vanneraud. Les uns s’étonnent du mépris qu’ils rencontrent à l’Hôtel de Ville ; les autres la jouent politique, en ayant écarté à l’élection du Conseil d’administration des Jaune et Vert, Michel Cordier, proche (trop) de Jean-Marc Ayrault…Que la municipalité veuille faire payer cet acte, peut se comprendre. Mais, à l’échec sportif de la mi-saison, se rajoute un énorme échec financier.

Les Canaris ont besoin d’argent. Le Conseil Général a voté en express une subvention "pour aider les moribonds, non pas à mourir, mais à se sauver." L’espoir de Max Bouyer est de voir suivre la Mairie à en faire de même, pour un montant de subvention supérieur. Le Président a présenté un plan de redressement au Maire, et rencontre sur Paris, un futur nouveau gros sponsor ; cela ferait mauvais effet auprès de ce nouveau partenaire, que d’avoir, selon Max Bouyer, "une attitude jusqu’au-boutiste".

Le Président nantais sait que le pouvoir est entre les mains de Monsieur Le Maire. Pour dénouer la crise financière, Jean-Marc Ayrault doit choisir et décider entre le versement de l’argent, ou obliger les dirigeants des Canaris à céder leur place…

Plan de financement

Chez les joueurs, dix des dix-huit salariés ont envoyé à leur employeur, la lettre de mise en demeure, qui les libère de tout contrat s’ils ne sont pas payés après un mois de réception du courrier.

Dans un communiqué, la Mairie précise bien que : "la Ville de Nantes n’a pas pour vocation à financer une association indépendante, encore moins de gérer son budget qui dépend également d’autres partenaires institutionnels comme le Conseil Général, le Conseil Régional, les établissements bancaires, les sponsors…".

Lors de la présentation de son plan de financement, le Président Bouyer a rappelé ce que la notoriété de la ville tirait du FC Nantes, en valeur d’espaces publicitaires par an, et sur les cinq dernières années, un rendement plus positif que négatif ; reste à savoir dans quelle colonne comptable, ces chiffres sont-ils déposés.

Les salaires reviennent, la victoire aussi

La meilleure répartie vient du journaliste de Presse Océan, Bruno Lautrey : "Sagesse (financière) et image, voilà le FCN souhaité par la Mairie ! Certains interpréteront sage comme une image… ; ce qui implique une mise au pas, mais lorsqu’on a fauté…".

Quelques nuits blanches plus tard, les dirigeants nantais s’engagent à verser un des deux mois de salaire en retard. Ce qui a pour conséquence de suspendre le mouvement de grève, jusqu’au prochain conseil municipal (le 3 mars) dédié spécifiquement au sort du FC Nantes.

En attendant, comme le précise Robert Budzynski : "le Club, de manière interne, a été capable d’assurer une partie de la paye". En d’autres termes, ce sont les dirigeants qui ont apporté la garantie nécessaire au paiement d’un mois de salaire, aux joueurs et entraîneurs. Ceci n’est pas nouveau. Au mois de décembre précédent, le Président Max Bouyer avait dû garantir sur ses propres biens, la paye du personnel administratif. Difficile fonction que d’être Président de Club…

Le Football Club de Nantes assure son déplacement à St Etienne, afin de faire également les efforts sportifs, pour rétablir une position inquiétante au classement du championnat de 1990-1991 : rencontre gagnée 3 buts à 1, dans le chaudron, le dimanche 24 février 1991.