Oscar Muller (1957-2005) était un peu l'homme de l'ombre du flamboyant FC Nantes des années 1977-1984. Posté en tant que milieu de terrain, le plus souvent avec le numéro 8, il utilisait ses qualités techniques pour réguler le jeu des Canaris tout en envoyant quelques frappes impressionnantes et souvent rectilignes dans les filets adverses. Il portait l'héritage de son père Ramon Muller, inoubliable funambule de l’entrejeu nantais entre 1964 et 1966. Mais à qualités techniques égales, Oscar était un joueur appliqué là où son père était plus fantasque.
Mon père, ce héros
Oscar Muller est né le 28 juillet 1957 à Rosario, la ville où Ramon vit le jour vingt-deux ans plus tôt et où il pratique son métier de footballeur professionnel. Ramon Muller évolue depuis quatre ans aux Newell's Old Boys, un club de première division argentine qui n’a pas encore gagné sa réputation actuelle (1). En 1960, à l’âge de vingt-cinq ans, Ramon et sa famille traversent l’Atlantique et rejoignent la France. Le milieu de terrain argentin illumine alors le jeu de Sochaux puis de Strasbourg avant de rejoindre le FC Nantes au cours de la saison 1963/1964. Après deux saisons et demies chez les Jaunes, il retoune à Strasbourg avant de jouer à l’US Boulogne puis à Saint-Brieuc à partir de 1970.
Oscar et son jeune frère Francesco suivent évidemment la trajectoire paternelle. Au Parc de Procé, on aperçoit parfois les deux gamins observer les entraînements de leur père et de ses coéquipiers, souvent en cachette car ils étaient censés être à l’école. Plus tard, ils taperont le ballon dans les équipes de jeunes à Strasbourg puis à Boulogne. Mais c’est au Stade Briochin que les deux adolescents se font remarquer par les recruteurs de clubs professionnels aux aguets. Dès 1973, à l’âge de seize ans, Oscar rejoint les équipes de jeunes du FC Nantes avec le rêve d’une carrière professionnelle digne de celle de son père. José Arribas le teste avec les pros dès le début de la saison 1973/1974 à l’occasion d’un match de reprise à Brest contre l’Olympique Lyonnais, précisément le Challenge des Champions (équivalent de l’actuel Trophée des champions). A seize ans et demi, Oscar Muller remplace Bernard Blanchet à la mi-temps.
Cette rencontre n’est pour le jeune Oscar Muller qu’une parenthèse. Il évolue principalement en équipe réserve ainsi qu’avec les Juniors dirigés par Guelzo Zaetta. L'équipe, notamment composée de Pécout, Baronchelli, Sahnoun, Van Straelen, et Tusseau, remporte la Coupe Gambardella en juin 1974. La finale a lieu au Parc des Princes, en lever de rideau d’un Saint-Etienne-Reims, demi-finale de Coupe de France, à l’époque jouée sur terrain neutre. Devant 46.000 spectateurs, les jeunes Canaris s’imposent 4-1 contre l’AS Nancy-Lorraine, dirigée par un certain Aldo Platini, lequel n’avait pas retenu son fils mais disposait toutefois d’Olivier Rouyer en attaque.
La Gambardella en double
Francesco rejoint Oscar dès la saison suivante et les deux frangins participent activement à un nouveau parcours des juniors nantais jusqu’en finale de la Gambardella. Au Parc des Princes, en ouverture de la demi-finale PSG-Lens, les Canaris, avec Oscar dans l’entrejeu et Francesco sur l’aile droite, s’imposent face au FC Sochaux. La victoire est beaucoup moins nette puisqu’elle est acquise aux tirs au but. Baronchelli a ouvert le score, mais les Sochaliens ont égalisé en seconde période par le jeune Bernard Genghini. Celui-ci manque son tir au but, comme deux de ses coéquipiers, alors que les Nantais Ichoua, Osman, Tusseau, Baronchelli et Francesco Muller parviennent à tromper le jeune Joël Bats.
Un peu plus tôt, Oscar Muller avait découvert la Première Division. Le 23 février 1975, à la suite du forfait de Michel Pech, José Arribas l’avait titularisé à l’occasion d’un Nantes-PSG à Marcel-Saupin, vingt-huitième journée de Première Division. A dix-sept ans et demi, sa prestation aux côtés de Michel et Rampillon n’est pas une réussite, pas plus que celle de Bruno Baronchelli qui découvre également le grand bain à dix-huit ans. En début de seconde période, Oscar est remplacé par Omar Sahnoun, vingt ans et quelques matchs de plus dans les jambes.
L'entraîneur nantais n’est pas du genre à accabler ses jeunes joueurs : "Il ne fallait pas s'attendre à des miracles, explique-t-il dans le France-Football du 25 février 1975. Je vous rappelle que Baronchelli est international junior, et qu'Oscar, le fils de Ramon, n'est âgé que de dix-sept ans et demi. Aussi leur a-t-il manqué ce qu'on pouvait légitimement craindre : l'expérience et l'habitude du rythme de Division 1. Vous savez, on ne passe pas impunément de la Division 3 en équipe fanion sans connaître des problèmes d'adaptation. Cela dit, laissons mûrir les fruits qu'ils portent incontestablement en eux".
Un petit pont sur Platini
Oscar Muller doit attendre deux ans de plus pour goûter à nouveau à l’élite du football français. Sa progression est quelque peu freinée par des problèmes musculaires. Jean Vincent l’appelle pour une rencontre à Troyes en janvier 1977. L’examen se passe beaucoup mieux. Le jeune Nantais se voit attribuer quatre étoiles (sur cinq) par France-Football. Il s’installe au sein de l’équipe, profitant notamment de l'indisponibilité de Gilles Rampillon. Il participe à la conquête du quatrième titre de l’histoire du club. Il inscrit son premier but à Troyes, en seizième de finale aller de la Coupe de France, et prend son premier carton jaune en quart de finale à Lens.
Rapidement, le public nantais se fait une raison : Oscar n’est pas Ramon. Le fils Muller évolue certes au milieu de terrain, il possède un toucher de balle onctueux et une technique très brillante, mais il reste un joueur sobre qui s’applique à gratter des ballons chez l’adversaire et en donner de très précis à ses partenaires. Il dispose en outre d’une frappe sèche qui lui permet d’envoyer quelques ballons au fond des filets. On l’appelle également souvent pour tirer les penaltys et les coups francs.
Toutefois, une impertinence commise en février 1980 ne fut pas loin de rappeler celles de son père. Lors d’un Nantes-Saint-Etienne disputé à Saupin, Oscar élimina Michel Platini d’un petit pont que l’intéressé prit comme une véritable humiliation. L’ASSE aura sa revanche un an plus tard, quand Oscar, recevant de la part de son gardien Dominique Leclercq un ballon empoisonné aux abords de la surface, se le fait chiper par Jean-Louis Zanon qui s’en va marquer pour les Verts le but qui leur donnera un avantage décisif dans la conquête du titre.
Le break en finale
S’il pouvait être espiègle sur le terrain, Oscar Muller était dans la vie un garçon très réservé, peu bavard et d’une grande gentillesse. Cette discrétion lui coûte peut-être aujourd’hui de ne pas être immédiatement cité parmi les grands joueurs de l’histoire du FC Nantes alors qu’il compte 244 matchs avec le FC Nantes, trois titres de champion de France (1977, 1980 et 1983), une quinzaine de rencontres européennes et aussi la victoire en Coupe de France 1979.
La finale disputée contre Auxerre lui tenait particulièrement à cœur, tant son père lui avait exprimé ses regrets d’avoir perdu celle de 1966 avec un sentiment de culpabilité (un claquage l’avait obligé à laisser ses coéquipiers finir la rencontre à dix). Mis en difficulté par les amateurs bourguignons, les Nantais de 1979 s’imposent finalement 4-1 en prolongations. Pécout marque trois buts, mais le but décisif, celui du 3-1, est inscrit par Oscar d’une frappe de l’extérieur du pied droit qui trompe Szeja et roule jusqu’au fond des filets. Le but qui donne deux buts d’avance à sept minutes de la fin du temps réglementaire et qui assoit définitivement la victoire des Canaris.
Un penalty contre le Rapid
Sa répugnance à ne pas se mettre en avant vis-à-vis de ses coéquipiers lui a peut-être aussi coûté une carrière internationale. Il est malheureux de constater qu’Oscar Muller n’a porté qu’une seule fois le maillot bleu orné du coq, celui de l’équipe de France B qui affronte son homologue espagnole à Toulouse en février 1981. Contrairement à ce qui peut être lu ça et là, Oscar n’a jamais joué avec l’équipe d’Argentine. Il avait opté pour la nationalité française et avait fait son service militaire en 1978 au bataillon de Joinville.
Oscar a marqué trente-sept buts au cours de sa carrière nantaise. L’avant-dernier ne fut pas des moindres car il s’agit d’un penalty transformé contre le Rapid de Vienne au match retour du premier tour de la Coupe des Champions 1983/1984. A l’heure de jeu, il ramène le score à 3-1 pour les Canaris et entretient l’espoir d’une qualification après un sévère 0-3 concédé à l’aller en Autriche. Comme les autres Nantais, Oscar se bat comme un lion, mais son engagement est tel qu’il reçoit deux avertissements. Le carton rouge que lui adresse l’arbitre basque Emilio Guruceta-Muro à douze minutes du coup de sifflet final est le seul de sa carrière.
Dans l’entrejeu du FC Nantes, Oscar Muller a toujours été soumis à une forte concurrence : Michel, Rampillon, Sahnoun, Tusseau, son copain Van Straelen, Baronchelli parfois, puis la génération des Adonkor et Poullain qui l’a poussé sur le banc. A vingt-sept ans, Oscar Muller rejoint le Stade Rennais, en même temps que Patrice Rio. Les deux hommes participent à la remontée du club breton, puis au maintien la saison suivante, orné d’un parcours en Coupe de France jusqu’en demi-finale. Au cours de l’été 1986, Muller rejoint Amiens, en deuxième division, puis Angoulême la saison suivante avant de revenir à Nantes pour jouer au sein des rangs amateurs de Saint-Sébastien sur Loire.
La tribune de Saupin
Plus tard, il décide d’aller vivre sur l’île de la Réunion. Dans la commune de L'Entre-Deux, il ouvre un commerce de vêtements et de souvenirs, tout en prêtant main-forte aux petits clubs du coin. Au milieu de l’été 2005, alors qu’il vient de quitter son magasin peu avant midi, Oscar Muller est percuté par une moto alors qu’il traverse la route. Victime d’un traumatisme crânien et de fractures aux côtes, il est conduit d’urgence à l’hôpital de Saint-Pierre, où on le plonge dans le coma. Il succombe à ses blessures quelques jours plus tard, le 19 août 2005.
Dès le lendemain à Nice, les joueurs du FC Nantes portent un brassard noir à l’occasion du match de championnat contre l’OGCN, précédé par une minute de silence. Une semaine plus tard à la Beaujoire, un nouvel hommage est rendu à Oscar Muller lors de la réception du FC Metz. En 2009, son nom est donné à l’ultime tribune du stade Marcel-Saupin, ainsi que le salon du stade.
(1) Les Newell's Old Boys de Rosario, champions d’Argentine en 1974, sont aujourd’hui célèbres pour avoir été le club formateur de Jorge Valdano, Gabriel Batistuta et Lionel Messi. Il est à noter que le meilleur buteur de l’histoire du club n’est autre que… Victor Ramos, qui fera un bref passage à Nantes au cours des années 1980.
- Consulter le palmarès d'Oscar Muller sur le site histoiredufcn.fr