Le derby Nantes-Rennes est presque aussi vieux que le FC Nantes lui-même. C’est en effet dès 1943, six mois après la création du club, que les Canaris sont opposés à Rennes dans une compétition officielle. La première rencontre aurait dû avoir lieu à Rennes le dimanche 26 septembre 1943. Mais avec les bombardements qui ont frappé la Cité des Ducs dans les jours précédents (les 16 et 23 septembre), la rencontre a dû être reportée.

Bretagne-Anjou

Le FC Nantes est alors engagé dans le Championnat de France Amateur, équivalent de la deuxième division au niveau national, et premier échelon amateur. Ce championnat réunit pas moins de 133 équipes, lesquelles sont réparties en douze groupes. Nantes est affecté au groupe G, intitulé “Bretagne-Anjou”, qui contient huit équipes, dont deux clubs rennais.

C’est donc le dimanche 24 octobre 1943 que se dispute le premier Rennes-Nantes de l’histoire. Les hommes d’Aimé Nuic sont opposés non pas au Stade Rennais mais au club de la Tour d’Auvergne, dit le TA Rennes. Il s’agit d’un club de patronage créé en 1896 qui a fondé sa section football en 1907.

L’équipe dirigée par Aimé Nuic dispute sa troisième rencontre après avoir débuté par une victoire et un nul. L’équipe rennaise, en revanche, a perdu ses trois premières rencontres, toutes jouées à l’extérieur. Elle occupe une dernière place peu enviable.

Le FC Nantes vient lui infliger une quatrième défaite. Une “victoire méritée” selon l’envoyé spécial de Ouest-éclair, qui a été acquise dès la première mi-temps grâce aux buts de David (sur un centre de René Crépin) et Charles Vischer. Nantes alignait l’équipe suivante : Allemany - Blampain, Joly - Kerdraon, Gergovitch, Garrec - Vischer, Rivero, David, Nuic et Crespin.

La Tour d’Auvergne de Rennes existe toujours de nos jours et le FC Nantes est bien placé pour le savoir. Lors de la saison 2011-2012, alors qu’ils évoluaient en deuxième division, les Canaris ont été battus au huitième tour de la Coupe de France par le club rennais, alors en National 3 (soit trois niveaux en-dessous). Après un match nul (2-2), le TA s’est imposé 4/3 aux tirs au but et signé ce soir-là le plus bel exploit de son histoire.

Tête de Moineau

Mais en 1943, les joueurs rennais sont à la peine. Le match retour a lieu le 13 février 1943 à l’occasion de la treizième journée. Il se déroule à Procé, le stade de Malakoff étant en travaux après les bombardements de septembre 1943. De nouveau les Canaris s’imposent (2-0), buts de René Crépin (35’) et le dénommé Moineau, de la tête (80’). Cette victoire permet aux Nantais d’atteindre la deuxième place du classement derrière l’US Saint-Servan.

Quant au Stade Rennais, le FCN va y être confronté lors des 15e et 18e journées. Le SRUC, Stade Rennais Université Club, a été fondé en 1901. Il a fait partie des pionniers du premier championnat de France professionnel en 1932-1933. Il est resté cinq saisons dans l’élite avant d’être rétrogradé en 1937. En cette exercice 1943-1944, les Rennais ont perdu un match sur tapis vert pour avoir fait jouer un joueur non qualifié contre Brest en janvier. C'est qu'on est déjà pointilleux, à l'époque.

Le 27 février 1944 à Procé, les Canaris s’imposent 3-2 face au SRUC. Charlot ouvre le score à la 27’ mais le Rennais Ledan égalise cinq minutes plus tard. Toutefois l’Espagnol Rivero, que l'on surnomme "Lodo", parvient à redonner l’avantage aux Nantais juste avant la mi-temps. En seconde période, le même Rivero inscrit un nouveau but, avant que Simon ne réduise l’écart pour Rennes.

Le SRUC reçoit Nantes le 26 mars 1944 pour la dernière journée. Les Bretons l’emportent 1-0 grâce à un but de Simon inscrit dès la sixième minute et une héroïque défense face à des Nantais privés de leur meneur de jeu Aimé Nuic, victime d’un claquage. Bien que battu, Nantes termine deuxième et le Stade Rennais quatrième, tandis que la Tour d’Auvergne se classe huitième.

Equipe fédérale

Au printemps, Nantes termine sa saison par une flopée de matchs amicaux. Le samedi 15 avril 1944, les hommes d’Aimé Nuic reçoivent à Procé l’Équipe Fédérale de Rennes-Bretagne et l'emportent 3-2.

Cette équipe fédérale Rennes-Bretagne est une équipe créée à l’occasion de la saison 1943-1944 lorsque le régime de Vichy a retiré aux clubs leur section professionnelle et fait disputer un championnat de France par des équipes fédérales, lesquelles ont pour noms Bordeaux-Guyenne, Clermont-Auvergne, Grenoble-Dauphiné, Lens-Artois, Lille-Flandres, Lyon-Lyonnais, Marseille-Provence, Montpellier-Languedoc, Nancy-Lorraine, Nice-Côte d'Azur, Paris-Capitale, Paris-Île-de-France, Reims-Champagne, Rennes-Bretagne, Rouen-Normandie et Toulouse-Pyrénées. Les footballeurs professionnels sont rémunérés par l'État et affectés dans ces différentes équipes. Les clubs quant à eux sont tous rétrogradés dans les divisions amateurs, notamment le Stade Rennais. Ce système fédéral sera abandonné dès la saison suivante, à la Libération.

Pour cette rencontre particulière, l’équipe nantaise est renforcée par deux joueurs du Stade quimpérois et un provenant du SCO Angers. Bien qu’elle soit opposée à des professionnels, la formation nantaise n’en parvient pas moins à l’emporter. L’envoyé spécial de Ouest-éclair en attribue tout le mérite au gardien René Lopez, qui a effectué de nombreux arrêts.

Les Rennais ont pourtant ouvert le score par l'Espagnol Salvador Artigas (futur entraîneur des Girondins de Bordeaux), mais les amateurs nantais égalisent en début de seconde période par l’inévitable Rivero. Rennes reprend l’avantage sur penalty, mais dans les cinq dernières minutes, Rivero, bien servi par Nuic, égalise de nouveau avant que le Quimpérois Bowens n’inscrive le troisième but nantais.

Quatre victoire à une, c'est le premier bilan du FC Nantes pour sa première saison. Le derby partait sur de bonnes bases.