Si le titre de l’album évoque plutôt l’Olympique de Marseille, c’est bien au Football Club de Nantes que “Droit au but”, quatrième tome des aventures de Eric Castel, rend hommage. Le héros de BD en question est un footballeur né de l’imagination du belge Raymond Reding (1920-1999). Ce natif de Louviers, qui a grandi à Anderlecht, est considéré aujourd’hui comme l’un des grands maîtres d’un genre créé dans le sillage des aventures de Michel Vaillant, la bande dessinée sportive.

Le Château des Ducs et le Passage Pommeraye

Ce genre met en avant des sportifs de haut niveau, au corps sain et à l’esprit irréprochable. Raymond Reding crée plusieurs séries sportives : Jari, Vincent Larcher et la Section R. Pour Eric Castel, il fait appel à l’illustratrice Françoise Hugues, chargée de dessiner les décors.

C’est donc à cette dessinatrice au trait précis et détaillé que l’on doit les impressionnantes cases architecturales qui restent aujourd’hui la grande force de la série. Le foot est en effet un prétexte pour promener le héros dans différentes grandes villes d’Europe : Barcelone, bien sûr, puisqu’il y joue et y réside, mais aussi Hambourg, Cologne, Amsterdam, Monaco… et Nantes.

Les supporters du FCN se doivent donc d’avoir dans leur bédéthèque le quatrième tome de la série, intitulée “Droit au but”, sorti en juin 1981 chez Novedi/Hachette. Inutile d’être un accro du ballon rond pour apprécier les dix-huit premières planches de l’album. Même le Nantais le plus hostile aux choses du foot appréciera la première case qui offre d’entrée une superbe vue aérienne du Château des Ducs. Quelques pages plus loin, un mouvement de supporters fait la part belle au Passage Pommeraye.

Saupin et le maillot Europe 1

Reding et Hugues nous proposent donc une plongée émerveillée et, de nos jours, un peu nostalgique, dans le Nantes du début des années 1980. Les exploits de leur héros footballeur nous conduisent bien entendu au vieux Stade Marcel-Saupin, où Barcelone affronte des joueurs vêtus du célèbre maillot jaune Europe 1. On peut s’étonner d’ailleurs de voir le sponsor sur la tunique nantaise à une époque où toute marque était interdite dans les épreuves européennes (ça ne sera autorisé qu'à partir de 1982). Cela démontre toutefois combien ce sponsor, et sa disposition sur le maillot, sont entrés dans l’imaginaire du public. De cases en cases, la BD passe également au centre d’entraînement de la Jonelière, devant l’Erdre occupée par les véliplanchistes.

On pourrait s’interroger sur le choix de Nantes comme adversaire à Éric Castel. Lors des épisodes précédents, ce Barça dessiné était confronté à des clubs allemands, le FC Cologne et Hambourg. En 1980, lorsque les auteurs démarrent le quatrième album, le FC Nantes occupe le haut de l'affiche en France. Leur parcours européen, qui les a conduit en demi-finales de la Coupe des Vainqueurs de Coupes, a peut-être également influencé les auteurs.

Toujours est-il que sa présence dans cette BD a beaucoup fait pour la réputation du FC Nantes, un privilège que n'ont pas connu des clubs comme Saint-Etienne, l’OM ou d'autres. Nantes est le premier club français rencontré dans cette série. Plus tard, il y aura Monaco, puis le Paris Saint-Germain, les Girondins de Bordeaux et le LOSC. Le héros deviendra même joueur du club de la capitale puis de l’équipe nordiste lors de quelques infidélités au Barça.

Henri Michel et Jean Vincent

En feuilletant les pages de “Droit au but”, les spécialistes du ballon rond reconnaîtront deux personnalités du club croquées par Raymond Reding, sans qu’il ne soit nécessaire que leur nom soit précisé : l’entraîneur de l’époque Jean Vincent et le joueur emblématique Henri Michel. Non content de marquer un but extraordinaire planche 15, le capitaine nantais figure en couverture de l’album, à la poursuite du héros. On reconnaît également, au second plan, un joueur qui emprunte la physionomie d’Ugo Bargas.

La présence d'Henri Michel dans cet album est d’autant plus précieuse que la série met rarement en scène un personnage réel. Sur quinze albums parus entre 1979 et 1992, on ne croise guère que le joueur anglais Kevin Keegan, le président Francis Borelli du Paris Saint Germain, et… Hennes, la chèvre mascotte du FC Cologne. Raymond Reding pourtant n’aimait rien tant que de croquer les grands noms du football, tels Raymond Goethals ou Dominique Dropsy que l’on découvre dans d’autres séries.

L’album a d’autant plus ravi les supporters nantais que l’issue de la confrontation entre les deux équipes (spoil !) a tourné à l’avantage de nos Canaris. Parmi les albums suivants, il est vivement conseillé de feuilleter “Le secret de Pablito” pour apprécier, le temps de quelques vignettes, ce que l’on n’a jamais osé imaginer dans la réalité : voir le FC Nantes remporter la Coupe d’Europe !

Eric Castel retrouvera le FC Nantes quelques années plus tard dans le quinzième tome de ses aventures, "Le message du maltais". Le joueur vient alors d'être transféré au LOSC et la première équipe qu'il affronte sous son nouveau maillot est celle de Canaris. "Eurest" a remplacé "Europe 1" sur les maillots jaunes et l'équipe semble provenir des années Bouyer-Blazevic. On l'ignore alors, mais cet épisode est le dernier de la série.

Curieusement, les albums d'Eric Castel n'ont jamais été réédités. On en trouve toutefois à un prix encore raisonnable chez les libraires d'occasion et sur les sites de deuxième main.

  • "Eric Castel T4 Droit au but" (1981 Novedi/Hachette) de Raymond Reding et François Hugues. 44 planches. 218x287mm. EAN/ISBN:2-01-008153-6.