Le FC Nantes s’engage avec beaucoup d’ambitions dans la Coupe d’Europe des clubs champions 1983/1984, version originelle de l’actuelle Ligue des Champions. La saison 1982/1983 des Canaris a été si extraordinaire que son prolongement sur le plan européen attire beaucoup de curiosité.

La wunderteam de Suaudeau

L’effectif des champions de France n’a guère été chamboulé. Jean-Claude Suaudeau déplore toutefois le départ de Thierry Tusseau chez le rival bordelais et regrette que sa direction ne lâche pas les cordons de la bourse pour acquérir un renfort de niveau international. L'entraîneur nantais rêve du Belge Ludo Coeck ou de l’Argentin Osvaldo Ardiles, mais aussi du prometteur Daniel Bravo. Trop chers selon la direction du club.

A défaut de Bravo, c’est un autre Niçois prometteur qui débarque à Nantes, l’attaquant Gérard Buscher, 23 ans, essentiellement destiné à remplacer Vahid Halilhodzic lorsque celui-ci est indisponible. Or, on sait déjà que le Yougoslave sera absent des trois premières rencontres européennes des Canaris, puisqu’il lui reste à purger une suspension datant d’un carton rouge qu’il avait reçu à l’occasion du houleux Nantes-Lokeren de l’automne 1981.

Le tirage au sort a donné au FC Nantes un adversaire qu’il se garde bien de qualifier d’abordable. Le Rapid Vienne est champion d’Autriche et possède en ses rangs de nombreux internationaux autrichiens, parmi lesquels Hans Krankl, ancien buteur de FC Barcelone. Il compte également le milieu de terrain tchécoslovaque Antonin Panenka, connu pour avoir souvent fait souffrir l’équipe de France.

La voie rapide

Lorsqu’ils se rendent à Vienne pour le match aller, les Nantais ne sont pas emplis de certitudes. Leur début de saison a été moyen, et après huit journées, ils pointent à la quatrième place, à trois points de l'étonnant leader auxerrois. Gérard Buscher, malgré deux buts, peine à se faire sa place au sein du collectif nantais.

C’est pourtant bien lui qui est titularisé au poste d’avant-centre au Gerhard-Hanappi Stadion le 14 septembre 1983. Il est entouré des ailiers Baronchelli et Amisse devant un milieu de terrain composé de Touré, Poullain et Adonkor. Derrière, devant Bertrand-Demanes est aligné le traditionnel quatuor défensif Bibard-Bossis-Rio-Ayache.

Les Nantais n’ont plus joué de rencontre européenne depuis deux ans. Ils en retrouvent le parfum, cette tension pareille à aucune autre et cette intensité supérieure à ce qu’on connaît en championnat. L’adversaire est surmotivé et le public affiche une hostilité propre à déstabiliser les plus chevronnés. Les Nantais sont débordés, bousculés, piétinés. Ils font le dos rond en attendant la baisse de régime des Viennois.

La règle des quatre pas

Mais le match bascule au terme des vingt premières minutes. Bertrand Demanes sort de sa cage pour capter un ballon et fait quelques pas, pris par son élan. Mais avant qu’il ne dégage, l’arbitre anglais Neil Midgley intervient pour lui rappeler un récent règlement qui interdit aux gardiens de faire plus de quatre pas ballon en main. En accordant un coup franc indirect aux Viennois, le referee donne une interprétation tout à fait personnelle de cette règle destinée à combattre le gain de temps et l’applique à un gardien qui cherchait justement à relancer au plus vite.

A un mètre du point de penalty, Krankl glisse le ballon à Panenka qui l’envoie dans la lucarne de Bertrand-Demanes. Ce coup du sort pèse sur les Nantais, qui sentent le match leur échapper. Face à eux, les Autrichiens semblent plus déterminés, mieux préparés à l’affrontement.

En fin de première période, ils encaissent un second but de Panenka, d’une lourde frappe du pied droit. A la pause, Suaudeau fait sortir Buscher, complètement transparent, le remplace par Oscar Muller et demande à Baronchelli de se positionner en avant-centre. A peine revenus sur le terrain, les Nantais encaissent un troisième but du remplaçant Max Hagmayr qui exploite un ballon manqué par Bossis. 3-0, le score est sévère et inattendu.

Refaire le coup de Split

Il oblige surtout les Nantais à réaliser un exploit à la Stéphanoise au match retour quinze jours plus tard. Marcel-Saupin affiche complet. Suaudeau recompose le onze de la deuxième mi-temps à Vienne, avec Baronchelli avant-centre et Muller en renfort au milieu de terrain.

On assiste alors à un début de match de folie, l’un des plus beaux épisodes de l’histoire nantaise en Coupe d’Europe. Les Canaris vont valser leurs adversaires et assiègent la cage d’Herbert Feurer. Les Autrichiens sont largement dominés, mais sur le premier ballon qu’ils parviennent à extraire, Krankl se retrouve seul devant Bertrand-Demanes. L’ancien Soulier d’or manque alors l’immanquable. Une minute plus tard, il voit les Nantais ouvrir le score par Baronchelli. Et la minute suivante, c’est Patrice Rio qui expédie une magnifique frappe lointaine dans la cage autrichienne : 2-0 après un quart d’heure de jeu, l’exploit est en marche.

Malheureusement, les Nantais vont ensuite manquer plusieurs occasions alors que les Autrichiens vont s’ingénier à pourrir la rencontre. A l’image de précédentes confrontations européennes qui ont laissé beaucoup de regrets, les Canaris vont à nouveau faire la douloureuse expérience de l’efficacité adverse. Alors qu’il semblait noyé sous les attaques nantaises, le Rapid parvient à marquer juste avant la mi-temps sur un coup franc de l’inévitable Panenka.

Que deviennent, que deviennent...

Les Nantais doivent de nouveau marquer trois buts pour arracher la qualification. Ils cherchent à reproduire en seconde période l’intensité de la première. Quand Muller transforme un penalty à l’heure de jeu, tout semble encore possible. Mais les hommes de Suaudeau ne parviendront pas à inscrire d’autres buts. Ils terminent même le match à dix à la suite de l’expulsion de Muller au début du dernier quart d’heure.

Nantes, une nouvelle fois, a raté son entrée sur la scène européenne. Comme toujours, on reprochera aux Canaris d’être un peu trop tendres quand le foot se transforme en combat, d’être déstabilisé dès la première erreur d’arbitrage venue, de manquer d’efficacité quand l’adversaire n’a guère besoin d’une multitude d’occasions pour trouver l’ouverture. Panenka rejoint Altobelli et Kempes dans la galerie des bourreaux européens du FC Nantes.