Le football, activité de passion, d'intuition, d'incertitudes peut-il nous aider à mieux comprendre le monde, à mieux décider ?

Le recrutement de José Arribas échappe aux standards de la raison. Sans expérience d'entraîneur du haut niveau (il entraînait Noyen-sur-Sarthe, 2 000 habitants), il fut choisi dans une période où les défis rencontrés par le club étaient élevés : monter -enfin- en Première division, rétablir une situation financière très critique, redonner confiance aux joueurs, au public, aux partenaires...

Jean Clerfeuille, qui venait d'acter le départ de Michlowski (une pointure, venu de Lens, qu'il avait conduit deux fois à la place de vice-champion, il partait pour le SCO d'Angers, autre grand club), reçut le candidat Arribas parce que, précisément, sa demande était "culottée". Et il l'engagea en... 10 minutes ! 

Il le soutint ensuite alors qu'il enchaînait les défaites, dont un mémorable 10-2 à Boulogne ! Jusqu'à ce que, prêt à céder aux injonctions des autres membres du Bureau, la tête de l'entraîneur soit sauvée in-extremis parce les joueurs, qui s'étaient invités en réunion dudit Bureau (autre épisode étonnant !) et avaient mis leur engagement dans la balance : "si vous le virez, on s'en va !". 

Alors seulement vint le temps des succès : montée en Première division pour la saison 1963-64, puis titre en 1965, puis 1966 ! Le tout avec des joueurs du cru, "sans gloire ni palmarès"...

L'intuition et la persévérance du président ont permis aux qualités d'Arribas de se révéler. L'invention du "Jeu à la Nantaise" a reposé sur un pari individuel (celui du président) osé et maintenu durablement dans l'adversité. Si on avait laissé statuer un collège d'experts ou un collectif de supporters, l'expérience n'aurait pu se dérouler jusqu'à la fructueuse récolte des titres et jusqu'à l'invention de ce football nouveau, perfectionné par les élèves de José Arribas, Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix.

Depuis les années 60, la pression du résultat de court terme n'a fait que croître. Les réseaux sociaux, les emballements collectifs, la diffusion brutale des opinions radicales se sont imposés.

Le football est un des espaces où la prise de décision, le jugement, sont les plus compliqués. Un ouvrage savant a même été consacré au sujet "Jugement et prise de décision dans le football" de Fabrice Dosseville - Catherine Garncazyk (ouvrage collectif) aux Presses Universitaires de Caen.

La formation des acteurs du football sur ces sujets, l'éducation au jugement, la réflexion sur la fabrication de l'opinion (la sienne, propre, celle des collectifs dans lesquels nous évoluons), sont donc un espace de travail pour ceux qui disposent d'un recul et d'une responsabilité dans cette activité, éducateurs, commentateurs, etc.

Comme cette éducation au jugement et à la fabrication de l'opinion devient également un enjeu pour la société toute entière, le football peut trouver là un rôle social utile... au-delà même de son propre champ !