Photo : Erminig Gwenn (Flickr)

Toutes les excuses de l'auteur se présentent à Michel Der Zakarian, qui affirmait à une époque où cette phrase avait plus de sens : "Un derby ça ne se joue pas, ça se gagne". Comme l'a expliqué Carlo Ancelotti pour le Brésil avec la Coupe du Monde ou pour le Real Madrid avec la C1, dans l’édition L'Équipe du 14 septembre, "Il est une obligation d'essayer de (le) gagner". Néanmoins, de nos jours, à Nantes comme ailleurs sûrement, le match de ce samedi opposant les Jaune et Vert aux rivaux Rouge et Noir, n’a, sur le terrain, pas plus de valeur que les autres rencontres.

Un match devenu quelconque ?

Il existe un lien entre les joueurs qui s’envolent vers des contrées exotiques et leurs collègues qui posent leurs valises chez l’ennemi juré du club formateur. L’argent. Demandez à Valentin Rongier et Quentin Merlin pourquoi ont-ils accepté de rejoindre le Stade rennais, seul club inférieur sportivement à l’OM pouvant aligner les mêmes salaires que ceux qu’ils percevaient à Marseille. Peu importe, c’est bien avec la tunique bretillienne que les deux anciens Canaris évolueront ce week-end à la Beaujoire.

Une histoire toute trouvée par le service communication du FC Nantes avec cette affiche dévoilée mardi, où l’on voit Kelvin Amian se dresser face à Merlin, Rongier ainsi que Ludovic Blas. De ce fait, ce derby ne serait que le match du retour des traîtres ? Avec trois titulaires sur onze - en plus de Matthis Abline, meilleur élément nantais formé à Rennes - la rivalité en prend un coup. Et bien que l’on ne se plaindrait pas qu’un tampon soit asséné à l’un d’eux, en guise d’un bon retour à la maison, les autres protagonistes n’abordent pas ce duel différemment des autres.

La course au maintien à laquelle participe le FCN impliquant en effet l’idée que chaque point est bon à prendre, chaque match a son importance. Dans cette situation, l’identité de l’adversaire vaincu ne compte pas. La faute aussi, inexorablement, à la condition de notre championnat et de ces clubs forcés de vendre leurs joueurs à forte valeur marchande. Qui se retrouvent rapidement sur le départ dès que l’occasion se présente, ne permettant pas à ces derniers de s’ancrer à un port d’attache, aussi bien géographique qu’émotionnelle. Or, en 2013, année de la déclaration marquante de MDZ, sortie juste avant un succès à Rennes (1-3), Nantes comptait dans ses rangs d’autres hommes. Avec plus de deux saisons au compteur au club ou bien qui avaient connu la montée en Ligue 1. La situation a considérablement changé en 2025-2026.

D’infidèles représentants

Cela dit, les acteurs du jeu eux-mêmes n’avaient pas besoin de ça pour donner dans le mercenarisme. Ils voyageaient déjà de maison en maison, tant que l’oseille se trouvait dans la cuisine. Et tout autant que les supporters ne connaissent pas les footballeurs qui débarquent chez eux, ces derniers n’en savent pas plus au sujet des écuries où ils doivent se rendre, si l’on évoque rapidement le système de la multipropriété. Ici, pas de place aux sentiments. Pas plus pour ceux qui ont passé leurs jeunes années dans une même pouponnière. La preuve avec les Rongier et Merlin.

Alors à quoi bon porter en symbole des Louis Leroux ou Herba Guirassy, que l’on imagine pouvoir finir par s’installer chez le voisin ? Qui sont réellement ceux qui semblent fièrement porter les couleurs d’une institution, vivement embrasser un blason ? En opposition à l’adage du début, il serait plus judicieux d’affirmer qu’un derby se joue avec le cœur. Mais finalement, un derby est-il compatible avec l’actuel monde du ballon rond ? Et des joueurs qui n’ont plus de cœur ?