Stéphanie, il y a 1 an, disparaissait de façon brutale ton papa, Jean-René. Il a partagé avec toi énormément de choses de sa passion du FC Nantes. S’il fallait en retenir quelques-unes, quelles seraient-elles ?  

Bien sûr, étant sa fille, mon père m’a transmis beaucoup de choses… d’autant que, paraît-il, nous nous ressemblons beaucoup… et pas uniquement physiquement !

Concernant le football, il m’a transmis son amour du FCN bien sûr et du football dans son ensemble. Je peux dire que je suis à l’instar d’Obélix, tombée petite dans la marmite. L’élève a même sans doute dépassé son mentor puisque la vraie fan de foot de la famille est sans aucun doute moi et aujourd’hui mon garçon.

Aujourd’hui, je regarde en moyenne 5 à 6 matches par semaine. Des matches de championnats européens à la télé, les matches du FC Nantes -je suis abonnée- mais aussi les matches de mon fils qui joue en U18 à Don Bosco. J’ai moi-même joué au foot aux Voltigeurs de mes 7 ans jusqu’à 13 ans. Bien avant que le foot féminin ne soit devenu à la mode. 

J’ai une vraie passion pour ce sport et pour le jeu, que mon père m’a évidemment transmise compte-tenu de ses responsabilités associatives. J’ai eu cette chance extraordinaire de vivre tout cela de l’intérieur à partir de mes 15-16 ans en vivant les déplacements avec les joueurs. Mais aussi et beaucoup avec Coco Suaudeau qui m’a appris le foot, qui m’a appris à regarder le foot, et à le comprendre. 

Je me suis construite à la maison, dans cette ambiance permanente de partage et avec ce vrai culte de l’amitié qui animaient mes parents. Christian (Karembeu), Claude (Makéléké), Titi (Bonalair), Éric (Decroix), Joël (Henry), Fabien (Debotté), Jorge (Burruchaga) pour ne parler que d'eux, sont devenus des amis, avant même d’être pour moi des footballeurs. Le football et surtout ceux qui le représentaient à savoir les joueurs, le staff et les dirigeants de l’époque ont rythmé ma vie. Mon père aimait les hommes avant d’aimer les footballeurs qu’ils étaient, et je sais qu’ils lui ont bien rendu….

Christian, tu es arrivé à la Jonelière de Nouvelle Calédonie à l’âge de 17 ans. Pas facile pour un gamin d’arriver comme cela à Nantes. Jean-René a été un second papa pour toi ? 

Oui, Jean-René, c’était notre papa, notre confident. On l’appelait d’ailleurs « Papounet ». Comme il était aussi notre dentiste, et que les dents -pour un sportif de haut niveau- c’est essentiel pour la santé, une relation très proche s’est tout de suite créée avec lui. Il était très curieux des personnes. Avec une grande capacité d’empathie. Il voulait savoir d’où je venais, connaitre ma culture. Je me rappelle lui avoir parlé des patates douces et des ignames que je mangeais au pays. Et je me suis très vite retrouvé à diner chez lui avec Maryvonne (son épouse) et Stéphanie (sa fille), avec au menu des ignames et des patates douces. 

Jean-René, c’était un épicurien. C’est chez lui que j’ai découvert la culture française, la gastronomie. Les bonnes bouteilles aussi - après avoir  cessé de jouer au foot-. J’avais le même âge que sa fille Stéphanie. C’est devenu rapidement ma seconde famille. « JiJi », c’était quelqu’un de toujours très drôle, qui cultivait l’insouciance. Une personne simple, toujours positive.

Il a joué un grand rôle dans notre carrière et dans celle du club. Il nous accompagnait à chaque déplacement lors de nos matches en D4 et en D3. Et on savait que si le trajet retour du match ne passait pas loin de sa maison dans le Golfe du Morbihan, on finirait chez lui. On attendait que ça. C’était la bonne rigolade. Il nous a beaucoup inspirés en tant que personne. Il a connu 2 ou 3 générations de joueurs. Et il a été un vrai catalyseur pour tous les joueurs qui l’ont connu. Il donnait beaucoup de lui. Et on avait tous envie de lui rendre. C’était aussi notre confident. Compte-tenu de son amitié très forte avec Coco (JC Suaudeau), il était sans doute l’un des seuls -avec Doc (Bryand)- à pouvoir lui faire passer des messages. Il savait dire les choses : il avait cette intelligence de la relation. Et je pense que Coco l’écoutait. 

Il a joué aussi un rôle très important au FC Nantes.  Quand les problèmes financiers sont arrivés et que la DNCG en 1992 a menacé le club de relégation, il s’est beaucoup investi pour la création de la SAOS. Le club s’est retrouvé avec une partie « association » qui a repris toute la dette. Et avec une SAOS. Cela a sauvé le club. Jean-René avait une grande complicité avec Max Bouyer et Guy Scherrer. Il a été le garant durant toute cette période de l’ADN du club (lire le témoignage de JJ Eydelie). Jean-René, son plaisir, c’était les hommes avant les joueurs. Il adorait être sur le banc de touche. Je me souviens d’un match à La Beaujoire. Je reçois un coup de tête et j’ai très mal aux dents. Je me rapproche du banc et regarde "Jiji" assis à côté de Coco et je lui dis : Jean-René, je crois que j’ai une dent cassée. Pendant ce temps-là, Coco était en train de me hurler dessus : Christian, retourne dans le jeu !

Quand j’ai quitté Nantes, il a continué à venir me voir à Madrid, en Grêce.  Et quand on se retrouvait après parfois des périodes un peu longues, c’est comme si on ne s’était jamais quitté. 

Jean-Jacques, tu es arrivé à la Jonelière à l’âge de 13 ans et Jean-René a été aussi l’une des grandes personnes du club qui t’a permis de t’épanouir.

Jean-René, il est toujours vivant pour moi. Je ne peux en parler qu’au présent.  Il reste bien vivant dans mon esprit. J’ai une relation avec lui qui dépasse sa simple présence. Je pense forcément beaucoup à Maryvonne et à Stéphanie aujourd'hui. J’ai partagé des moments extraordinaires avec lui,  avec eux. Jean-René était un élément indispensable pour nous les joueurs. Une personne de confiance absolue. Il était là autant pour les joueurs que pour servir le jeu, pour que la communication se fasse entre les personnes. Il agissait toujours pour le bien commun et l’intérêt général. Il n’était pas centré sur son intérêt personnel mais sur celui du club. Je me rappelle forcément de cet épisode avec Miroslav Blazevic arrivé sur décision de Max Bouyer en 1989 pour remplacer Coco. Jean-René constatait le bordel que c’était. Nous les joueurs, on ne comprenait rien de ce que nous proposait Blazevic. Et on le disait à Jean-René. Max Bouyer avait recruté Blazevic non pas pour ses compétences mais pour ses capacités de communication avec les médias, les partenaires… Mais il s’était trompé. L’ADN du FCN c’était d’abord le jeu. Jean-René a convaincu Max Bouyer de recevoir une délégation de joueurs. Il y a avait Titi (Bonalair), Joël (Henry) et moi. On a expliqué notre désarroi au Président. Et il a limogé M. Blazevic et fait revenir Coco. On est en 1991. Et en 1994, Nantes survole le championnat de France avec un record inégalé jusqu’à aujourd’hui. 

La force de Jean-rené, c’était  quoi ?

Sa grande générosité humaine. sa simplicité. Sa relation privilégiée avec Coco, mais aussi sa capacité à être proche de tout le monde, avec Bud, Max (Bouyer), Guy (Scherrer) pour ne citer qu’eux en faisait une personne incontournable. On pouvait tout lui dire à Jean-René. Mais il ne voulait pas de mots plus hauts que les autres. Toujours sur le mode adulte. C’était un amoureux de la vie, de la bonne bouffe, des voitures, du sport, des gens. J’ai forcément beaucoup de souvenirs avec lui. Comme les parties de pêche sur son bateau dans le Golfe du Morbihan. Un jour aussi, Jean-René avait entrepris de traverser à la nage avec Stéphanie et moi, le Golfe de Baden  jusqu’à L’ile aux moines. Un sacré bonhomme.