Oscar Victor Trossero avait rejoint le FC Nantes en juillet 1978, à l’âge de vingt-cinq ans, quelques semaines après le premier titre mondial de l’équipe d’Argentine. Il ne faisait pas partie des champions du monde argentins, mais son allure et sa réputation faisaient largement l’affaire.

Le Puma de Santa Fe

Avec ses longs cheveux bruns et sa moustache conquérante, ses larges épaules et ses cuisses de taureau, Oscar Victor Trossero avait le parfait physique du gaucho argentin. Son attitude féline lui valait le surnom de Puma, animal emblématique de l’Amérique du Sud, et son allure rappelait celles de Leopoldo Luque ou Mario Kempes, deux grandes vedettes du récent Mundial.

Si le recrutement a ravi les supporters du FC Nantes, la musique était un peu différente du côté des joueurs. L’équipe de Jean Vincent n’avait pas besoin d’un avant-centre puisqu’elle en disposait déjà d’un en la personne d’Eric Pécout qui, à vingt-deux ans, voyait son statut de titulaire sérieusement menacé. 

L’Argentin débarque à Nantes le 31 juillet 1978 alors que le championnat est lancé depuis début juillet. Après une courte période de remise en forme, Trossero fait ses débuts nantais dans le chaudron de Geoffroy-Guichard le mardi 22 août. Les Canaris concèdent alors leur quatrième défaite après sept journée et pointent au classement à une indigne seizième place.  

Trois jours plus tard, le Puma débute pour la première fois à Marcel-Saupin. Nantes reçoit le voisin Angers et Jean Vincent met en place une équipe ultra-offensive en associant Trossero et Pécout à la pointe de l’attaque, et en plaçant Baronchelli et Amisse sur les ailes. Et des fois que cela ne suffirait pas, il place un cinquième attaquant, Guy Lacombe… au poste d’arrière droit. 

Le résultat est sans appel : 5-0 pour les Nantais, avec trois buts de Victor Trossero, nouvelle idole de Saupin. Nantes a-t-il trouvé sa perle rare ? L’Argentin poursuit sa série : un but à Marseille (1-1), deux buts contre le Paris FC (2-0), un but à Bordeaux (1-1). Pécout de son côté reste muet et se retrouve sur le banc de touche.  

Un homme de trop

La réussite impressionnante de Victor Trossero allait toutefois prendre fin à l’occasion d’une rencontre contre Valenciennes où il est victime d’une entorse à la suite d’un choc avec le gardien nordiste. Éric Pécout retrouve sa place à la pointe de l’attaque nantaise et marque de nombreux buts. Trossero, lorsqu’il est rétabli, doit s’asseoir sur le banc de touche pour assister en spectateur au redressement du FC Nantes et à la formidable efficacité de Pécout. 

Quand il revient sur les terrains, Trossero joue souvent sur l’aile droite en concurrence avec Bruno Baronchelli, lequel revient volontiers au milieu de terrain quand Gilles Rampillon est indisponible…

Nantes termine mieux sa saison qu’il ne l’a commencée. Après une longue course-poursuite, il termine à deux longueurs du RC Strasbourg, étonnant champion de France heureux d’avoir su profiter du début de saison calamiteux des Canaris. Nantes accède également à la finale de la Coupe de France, qu’il remporte pour la première fois, après avoir battu les amateurs d’Auxerre au Parc des Princes. Eric Pecout marque trois buts alors que Victor Trossero, aligné comme ailier droit, est remplacé par Bruno Baronchelli à l’heure de jeu. 

La saison suivante est bien meilleure pour le Puma, même s’il joue plus souvent sur le côté droit. Nantes conquiert son cinquième titre de champion et réalise sa première grande épopée européenne, échouant en demi-finale face au FC Valence.  Les tensions n’ont toutefois pas disparu des vestiaires, et Eric Pécout fait savoir aux dirigeants qu’il ne restera pas au club si Trossero y est toujours.

Mort dans le vestiaire

C’est ainsi que le Puma quitte le FC Nantes au cours de l’été 1980. Il signe à Monaco, où il ne reste qu’une saison malgré 22 buts inscrits en 44 matchs toutes compétitions confondues. Il rejoint ensuite le promu Montpellier, qu’il n’empêche pas de finir à la dernière place. 

Après quatre saisons mitigées dans l’hexagone, Victor Trossero retourne en Argentine où le plus grand club du pays, River Plate, lui offre une place d’avant-centre titulaire. Il fête dignement son retour en marquant un but à chacun de ses trois premiers matchs.

Mais le club argentin vit l’une des plus mauvaises saisons de son histoire. Après vingt et une journée de championnat, il pointe à une médiocre douzième place. Le 12 octobre 1983, River Plate concède une nouvelle défaite (2-1) à Rosario. A la fin du match, Trossero entre très vite au vestiaires, se déshabille et se met sous la douche. Il est alors victime d’un malaise. Ses coéquipiers l’allongent sur un banc alors qu’il est inconscient. Les médecins s’affairent, tentent des massages cardiaques et des bouche à bouche et lui administrent des injections. 

Une ambulance vient le chercher pour le conduire à l'hôpital mais, ils l’avoueront plus tard, les médecins savent déjà que c’est trop tard. Oscar Victor Trossero est mort d’une rupture d’anévrisme dans les vestiaires du stade Gigante de Arroyito, le 12 octobre 1983. Aucune autopsie ne sera effectuée, la famille ne l’ayant pas demandée. Il sera enterré deux jours dans son village natal de Gödeken, à 135 kilomètres du stade de Rosario où il a joué son ultime match.