Au terme de la saison 2003-04, Nantes a retrouvé sa place dans le championnat, l'équipe termine solidement à la sixième place, en rude chasseurs de Lyon, double champion, de Monaco, finaliste de champion's league, et de Marseille, finaliste de la coupe UEFA. En plus de ça, les canaris ont offert deux parcours de coupe absolument déments, atteignant les demi-finales de coupe de France et frôlant la finale d'un tir-au-but contre le PSG, et n'échouant en finale de la coupe de la ligue que sur une panenka surprise mais totalement ratée de Mickaël Landreau sur le pénalty qui devait offrir la victoire aux Jaunes et Verts. Mais même si les canaris ont échoué à obtenir un trophée, la saison fut remarquable, et le jeu était bon. Loïc Amisse, pur produit de la Maison jaune, avait relayé la plupart des valeurs du jeu à la nantaise, après les départs de Raynald Denoueix et d'Angel Marcos. L'équipe jouait avec beaucoup de vitesse et de jeunes pousses commençaient à s'affirmer, comme Toulalan, Faé, Pujol. Le FCN disposait aussi de bonnes pioches : Yepes, Quint, Yapi-Yapo, et, bien sûr, conservait sa force de frappe avec Vahirua et Moldovan, de retour au club en janvier 2004 pour planter du but en série. 

Un été meurtrier pour le club

L'équipe avait donc une bonne base, vingt joueurs issus du centre de formation et les vétérans toujours présents : Da Rocha, Savinaud, Gillet, Ahamada, Berson Ziani, et bien entendu Landreau. À tout cela, la direction va tourner le dos, brusquement. Serge Dassault, bien loin de Nantes et du football, envoie Jean-Luc Gripon engager une refonte en profondeur du club. Exit la formation et l'esprit de famille, il faut que ça pète, il faut des annonces, il faut des transferts, mais pour ça, il faut de l'argent. Gripon décide alors de faire le ménage : Sylvain Armand, Jean-Hugue Ateba, et surtout Mario Yepes, tous les trois, partent à Paris. Yepes, à l'époque probablement le meilleur défenseur en France et parmi les meilleurs d'Europe sera ainsi considéré comme trop cher, donc à vendre. Nicolas Gillet n'est pas prolongé, Mathieu Berson, sensé être la relève du milieu nantais, est envoyé à Aston Villa, Stéphane Ziani est trop "Maison" alors direction ... Genève, tout comme Viorel Moldovan. Marama Vahirua, l'âme du club et du titre de 2001 est envoyé à Nice. L'hécatombe est destructrice et le navire sonne creux. Mais avec qui, ou quoi, allons-nous repartir ? 

Le recrutement est peu à peu annoncé, et les annonces d'arrivée font semblant d'incarner l'esprit de flair de recrutement du club. Moldovan est parti ? On recrute Florin Bratu. Yepes est parti ? On recrute Julio Cesar Caceres et Alexander Viveros. Vous vous rappelez Halilodzic ? Alors vous aimerez Goran Rubil, ou Milos Dimitrijevic ... On ajoute aussi de la nouveauté, avec un attaquant géant : Mamadou Bagayoko, en provenance d'Ajaccio. Et puis Nantes c'est la vitesse non ? Alors on va chercher à Romorantin un certain Aurélien Capoue. D'autres arrivées viennent du club, mais ne sont pas encore prêtes : les ailiers Denis Stinat, David Leray, le milieu Bocunji Ca, le gardien Alexis Thébaux. Deux petits sont également en attente : Fouad Bouguerra et Claudiu Keseru. 

Une saison dramatique

Le mix de ce groupe n'aboutit à rien de ce qu'était la saison précédente : les joueurs ne se connaissent pas, ne se comprennent pas. Capoue, bien qu'ayant son fan club dans la tribune Loire, n'est qu'un ailier gauche dont la seule fonction sur les trois saisons qui vont suivre sera de courir vite sur la gauche, faire un centre, et c'est tout. Viveros est jugé hors de forme par l'ensemble des fans dès son premier touché de balle. Florin Bratu, que Loïc Amisse avait vendu comme "un mélange de Cissé et Trezeguet" court effectivement aussi vite que Cissé, et semble avoir la volonté de Trezeguet, encore faudrait-il qu'il eut le ballon dans les pieds. Dès l'émission "On refait le Match" du 23 aout 2004, Eugène Saccomano, Pascal Prot et Vincent Machenot étaient sanglants sur la Direction et le recrutement : "C'est vraiment, silence on coule", "Gripond m'a l'air d'un président assez fantoche", "Amisse a-t'il le poids ? Est-ce qu'il est suivi ?". On ne va pas tarder à le savoir. 

Après un été dans l'anonymat où Nantes se fait sortir en Interoto face au Slovan Liberec (le dernier match européen du club en date), et après cinq journées, Nantes est à zéro victoire, n'a marqué que trois but, et surtout, des querelles internes médiatisées commencent à pourrir l'ambiance, déjà pas bonne sur le terrain. Assan Ahamada, gendre de Loïc Amisse, enchaîne les mauvaises sorties mais reste titulaire, Grégory Pujol, buteur efficace, souhaite être le numéro 9 prioritaire, mais finit par partir, après un ultime but magique contre Lens. Il faut attendre la très faible équipe d'Istres pour que Nantes gagne enfin ... échappant de peu à une autre découvenue. Certains joueurs historiques commencent à critiquer la manière dont sont gérées les choses. Gripond est aborré par la Beaujoire à chaque match et Landreau, qui estime ne pas porter le brassard pour rien, commence, avec ses amis Da Rocha et Savinaud, à contester la mascarade. Le capitaine nantais se tourne alors vers Jean-Luc Gripond : "À part lui, il ne veut pas que les autres existent (...). Son souci est surtout de diviser pour mieux régner. Il croit avoir la situation en main alors qu'en réalité elle lui échappe totalement. Désormais, le mal est fait, la fracture est consommée, et il a réussi à faire l'unanimité contre lui." Cette déclaration est une bombe qui provoque une réunion extraordinaire qui va faire tourner la saison. Les joueurs sont convoqués par la Direction pour une explication, qui sera vive. On fait comprendre que les protestataires seront sanctionnés. Sauf que les joueurs montrent leur solidarité et font bloc derrière leur capitaine. La Direction, les fesses encore toute rouges marquées par les gants de Landreau, cède et renvoie Loïc Amisse. 

Sauver les meubles ... du moins essayer

Serge Le Dizet, pilier du titre épique de 1995, et entraîneur des jeunes, prend le relais de Loïc Amisse. Le Dizet reste dans la lignée des entraîneurs maison, et souhaite jouer la carte Nantes. Exit les Viveros, Bratu etc. On mise alors davantage sur Guillon, Delhommeau, Cetto, on offre enfin une chance à Olivier Quint qui devient un joueur majeur, on intègre Guillaume Norbert, venu d'Arsenal, pour soulager la défense. Devant, il faut un éclair, une étincelle ... et cette étincelle met encore le feu à Saupin avec la réserve : Klaudiu Keseru, tout juste majeur, s'installe, avec son sourire, dans l'attaque nantaise. Ce dernier s'entend bien avec un attaquant malien venu d'Alger qui n'a pas peur du but, contrairement à Bratu : Mamadou Diallo, rapide, imprévisible, et dévoué, se prouve être un bel atout supplémentaire. Nantes va un peu mieux, mais reste trop léger, laisse filer des matchs nuls, comme contre Marseille, ou Quint offre probablement son meilleur match, son meilleur but, son meilleur doublé ... avant de partir sur sa pire blessure et de mettre une croix sur sa carrière. Nantes menait 2-0, et termine à 2-2. 

Dans les ultimes journées, Nantes fait nul contre Lyon, Marseille donc, Nice, et bat Bordeaux avec un beau duo Diallo-Bagayoko. Mais alors qu'il suffisait de finir le travail, Nantes cède contre Lille à la Beaujoire, malgré un Savinaud en feu qui voyait son doublé annulé par l'arbitre (1-3). Il faudra lutter jusqu'au bout, mais le groupe de Le Dizet garde la main sur son destin. Du moins, jusqu'à ce terrible Sochaux-Nantes, pour la 37e journée, joué sans Landreau, remplacé par Alexis Thébaud, son seul match en pro, et perdu sans résistance 0-1. Pour la Brigade Loire, c'en est trop, et les supporters quittent leur tribunes pour venir sur la pelouse après le match, forçant l'intervention de la sécurité. Car cette défaite est plus que trois points perdus, c'est un véritable traumatisme, un tremblement de terre : Nantes est désormais 19e, et compte 2pts de retard pour sortir de la zone rouge. Il reste un match, et le destin du FCN repose désormais sur le scénario de trois rencontres, en plus de la sienne. Pendant une semaine, la planète foot en France semble soudainement s'être arrêtée de tourner. 

La Beaujoire en fusion

Pour se sauver, il faut un mix mathématique qui a 90% de chance de ne pas arriver : il faut qu'au moins deux des rivaux suivants perdent leur match : Ajaccio qui accueille Sochaux et joue bien à domicile, Bastia, qui se battra contre Strasbourg, et Caen dont le niveau est bien supérieur à Istres, bon dernier du championnat.

Le 28 mai, après sept jours interminables et silencieux, le soleil réchauffe la Beaujoire, dorée par ses rayons. Les joueurs, eux, se sont mis à l'écart. Alors que les supporters arrivent peu à peu au stade, un sentiment commun semble se propager, et une énergie qui lie la foule commence à grandir. Le mot d'ordre se créé de lui-même : on peut y arriver. Alors que le stade se remplit, on sent qu'il se passe quelque chose, l'ambiance n'est comme nulle autre ... et en réalité, elle est en train de devenir plus puissante, plus forte que pour le titre de 1995 ou de 2001.

La sono du stade est poussée au maximum, certains supporters sont filmés en larmes, car au fond, certains commencent à se dire que le miracle peut avoir lieu. On balance "We will rock you", l'entrée des joueurs pour l'échauffement est accueillie par une arène déjà quasiment complète. Juste avant de rentrer au vestiaire, Emerse Fae parcourt la pelouse et lève les bras, demandant plus de bruit, qui était déjà assourdissant ! On remet une dose de Queen et "We will rock you". Le public nantais est prêt.  Patrice Rio assure au micro : "c'est un moment difficile, mais beaucoup de soutien ont été manifestés, même Deschamps et Dessailly". Désormais, la Beaujoire est prête : 35 000 personnes, qui rugissent, qui y croient et qui ne lâcheront rien. 

Match très tendu

En face des nantais, les messins, équipe difficile à jouer. Sans être un cador du championnat, le FC Metz a toutes les capacités pour stopper les canaris. Il dispose d'éléments expérimentés comme Grégory Wimbée, Proment, et le futur nantais Signorino. L'objectif nantais est simple : scorer au plus vite et maîtriser le match, pour s'en remettre ensuite au destin. Da Rocha et Fae cherchent rapidement les ouvertures ou la position de pivot de Bagayoko, mais la domination nantaise n'est pas aussi bonnes qu'espérée, et une mésentente entre Cetto et Landreau manque de peu de laisser le but ouvert. Il est certain que si Nantes prend un but, le sort du club sera probablement scellé.  

La partie s'équilibre et Nantes cherche une ouverture sur un bon coup franc de Guillon, mais le coup franc va dans le mur et le contre messin offre à Proment une balle plein axe ! Delhommeau et Cetto tentent tout pour gêner le millieu messin, dont la frappe à ras de terre ne passe qu'à un petit mètre du poteau droit de Landreau. Nantes cherche à éviter ces dangereux contres et cherche sur les côtés pour s'installer en zone messine. C'est alors que Leray parvient à placer la balle dans la surface. Il trouve Da Rocha mais celui-ci est bien suivi par la défense messine, il décide donc d'écarter pour Nicolas Savinaud qui centre. Et soudain c'est Mamadou Diallo qui surgit : sa tête au premier poteau surprend Wimbée, lui qui attendait surement une attaque de Bagayoko ! La Beaujoire explose comme jamais : Nantes 1, Metz 0, on ne le sait pas encore, mais il se passe bien quelque chose... 

La rumeur envahit le stade

En 2005, les smartphones ne sont pas encore partout dans nos mains et nos quotidiens, facebook, twitter, n'existent pas, et il faut aller sur son Nokia, son Motorola, et payer une connexion Wep pour voir d'autres résultats. Votre auteur est en tribune Loire ce soir, et se lance dans sa toute première connexion internet sur téléphone. Istres mène face à Caen, et Sochaux mène contre Ajaccio ! Votre auteur pousse un immense cris spontané au milieu des supporters, dont certains se retournent curieux ... mais pas de spoil.

Sauf que petit à petit, l'information circule : oui, Istres est en train, de manière totalement inconcevable, de défaire Caen, oui, Strasbourg a ouvert le score contre Bastia. Istres en 2004-05, c'est quatre petites victoires. À chaque action défensive nantaise, à chaque possession de balle des jaunes et verts, de plus de plus de gens se mettent à chanter, crier de joie, encourager les joueurs, car ils sont de plus en plus à être au courant ! Ajaccio a repris le dessus sur Sochaux (3-1) et c'est donc aux seuls résultats de Strasbourg-Bastia et Istres-Caen qu'il faut s'en remettre. Strasbourg domine Bastia (1-0) et rien ne semble aller dans le sens des corses à la Meineau. Et Istres ? Caen revient au score et passe ensuite devant, mais Istres réussit l'impensable : ils mettent un deuxième, puis un troisième but : 3-2 !  

Compte à rebourd vers la délivrance

A la Beaujoire, le score ne bouge pas et Metz ne parvient pas à revenir. Olivier Quint, blessé, explique au micro : "maintenant c'est dans la tête". Nantes marque un but refusé et Diallo manque une balle de break sur une superbe tête un peu trop croisée. Metz veut jouer le coup, mais n'est pas non plus pressé, car le club est hors de danger. Nantes essaie de maîtriser le match et la balle plus que de trouver la faille pour un deuxième but. Dès lors, tout se résume à attendre désormais, ne plus bouger, espérer que rien ne change et que les scénarios fous des autres matchs restent comme tels. Le chrono tourne, et le public tient de moins en moins en place. La plupart des gens savent maintenant ... c'est en train d'arriver, le miracle, l'improbable. 

Un ultime instant de frayeur va faire frissonner le stade à la 77e minute : lors d'une confusion dans la surface, Cetto renvoie un centre en pleine face de Fae ! La balle arrive dans les six mettres dans les pieds de Tum ! Le drame ! Mais Landreau sort et prend le pied de Tum dans la tête, la balle part vers le haut et redescend vers le but ! Cetto ne peut l'attraper, et c'est David Leray qui soudain, se place, et sort la balle, les pieds sur la ligne, d'une tête pour un corner ! Corner que Landreau interceptera avec une immense autorité. OUF ! Diallo et Leray, les héros du soir. 

Et enfin, la fin du match est sifflée. Certains restent dans la retenue, mais quasiment tout le stade le sait désormais. Yannick Bigaud, speaker du stade, annonce alors, non pas les scores, mais le classement et les points en partant du bas : "Istres, 32 ; Bastia, 41 ; Caen 42 ... Nantes, 43 !". Landreau fonce dans la tribune Loire, probablement l'image iconique de la soirée. Il attrape une écharpe et chante avec les supporters. Le miracle du 28 mai 2005 était accompli.

L'euphorie est totale, la pelouse est envahie petit à petit. Votre auteur s'y rend de même et peut témoigner : on retrouvait des amis sur la pelouse, complètement par hasard, on se prenait dans nos bras, on allait se jeter dans les filets du but, on courait partout. Puis les joueurs revinrent sur le toit du tunnel, célébrer, comme en 2001. Pendant une bonne demi-heure, ils ont jeté les maillots, les shorts, les chaussures. Un ami de club a même récupéré le short de Diallo ... puis la foule se dispersa, pour aller fêter en ville, et votre auteur resta sur la pelouse jusqu'au bout, allongé, avec d'autres inconnus. Nantes était sauvé ... du moins c'est ce que nous avons cru ce soir là. 

Un héritage qui ne sera pas respecté.

Qu'est-ce qui n'a pas été retenu de cette saison ? Tout simplement une certaine condescendance de la part de tous. Nantes était une image, une tour, un phare du football en France, et sa longévité dans l'élite lui avait donné, nous avait donné, un sentiment d'être intouchable. Le fait que ce Nantes-Metz se soit terminé par un incroyable miracle qui sauvait le club n'a finalement fait que renforcer ce sentiment. "On est Nantes" et Nantes, la descente, ça n'est pas quelque chose qui peut exister. On se voyait trop beau, alors que le club continuait à couler. Le premier avertissement fut la saison 2005-06 durant laquelle rien de très passionnant ne ressorti, avant que l'exercice 2006-07 n'aboutisse à un cauchemar encore pire que celui de 2005, avec une piteuse dernière place au classement. 

Gilles Verdez du Parisien avait résumé la chose parfaitement à l'époque : "Moi je pensais que Monsieur Gripond n’était plus Président du tout, il ne l’a jamais été. Je pensais qu’en ce début de saison, il allait rapidement être éjecté de ses responsabilités. Je suis atterré de voir qu’il est encore là". Le miracle du 28 mai 2005 est un épisode marquant de l'histoire du FC Nantes, mais dont la récompense fut froidement jetée au sol, tant elle n'eu pas pour résultat de réveiller les consciences et de faire réagir la direction. Celle-ci, non seulement va continuer dans ses recrutements poubelles, mais elle va continuer à purger les symboles du club et les joueurs qui les incarnaient. Et les héros du soir, comme Mamadou Diallo, David Leray et d'autres, ne seront pas épargnés non-plus par cette gestion pathétique. Ce manque de recul se paiera cher deux ans plus tard, par une descente totalement méritée, en plus de la vente du club. Cela n'enlève rien à la reconnaissance que nous devons à ces onze acteurs qui se sont battus contre toutes les probabilités et à qui le destin a donné ses faveurs dans un scénario jamais revu depuis.