L'anniversaire du F.C. Nantes (80 ans du club ) est pour moi l’occasion de revenir sur ma première émotion au stade Marcel Saupin. J’étais alors à l’orphelinat de Bethléem de Nantes arrivé dès l’age de 3 ans. Le football devint très vite notre quotidien et sur les nombreuses cours qui entouraient les bâtiments nous échangions, à chaque fois que nous étions dehors, toutes sortes de ballons.

Il se jouait partout des matchs acharnés qu’entrecoupaient quelques fois des jeux de « tèque » (sorte de base-ball à la française) ou balle aux prisonniers et parfois de basket. Mais toujours des ballons.

Le terrain de foot qui longeait le CENS était réservé aux « grands » qui disputaient le championnat inter-écoles. Alors que je grandissais en suivant le parcours des orphelins destinés à rester longtemps (petits, moyens, grands puis apprentis,…) mon amour du football grandissait aussi. Les posters des équipes et des joueurs que nous avions le droit de punaiser sur les panneaux collectifs des dortoirs me faisait rêver. Ceux de St-Etienne et de Nantes étaient les plus nombreux.

Notre Père Directeur, l’abbé Bourdeau, était un amoureux du football. Il se mêlait volontiers à nos jeux et arbitrait les litiges. Il était aussi le sélectionneur de la grande équipe lors des matchs du jeudi. Le samedi soir ou le dimanche après-midi, dans sa Renault 4, il emmenait avec lui quatre orphelins, à chaque fois différents, pour assister à un match du championnat de France au stade Malakoff vite devenu Marcel Saupin. Et c’est avec envie que nous écoutions, à leur retour, le récit des heureux élus spectateurs, charmés par un nouvel exploit des Canaris.

Le lendemain nous refaisions le match, chacun s’attribuant le nom d’un joueur. C’est ainsi que je devins tour à tour Simon, Gondet, Blanchet ou Boukhalfa. Mais ma plus grande impatience était d’être enfin un de ceux à pouvoir découvrir le stade et voir enfin l’équipe de mes rêves dérouler le fameux football à la nantaise du grand maître José Arribas.

Mon heure arriva lors de la saison 66-67 pour Nantes-Sedan. Quelle émotion cette entrée dans le stade ! Nous étions en « populaire », l’abbé Bourdeau au milieu de la tribune, nous derrière le but avec pour consigne de l’attendre là à la fin de la rencontre. La liesse populaire, l’odeur des frites et des Hot dog, l’échauffement des joueurs, le crieur de journaux « France-soir pour vous asseoir », la composition des équipes, la réclame à la mi-temps, les verres de Gros Plan en va-et vient sur les tréteaux, l’incroyable défilé des hommes urinant sur le muret le long de l’Erdre, et surtout « le » match avec cette extraordinaire ambiance.

Ce cri de « Gondet ton but », ces rires lorsque « Gaby » (De Michèle) enrayait l’attaque adverse et relançait le jeu vers l’avant, le tonnerre d’applaudissement lorsque « Bud » (Budzynski) survolait les airs, les clameurs qui accompagnaient les dribles de « Blaouette » (Blanchet), et l’attente admirative lorsque Simon recevait le ballon de Suaudeau, et Eon impérial dans les buts.

Nantes gagna facilement 3 buts à 1, Gondet clôturant le score sur penalty. A chaque action, je me retournais vers le Père Bourdeau autant pour ne pas le perdre des yeux que pour le remercier de ce formidable spectacle. Les descriptions de ce bel après-midi ensoleillé que je ne manquais pas de faire à mes camarades lors de notre retour « à la maison » suscitèrent la bousculade dans le bureau du Père Directeur pour être le nouvel élu.

Depuis rien de l’histoire du F.C. Nantes ne m’a échappé, les bons comme les moins bons moments. La nostalgie de Saupin me manque un peu, mais le joyau de la Beaujoire a encore une voix de mon enfance, celle d’un autre passionné, Yannick Bigaud speaker officiel des Jaunes et ancien orphelin de Bethléem.