Robert Budzynski est né le 21 mai 1940 à Calonne Ricouart dans le Pas-de-Calais. Son père et sa mère de nationalité polonaise se sont rencontrés à Béthune. Son père est venu en France pour fuir la misère. Il rêve d’aller tenter sa chance en Amérique. Sa mère est arrivée avec sa famille pour fuir le communisme.  Autour des terrils de charbon, il y a une importante communauté polonaise qui travaille dans les mines.  Ils émigrent entre les deux guerres car la France manque de bras pour relancer l’économie. Pas moins de 500 000 polonais habitent dans l’Hexagone et la moitié d’entre eux s’installent dans le Pas-de-Calais. Des cités entières sont peuplées par cette « Mala Polska » que l’on peut traduire par Petite Pologne. Bud va naître dans cette ambiance minière mais son père a un profil de commerçant. Boucher-charcutier de profession sa boutique se transforme, quelques années plus tard, en magasin d’alimentation.

Une jeunesse au sein de la communauté polonaise

Dans la vie quotidienne, la communauté polonaise vit plutôt en marge. Elle se considère en transit et n’aspire qu’à une seule chose : pouvoir rejoindre la mère patrie. Les polonais sont attentifs à conserver leur langue, mode de vie et cuisine.

C’est l’école qui est le véritable trait d’union entre les communautés. Chacun défend son identité et le jeune Robert n’est pas le dernier à jouer du coup du poing.

Le sport va rapidement prendre une place importante dans sa vie. Il est d’abord attiré par le Handball mais il bifurque vers le football. Dès 1956, il joue en amateur pour l’Union Sportive d’Auchel tout en poursuivant sa scolarité. Il réussit son bac scientifique sans grande difficulté mais à 18 ans son avenir est déjà tout tracé : il va rejoindre le Racing Club de Lens. C’est pour lui une grande fierté car c’est le club phare de la région. Toutefois, son père ne partage pas le même enthousiasme car il compte sur lui pour développer son commerce. La détermination du fils est telle qu’il ne pourra infléchir sa décision.

La fierté de jouer pour les gueules noires

Dans ce club, il n’a besoin que de peu de temps pour démontrer ses qualités. Après une année en réserve, il devient titulaire en équipe première. Il apprend son métier de défenseur central avec Guillaume Bieganski qui fut international et profite aussi de l’expérience de joueurs de devoir tels que Léon Gorczewski et Bernard Placzek.

Robert est un joueur rugueux qui excelle dans le jeu de tête… mais qui met aussi en valeur sa qualité de relance. C’est une belle force de la nature comme on aime à le dire… mais qui fait aussi preuve d’intelligence sur le plan tactique. Dans l’effectif, une dizaine de « polacks » constitue l’effectif. De nombreux joueurs d’origine polonaise s’illustrent à l’époque chez les « Sang et Or » : c’est le cas notamment d’Arnold Sowinski, Maryan Wisniewski et Georges Lech pour ne citer que les plus célèbres.

L’histoire du bassin minier se confond avec celle du club. Les joueurs incarnent les valeurs locales : abnégation, goût de l’effort, don de soi. Il y a une grande fierté à porter les couleurs du club. Budzynski n’a jamais travaillé à la mine mais il est pleinement imprégné de cette culture comme il l’affirme dans l’ouvrage de Jean-Marie Gautier - FC Nantes : Dans les Yeux de Bud - « On était fier de représenter les mineurs. Et eux, on les sentait derrière nous, exigeants mais fidèles supporters ». Dès sa première saison en professionnel, il contribue grandement à la belle saison des lensois qui finissent 6ème du championnat et remporte la Coupe Charles Drago au détriment de Toulon.

En 1960, le service militaire va mettre un coup d’arrêt à cette carrière qui s’annonce pourtant prometteuse. Son affectation au Bataillon de Joinville ne change rien à l’affaire. Nous sommes en pleine Guerre d’Algérie et il doit abandonner les crampons et partir à Cherchell à une centaine de kilomètres d’Alger pour former les nouvelles recrues du contingent. Cette parenthèse hors du football dure 30 mois.

A son retour à Lens, Robert Budzynski retrouve assez rapidement sa place dans l’équipe première, mais ce n’est plus la même ambiance. Le contexte économique est devenu compliqué avec la fermeture des mines. Les Houillières se désengagent du club et les problèmes financiers apparaissent. Lors de la saison 1963/64, il est placé, malgré lui, sur la liste des transferts.

Le FC Nantes : le choix de la raison…

Les dirigeants escomptent tirer un bon profit de son départ car le Racing Club de Paris souhaite l’accueillir. Bud qui n’est pas convaincu par cette opportunité de carrière refuse la proposition. Il est vrai que l’institution parisienne n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été.

En fait, Robert Budzynski ne se voit pas quitter le club et la région. Sa décision est mal vécue par les dirigeants. Elie Fruchart, son entraîneur, lui fait d’ailleurs savoir qu’il ne compte plus sur lui.  Le bras de fer se transforme en mise au placard.

José Arribas qui apprécie son style de jeu flaire l’occasion à ne pas rater. C’est la première saison du FC Nantes en Division 1 et l’équipe prend de nombreux buts.  Le basque parvient à convaincre son président de tenter ce recrutement.

Le transfert s’effectue en novembre 1963. Les dirigeants lensois ne se montrent pas trop gourmands sur le plan financier et c’est aussi son cas. Il ne peut plus rester à Lens. Venir jouer à Nantes ne représente pas le choix du cœur mais plutôt celui de la raison. Bud décrit d’ailleurs clairement ce cas de figure « Quand je suis venu à Nantes, je pensais seulement faire un court séjour puis repartir vers d’autres horizons. Mais en fait, ici, j’ai trouvé des hommes et une façon très particulière de voir le football, ce qui a fait que je suis resté ». Une fidélité qui va durer 42 ans.

Le leader tactique de la défense

Le jeu préconisé par le FC Nantes s’inspire déjà dans les grandes lignes de celui du Brésil et de Liverpool. Il s’agit d’un 4-2-4 avec une défense en zone qui joue le hors-jeu et qui repousse l’adversaire le plus loin possible de ses buts. De telles options sont aux antipodes de ce qui se pratique habituellement dans les grands clubs de l’époque : Bordeaux, Strasbourg ou Marseille. Bud s’impose rapidement dans ce dispositif comme le patron de la défense. Son intelligence tactique correspond parfaitement à l’exigence d’un poste où il faut savoir concilier rigueur physique et sens de l’anticipation.

Après un début de saison difficile, le FC Nantes va finir à la 8ème place. Pas mal pour un promu.  Le duo qu’il forme maintenant avec Gilbert Le Chenadec n’est pas étranger à la réussite.  Le jeu collectif commence à se mettre en place mais Bud ne peut imaginer, à ce moment-là, qu’il va gagner le titre de champion de France les 2 prochaines saisons. C’était déjà juste incroyable pour lui de jouer les premiers rôles.

L’influence de celui que l’on appelle « le Shériff » dépasse largement le rectangle vert. Leader sur le terrain, il l’est aussi dans les vestiaires. Il voue une grande admiration à José Arribas qu’il considère comme son mentor. Il sera son porte-parole sur le terrain et hors de celui-ci… même si face à certaines provocations adverses il aurait bien voulu répondre physiquement. Les guet-apens contre les joueurs nantais sont fréquents et l’arbitrage se montre souvent trop complaisant. Le discours du coach est clair « Ne vous abaissez pas à ce genre de pratique, c’est ballon aux pieds que vous leur donnerez une leçon ».  

Bud devient rapidement un adepte du jeu à la nantaise « José a eu très vite conscience que seul le collectif pouvait permettre au club d’être performant. A l’issue de notre second titre, nous avions été dans l’obligation de transférer notre meilleur attaquant (Rafael Santos). C’était édifiant sur les moyens du club. Imposer le collectif, c’était déjà compliqué… mais pouvoir le maintenir dans le temps c’était encore plus complexe ». Il exprime là toute l’admiration qu’il porte à son entraîneur.

Bud devient logiquement international à partir de 1965 (11 capes) mais sa carrière internationale aurait pu être d’une toute autre envergure si le jeu pratiqué défensivement par l’équipe de France n’était pas l’antithèse de ce qui faisait la force de son club. Toutefois, il participe à la qualification de l’équipe de France pour la Coupe du Monde de 1966. Il fait aussi partie des 4 nantais sélectionnés à Londres avec Gaby De Michèle, Jacky Simon et Philippe Gondet. Ce qui aurait pu être un magnifique souvenir ne l’a pas été. Pas à cause des résultats mais de la manière de jouer. Un système sans aucune cohérence et ambition prôné par Henri Guerin et ses 2 adjoints Lucien Jasseron et Robert Domergue. A l’issue des 2 premiers matchs, il se sentira dans l’obligation d’aller avec Robert Herbin revendiquer auprès du sélectionneur le droit de jouer autrement. Henri Guérin n’a pas d’autre choix que de laisser faire. Ce dernier match face aux Anglais futurs vainqueurs de l’épreuve reste de loin le plus abouti. Ces derniers dépassés par l’envie des français n’auront pas d’autres solutions que de mettre la semelle. Un match qui se termine à 9 contre 11 avec deux blessés et qui laisse beaucoup de regrets.

A son retour d’Angleterre, Robert frustré par cette compétition ressent le besoin de prendre de la distance avec le football. Il part pour Houston dans l’Etat du Texas où il sera hébergé par la famille de son coéquipier Gilbert Le Chenadec. Ce voyage est pour lui l’occasion de découvrir une autre manière de concevoir le sport de haut niveau. Il reprend l’entraînement avec 15 jours de retard et n’échappe pas à la sanction : un mois de travail sans salaire. C’est bien connu le président Clerfeuille ne badine pas avec la discipline. Bud n’est pas encore l’exemple qu’il deviendra plus tard. La saison suivante avec son club sera plus délicate car il y a de nombreux blessés. Le club va finir en seconde position derrière l’AS Saint Etienne.

 

 

En décembre 1968, Bud est victime d’une double fracture tibia/péroné. Au bout de plusieurs mois de rééducation il reprend l’entraînement mais d’une manière malencontreuse l’un de ses coéquipiers le blesse de nouveau. Nous sommes le 2 novembre 1969 et cette blessure met un terme définitif à sa carrière sportive. Il a seulement 28 ans et n’aura finalement jouer à haut niveau que durant 7 saisons.

La reconversion arrive plus tôt qu’il ne l’avait imaginé. Pour sa part, il n’a jamais rêvé de devenir éducateur ou entraîneur. Rester dans le football reste une possibilité mais ce n’est pas la seule. Il a un moment penser s’inscrire dans une école de journalisme. En fait, le président Fonteneau ne va pas lui donner le temps de s’interroger sur son avenir car il lui propose très vite de relever un nouveau défi :  celui de devenir directif sportif.

Ce challenge l’intéresse. Dans le passé, Anton Raab avait occupé, à Nantes, un poste de Directif sportif… mais il est clair pour tous qu’il s’agit d’inventer autre chose car le football n’est plus le même. Le président lui accorde carte blanche pour réfléchir à un projet qui puisse répondre aux enjeux du club et à ses aspirations. Mais il s’agit-là d’une autre page de l’histoire du club que nous aurons l’occasion d’évoquer dans un prochain article.