Robert Budzynski et à l’origine de la création de ce nouveau métier de directeur sportif qui au sein du club ne lui a pas survécu.  Il n’y avait personne avant lui car l’activité d’Antoine Raab n’avait rien de comparable et ensuite il est remplacé par Japhet Ndoram qui occupera un poste de recruteur.  Il a quitté le FC Nantes avec la discrétion et l’élégance qui le caractérise. Pas le genre à cracher dans la soupe ni à se révolter contre une décision qui pouvait paraître arbitraire.

L’objet de cet article ne consiste pas à faire un bilan exhaustif de 35 ans de direction sportive. L’ambition est trop grande pour s'y atteler. Il consiste plutôt à mettre en relief quelques aspects clés de sa carrière. Avant de valoriser ses réussites, évoquons en premier lieu sa personnalité et son talent de négociateur.

L’art de la négociation

Dans ce métier, Budzynski apprend vite sur le plan relationnel. Son style mêle séduction et intransigeance. Les parents apprécient sa manière d’être proche et clair dans sa communication. Il n'hésite pas à s’inviter dans les familles pour présenter les structures et la philosophie du club. Lors d’une interview, les journalistes apprécient sa convivialité mais ils repartent souvent sans les réponses aux questions posées. En bon négociateur, Bud aime parler mais il sait aussi se taire. Quant aux joueurs, ils témoignent de son savoir-faire : en face à face, ils ont tendance à parler football et oublier leurs revendications. Il faut bien reconnaître que sa capacité à séduire a été moins opérante avec la municipalité qui a ses yeux n’aide pas suffisamment le club.

Au sein de la structure, son positionnement est compliqué car il doit se trouver à même distance des dirigeants et des coachs. José Arribas et Jean-Claude Suaudeau ont sans nul doute attendu plus de soutien de sa part dans les moments difficiles. Pour être crédible dans son rôle, il se devait d’être neutre et loyal. Une situation très inconfortable à tenir lorsque la compétition impose sa loi.  

L’attractivité du centre de formation

La vitrine du club a été le Centre de Formation et Bud son promoteur « nous n’avons jamais eu la même surface financière que d’autres clubs mais nous avions une légitimité et des références ». Nantes est en concurrence mais il se situe nettement devant Saint-Étienne, Auxerre et Sochaux. Il faut une structure d’accueil de grande qualité et la Jonelière devient pendant plusieurs années la référence absolue. Les infrastructures et équipements sont une clé du succès mais que dire de l’importance de la philosophie éducative qui vise à faire de ces jeunes… des hommes armés pour affronter la complexité de la vie. Vouloir pratiquer un football altruiste et intelligent requiert des compétences humaines. 

Dans l’organisation, il y a évidemment en amont la détection des talents. Le club va construire un réseau en France mais aussi à l’étranger. Un système de reporting est mis en place. Les anciens joueurs tels que Hugo Bargas deviennent des ambassadeurs du club. Bud sollicite même l’aide du retraité José Arribas trop heureux de pouvoir contribuer au développement de son club de cœur.  Bud deviendra au fil des décennies le trait d'union entre les générations et le garant des valeurs.

La filière argentine

Le recrutement est la partie la plus connue de son activité. Son image est celle d’un bourlingueur toujours prêt à sauter dans un avion pour aller dénicher la perle rare. L’argentine aura été pour lui un foisonnant terrain de chasse. Là-bas, il va faire ses premiers voyages avec Sylvain Ichoua (vice-président du club) qui parle parfaitement espagnol. Sa première prise s’appelle Angel Marcos un attaquant atypique. Ce joueur technique et très adroit devant le but présente l’inconvénient d’être frêle et de ne pas courir vite.  Ce transfert sera validé après plusieurs échanges téléphoniques avec José Arribas.

La fameuse filière argentine est en marche... et il y aura beaucoup d’autres belles acquisitions avec Hugo Bargas, Enzo Trossero et Jorge Burruchaga notamment. Ce dernier va marquer l’histoire du club sans avoir été la cible initiale. Bud voulait recruter Daniel Passarella qui gagnera ensuite deux Coupes du Monde avec son pays mais il était financièrement trop cher. Seul Julio Olarticoechea ne se montre pas à la hauteur des espérances. A sa décharge, déplacé au poste d’arrière latéral ce joueur n’a jamais eu l’opportunité de faire ses preuves au milieu du terrain.

La déception Robert Gadocha

Bud va être impliqué dans plus de 300 recrutements durant sa carrière nantaise et il y a eu forcément quelques déconvenues. Des joueurs tels que Didier Couecou et Yves Triantafilos n’ont pas laissé des souvenirs impérissables.

Toutefois, l’échec le plus cuisant s’appelle Robert Gadocha. Sans doute du fait de son origine polonaise mais plus encore à cause de l’espoir suscité lors de son arrivée. Il faut rappeler qu’il y avait 3000 supporters venus l'accueillir à l’aéroport le 22 mars 1975. Le champion olympique de 1972 avait réalisé une brillante Coupe du monde deux ans plus tard.  Malgré un indéniable talent, il ne parviendra pas à s’adapter au jeu nantais. Peut-être n’avait-il plus autant envie de se faire mal à l’entraînement. Il semble, en tous les cas, avoir apprécié la gastronomie française.  

Le FC Nantes ne va pas à Lagardère

Au club, la question financière reste un problème récurrent. Chaque saison le FC Nantes doit laisser partir 2 ou 3 de ses meilleurs joueurs. Bud va s’emparer très vite de cette question et tenter d’y apporter une solution. La rencontre avec Jean-Claude Darmon en début de carrière aurait pu être un tournant décisif et permettre au club d’accroître notoirement ses recettes via le marketing et le merchandising. Bud est conscient de la nécessité de faire évoluer le modèle économique mais la culture du club n’est pas encore prête pour vivre une telle transformation. Ce brillant publicitaire apprendra son métier à Nantes mais il ira ensuite vendre ses services à d’autres clubs. Il a contribué à lancer notamment la publicité dans les stades, les buvettes, les tableaux électroniques.

Il y a eu ensuite l’épisode Jean Luc Lagardère. Bud ne voit pas d’un mauvais œil son entrée dans le capital. Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi. En 1979, c’est ce qu’il a fait en proposant de mettre Michel Platini dans la corbeille de mariage. L’opération ne va pas se faire. Le comité d’administration avait, sans doute, trop peur de faire rentrer le loup dans la bergerie. En 1982, le chef d’entreprise va créer le Matra Racing.  

La rupture avec la SocPresse

Les années passent, les présidents aussi… mais Robert Budzynski lui demeure en place, toujours aussi influent. Son pouvoir décline brutalement avec l’arrivée en 2001 de la Soc presse (Groupe Hersant). Jean-Luc Gripond n’a pas la moindre connaissance dans le domaine du football mais il a la prétention de vouloir tout régenter. Les temps ont changé et les techniciens ne disposent plus des mêmes prérogatives. Raynald Denoueix est limogé sans que Bud ne soit vraiment en capacité de le défendre. Les dernières années seront difficiles à vivre pour lui car il tente de faire entendre sa voix dans cet univers qui lui devient de plus en plus étranger.

En 2005, Rudy Roussillon président choisi par le nouveau repreneur Serge Dassault va sans ménagement lui signifier son départ à la retraite. Il a 65 ans. Il quitte le FC Nantes avec un goût amer :  celui de ne pouvoir transmettre à quiconque son expérience. Une expérience qui n’a pas la moindre équivalence dans le monde du football. Son départ sonne le glas d’un club qui n’a plus d’identité et qui ne respecte plus ses valeurs.

Robert Budzynski fait indéniablement partie du Panthéon du FC Nantes. C'est un grand parmi les grands. Il aura été son premier directeur sportif  mais, à sa grande tristesse, aussi son dernier.

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