Nous étions ici dans les locaux de Proginov le 4 juin dernier pour la conférence de presse qui lançait officiellement, en présence de Mickael Landreau, le projet de financement participatif. Pouvez nous dire où nous en sommes aujourd’hui ?

La création de la société la SAS « Le Collectif Nantais » date de deux semaines à peine. Il a fallu un peu plus d’un mois pour obtenir le Kbis de la part du Tribunal de Commerce ce qui prouve le dynamisme de la région en matière de création d’entreprises... Aujourd’hui, nous en sommes à 80 souscripteurs mais nous continuons à rencontrer des chefs d’entreprise. L’objectif annoncé est de 20 millions et nous pourrions être à 15 millions à la fin de l’été. Ce qui se passe actuellement est passionnant à vivre. C’est l’occasion de voir l’attachement des acteurs du territoire à ce qu’a été le club dans le passé… mais aussi à sa volonté de s’engager dans un projet qui propose un nouveau mode de gouvernance. Nous voulons construire ensemble une démarche d’une grande crédibilité.

 

La question concernant d’éventuelles relations avec Waldemar Kita avait été posée lors de la conférence de presse. Est-ce qu’il y a eu depuis des échanges d’une manière directe ou indirecte, sachant que la saison va prochainement démarrer ?

Des échanges avec Waldemar Kita il n’y en a pas eu depuis cette date mais ils viendront forcément à un moment ou à un autre.. Le contexte est compliqué compte tenu de la crise sanitaire et de ses conséquences sur la trésorerie du club. Dans une telle période, il avait sans doute besoin de se concentrer sur les impératifs immédiats et notamment le passage à la DNCG. Le fait d’avoir dû s’y remettre à deux fois prouve que la situation n’était pas simple à gérer.

 

Comment faut-il interpréter le fait que Waldemar Kita accepte de réinvestir la somme de 20 millions pour renflouer la trésorerie du club ? Est-ce que cela veut dire qu’il souhaite s’inscrire dans la durée ?

J’ai entendu parler de 20 millions mais aussi de 15. Comme à chaque fois dans le football cela manque de transparence.  Quelle est, dans ce montant affiché, la part de promesse relative à la vente de joueurs ?... On ne le sait pas. Si le club est passé deux fois à la DNCG c’est que l’intention première était d’éviter de remettre de l’argent au pot. De toute façon, ce qui se passe démontre la fragilité financière actuelle… mais elle exprime plus globalement une fragilité dans l’ambition. Waldemar Kita est un homme d’affaires émérite et il ne peut évidemment se satisfaire d’une situation où l’on se limite à gérer la pénurie. Un dirigeant est logiquement orienté vers le succès.

 

Au sein du club, vous êtes plusieurs partenaires à être dans une posture un peu particulière puisque à la fois sponsors du club et membres du projet « Le Collectif Nantais ». Cette situation ne doit pas être évidente à vivre ?

Elle n’est pas compliquée parce que nous savons très bien depuis le début de notre engagement pourquoi nous sommes à l’intérieur du club. Nous y sommes pour l’institution. Concernant les relations avec la Direction du club, il n’y a pas de raison d’envisager de part et d’autre la moindre agressivité. Il y a un grand respect entre nous. Il n’y a aucune machination de notre part. Bien au contraire. Le projet se veut utile à la fois à l’institution et à la gouvernance en place. En effet, grâce à lui Waldemar Kita sera en mesure de quitter le club dans de bonnes conditions, et quand il aura décidé de le faire. Nous travaillons pour qu’il en soit ainsi et en pleine transparence.

Ce que je peux dire c’est qu’aujourd’hui le projet inspire une grande sympathie et beaucoup d’intérêt aux acteurs économiques locaux. Chez certains d’entre eux, il peut y avoir une forme de scepticisme…mais je n’ai jamais rencontré d’opposants.

 

Quelle est la prochaine étape du projet ?... Est-ce qu’il y a, dès à présent, des actions sur lesquelles nous pourrions communiquer ?

Dans l’immédiat, la priorité reste la consolidation de ce que nous avons appelé le premier étage de la fusée. C’est-à-dire la souscription en cours. Nous rencontrons, chaque semaine, de nouveaux dirigeants intéressés par la démarche.

Nous avons expliqué lors de la conférence de presse du 4 juin dernier pour quelle raison nous étions dans l’obligation d’appliquer un tel montant de souscription. Se situer à moins de 100 000 euros oblige à être sous l’autorité des marchés financiers.

Toutefois, notre souhait à terme reste de pouvoir impliquer le plus grand nombre d’acteurs économiques du territoire mais cette volonté ne pourra s’envisager que lorsque nous aurons collecter les 10 Millions d’euros. Une telle approche permettra d’associer les nombreux artisans, commerçants, professions libérales, associations… qui expriment, aujourd’hui, leur intérêt pour la démarche en cours. L’idée serait de proposer un crowdfunding avec, par exemple, un ticket d’entrée à 10 000 euros. 

 

Philippe Plantive (Photo © Gérald Mounard)

 

Est-il possible de savoir comment concrètement va s’organiser la gouvernance du projet « Le Collectif Nantais » ?

La SAS du collectif nantais se compose de 3 collèges : le premier concerne les souscripteurs qui se situent entre 100 000 à 500 000 euros, le second de 500 000 à 1 million d’euros, et le troisième collège regroupe ceux qui sont à plus de 1 million. Nous avons déjà plusieurs souscripteurs qui sont dans ce troisième collège. 

Il est évident qu’il y a autant de mérite à mettre 100 000 euros lorsqu’on est artisan que dix fois plus lorsqu’on représente une entreprise. C’est pourquoi chaque collège aura une représentation presque équivalente au conseil d’administration. Il y aura deux représentants élus pour le premier et le second collège. Le troisième collège aura 3 représentants. Les trois fondateurs à savoir Proginov, Mickael Landreau et Fastea Capital seront aussi au CA. Le crowdfunding prévu dans un second temps permettra de créer un 4eme collège avec aussi 2 représentants. 

L’idée c’est que le président du Conseil d’Administration de la SAS représente ce pool d’investisseurs au sein du CA du club. La structure se veut participative mais elle se doit d’être aussi très cohérente dans son fonctionnement.

 

Par ailleurs, lors de la conférence de presse il était annoncé la recherche d’actionnaires pour répondre aux enjeux financiers que requiert aujourd’hui l’acquisition et le fonctionnement d’un club professionnel tel que le FC Nantes. Où en êtes-vous actuellement ?

En effet, la seconde initiative que nous conduisons en parallèle concerne la recherche d’investisseurs. Dans ce domaine, il y a les fonds d’investissement qui sont spécialisés dans le sport et les Famille Office (Family Office). Ces dernières sont moins connues du grand public mais ce sont celles qui retiennent le plus notre attention. Ce sont très souvent des entrepreneurs qui ont revendu à bon prix leur entreprise et qui aiment investir par eux-mêmes. Ils portent leur propre regard sur les projets qu’ils accompagnent. C’est un peu dans le même esprit le rôle que joue par exemple François Pinault au Stade Rennais. Un fonds d’investissement a souvent une vision à court terme (5 ans) qui n’est pas compatible avec l’échelle temps requise dans le fonctionnement d’un club de football pro. Dans un centre de formation, faire monter une nouvelle génération de footballeurs relève d’une autre relation au temps. Une Famille Office c’est un partenaire qui s’inscrit dans la stratégie et qui peut apporter aussi son expérience. Nous avons signé des accords de confidentialité avec plusieurs d’entre eux et ils savent tous très bien qu’ils devront composer avec « Le Collectif Nantais ». Contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’implication d’un pool économique local rassure plus qu’il n’inquiète. Dans ces investisseurs, certains voudront rester dans l’anonymat et jouer un rôle minoritaire alors que d’autres veulent être connus et détenir la majorité des parts.

Aujourd’hui, si nous étions amenés à succéder à Waldemar Kita nous connaissons déjà quel serait le président du club ainsi que le directeur sportif. L’organigramme nous l’avons déjà en tête. Pour faire taire certains bruits, concernant la présidence du club je peux déjà vous dire que cela ne sera pas moi. Je n’en ai pas aujourd’hui la compétence. Il y a des gens tellement plus compétents que moi qu’il serait dommage de se priver de leur talent.

 

Dans la perspective d’un rachat du club, aujourd’hui est-il possible de répondre à la question de savoir combien vaut le FC Nantes ?

La valeur d’acquisition du club n’est qu’un aspect de l’engagement financier à prendre en compte lorsqu’on souhaite le voir réussir. Cette question du prix d’un club doit être appréhendée dans une réflexion globale. C’est pour cette raison que le prix de vente annoncé pour Saint Etienne est de 20 Millions.

Nous avons fait un business plan pour anticiper la situation de reprise du club en prévoyant deux scenarii : l’hypothèse d’un maintien en Ligue 1 et celui d’une descente en Ligue 2.

Dans ce business plan, nous avons budgété le rachat du club à Waldemar Kita mais aussi les 5 premières années de fonctionnement. Notre objectif consiste à démontrer qu’un club de football pro peut être rentable à terme. Chaque année, il y en a qui le sont. Cette année, la DNCG a mis en valeur les résultats de l’Olympique Lyonnais et de Lorient. Nous pensons que ce qui se faisait du temps de José Arribas et de Jean-Claude Suaudeau peut avec quelques aménagements s’adapter au contexte actuel. Les valeurs qui ont fait le succès du club restent des principes à réactiver.

 

Les supporters vont prochainement retrouver le chemin du stade. Dans quel état d’esprit êtes-vous pour cette reprise du championnat ?

Nous espérons tous que la crise sanitaire ne va pas empêcher le retour au stade que nous attendons avec impatience. Toutefois, compte-tenu de l’ambiance autour du club il n’est pas possible de ne pas s’interroger sur un autre risque. Je veux évidemment évoquer le risque de la violence. Nous savons qu’il y a beaucoup d’exaspération et d’impatience chez de nombreux supporters qui attendent un rapide changement de direction. Notre projet suscite aussi beaucoup d’espérance.

J’ai été interrogé par le club sur notre position concernant l’hostilité actuelle. Ma réponse a été de répondre : les supporters supportent… même si la direction actuelle peut les insupporter, et nous nous supportons l’institution.

La contestation ne doit pas se traduire en actes de violence et « Le Collectif Nantais » ne pourra en aucune cas cautionner de tels agissements. En la matière, nous avons salué comme il se doit la démarche des groupes de supporters qui se sont unis, il y a quelques temps, pour s’opposer aux comportements de quelques individus.

Nous sommes là pour fédérer le territoire économique à la hauteur de ce qu’est le FC Nantes. Un grand club de football mérite la mobilisation de son territoire économique. En conclusion, ce que je peux dire c’est que le Collectif Nantais est un challenge passionnant à relever tous ensemble… et que nous sommes très optimistes quant à la capacité d’y parvenir.