Ce samedi 19 août 2023, les Canaris laissent leur stade de la Beaujoire aux rugbymen du XV de France, lesquels affrontent leurs homologues des îles Fidji. Il ne s'agit pas encore de la Coupe du monde de rugby, mais d’un test-match (équivalent de match amical officiel chez les footeux) en vue de se préparer à la grande compétition qui débute moins d’un mois plus tard.

C'est beau un monde qui joue

Le stade Louis-Fonteneau fait partie des enceintes qui accueilleront des rencontres du premier tour : Irlande-Tonga le 16 septembre, Argentine-Chili le 30 septembre, Pays de Galles-Georgie le 7 octobre et Japon-Argentine dès le lendemain. Qu’on se rassure, tout a été prévu. Le calendrier du FC Nantes a été bâti de façon à ce que la Beaujoire soit disponible les jours de Coupe du monde. Et inversement.

Nous publions ici un petit calendrier à l’attention des oublieux qui pourraient se tromper de soirée.

Du rugby à la Beaujoire, cela n’a rien d’inédit. L’antre du FC Nantes a déjà accueilli plusieurs rencontres et notamment sept test-matchs du XV de France. Les All-Blacks y ont mordu la poussière en 1986 et les Pumas argentins y ont connu un jour de gloire en 1992. Le public nantais a également pu assister à trois rencontres de la Coupe du monde en 2007, à des demi-finales du Top 14 ou des rencontres de H-Cup, l’équivalent ovale des Coupes d’Europe.

Il était une fois dans l'Ouest

On a tendance à l’oublier, mais Nantes est une terre de rugby. Bien avant de devenir un fief du ballon rond, la Cité des Ducs appliquait les vertus du collectif le ballon à la main. Dans le récent hors-série de L’HumanitéUne histoire populaire du rugby français”, un article de Sylvie Bossy-Guérin, doctorante en histoire contemporaine, rappelle combien la région ouest a été un acteur déterminant du développement du rugby dans l’hexagone.

Quoi de plus logique après tout puisque le Grand Ouest est très proche, tant géographiquement que culturellement, de la Grande-Bretagne, terre natale du football-rubgy, tel qu'on l'appelait alors pour le différencier du football-association, celui que l'on pratique aujourd'hui à onze avec les pieds. Si les premiers clubs de l'hexagone (Stade Français, Racing Club de France...) se sont montés à Paris, le Stade Nantais est la première association sportive scolaire de France à s'ouvrir au rugby. C’est en tout cas ce qu’affirment Frantz Reichel et Léon Mazzuchelli dans leur ouvrage “Les Sports Athlétiques” publié en 1895.

L’association nantaise est fondée le 14 mai 1886 par les élèves du Lycée de Nantes (futur lycée Clémenceau) avec l’aide de M. Nivet, membre du Stade Français. Le Stade Nantais est aussitôt adopté par l’USFSA, la première grande fédération sportive de l’hexagone.

L’équipe nantaise porte alors déjà du jaune sur ses tenues, qu’elle associe au noir dans des bandes horizontales qui rapprochent les joueurs des hyménoptères. De nombreux lycées alentour, de la Bretagne à la Vendée, en passant par la Normandie et l’Anjou, suivront l’exemple du Stade Nantais. Les rencontres entre équipes de lycées uniformisent les règles du jeu, tant pour le football-rugby que pour le football-association. Car les joueurs passent aisément de l’un à l’autre, les deux disciplines ne se différenciant alors que par l’usage des mains ou des pieds.

Champion de France en 1917

Plus tard, les anciens élèves du Stade Nantais sont à l'origine de la création de plusieurs clubs de la région, notamment le Sport Athlétique de Clisson et l’Union Sportive de Pornic. Quant au Rugby Club Basse-Indre Couëron, il est créé par d’anciens joueurs du Stade Français installés dans la région nantaise. Ce club sera ensuite à l’origine du SNUC, Stade Nantais Université Club, fondé en 1903 (et qui n’a donc aucune filiation avec le Stade Nantais du lycée Clémenceau).

Plus à l’Ouest encore, le Sporting Club Nazairien voit le jour en 1908 et le Rugby Club Trignacais en 1912. Les deux clubs deviendront des places fortes du rugby en Loire-Atlantique. Le succès du football-rugby dans la région est tel que le football-association tarde à s’y développer. Il faudra attendre la Première guerre mondiale pour voir le football prendre le pas sur le rugby, les états major ayant envoyé des ballons ronds auprès des tranchées pour entretenir le moral des troupes entre deux batailles.

Le SNUC connaît alors ses plus belles années, sous l'influence de l'ancien Bordelais Pascal Laporte, venu à Nantes dans le cadre d'une mutation professionnelle. Celui-ci joue de son expérience sur le terrain et use de sa grande influence dans les coulisses pour faire venir à Nantes quelques joueurs importants, notamment le Gallois Percy Bush. En 1917, le club nantais remporte la Coupe de l’Espérance, un championnat de France monté en temps de guerre et disputé malgré l’absence de joueurs partis au front. Nantes est, en quelque sorte, champion de France de rugby en 1917.

Vingt ans plus tard, en 1937, est construit pour le SNUC le Stade Malakoff, au bord de la Loire. L'enceinte deviendra l’antre du FC Nantes quand celui-ci verra le jour en 1943. Le SNUC ira alors jouer sur une autre pelouse créée en 1920, située aujourd’hui au 74, boulevard des Anglais, le futur stade Pascal-Laporte tel qu'on le nommera en 1950. Le stade Malakoff prendra quant à lui le nom de Marcel-Saupin en 1965. 

En 2008, le SNUC a été rebaptisé le Stade Nantais, comme pour boucler la boucle de l'histoire du rugby nantais.