Nantes Marseille, ce sont d’abord des chiffres. 104 matches disputés entre les 2 équipes depuis le 1er match en 1954 lors du 1er tour de la Coupe Charles Drago. 47 victoires pour les marseillais. 32 pour les nantais. La dernière à La Beaujoire (3-2) pour les nantais lors de la saison 2018-2019. Nantes Marseille, dans ce sens là, c’est aussi une vingtaine de joueurs nantais- et pas n’importe lesquels- passés du cadre de la Jonelière à celui de la Canebière. Marseille, le cauchemar d’un certain Jean-Claude Suaudeau. Et pour l’équipe en rodage de Pierre Aristouy, un match forcément compliqué à gérer ce vendredi soir à 21h00, une semaine après un match plein d’espoir face à l’AS Monaco. Alors que Marseille pointe à la deuxième place du classement. 

« Marseille : mon cauchemar » JC Suaudeau

C’était il y a un peu plus de 2 ans. Un 27 mars 2021. Une petite visite amicale avec mon ami Daniel, chez mon ami Feu Jean-René Toumelin. Sa jolie résidence dans le Golfe du Morbihan juste en face de l’Ile aux moines. Et la surprise ce jour-là, d’y retrouver son complice et proche voisin Jean-Claude Suaudeau. Trois heures à partager avec eux leurs souvenirs. Et au moment d’évoquer Henri Michel, un long soupir de Coco.  « Henri Michel, exceptionnel ! Marseille lui avait proposé un pont d’or pour partir là-bas. Marseille, comme par hasard ! Marseille mon cauchemar !! » Mais Henri Michel était resté nantais, fidèle parmi les fidèles. Cette année là -nous sommes en 1976- Marseille aura raison d'un certain José Arribas. Le père spirituel de Coco, lâché par une direction nantaise et une partie du public qui n’avaient pas encore compris ce qu’ils venaient de perdre.

De Georges Eo au trio Harit, Veretout, Rongier : la longue liste des joueurs nantais partis à l’OM

Plus de 20. La liste n’est pas exhaustive. Et les passionnés de chiffres et d’hommes auront tout loisir de la compléter en parcourant l’excellent ouvrage de notre ami Denis Roux : « Le dictionnaire du FC Nantes » paru en 2021 qui recense les 500 joueurs ayant joué au FC Nantes. Vingt comme autant de joueurs nantais à avoir quitté Nantes pour l’OM. L’un des premiers canaris à partir à Marseille n’est autre que Georges Eo en 1974. « Le Paris FC avait déposé le bilan. On s’est tous retrouvés libres » témoigne Georges. « Marseille m’a sollicité. Ce fut une magnifique expérience avec Marius Trésor, Zvunka, mais aussi les 2 brésiliens Paulo César et Jairzinho. »  En 1987, Georges revient à Nantes comme coach pour devenir l’adjoint de Coco Suaudeau. Il y restera plus de 20 ans.


Les anciens nantais passés à l’OM cumulent plus de 600 sélections en bleu

Passer du FC Nantes à l’OM dans les années 1990 est sans doute une promotion pour les joueurs. Force est de constater que peu de joueurs font ou feront le chemin inverse. Cela marque aussi la qualité de la formation nantaise. Les anciens nantais passés à l’OM cumulent d’ailleurs plus de 600 sélections en bleu et le passage par des clubs européens prestigieux. Parmi les joueurs les plus connus, citons Didier Deschamps, Marcel Desailly, Jean-Jacques Eydelie, Yvon Leroux, Reynald Pedros, Claude Makélélé, et plus récemment Dimitri Payet, Valentin Rongier, Amine Harit et Jordan Veretout. Dans la liste des joueurs peu nombreux, passés de Marseille à Nantes, on retiendra Didier Couécou, le seul à avoir d'ailleurs remporté un titre avec chacune des 2 équipes (OM 1971 et 1972 / FCN 1973) 

Didier Deschamps et Marcel Desailly :  les années Tapie

Si certains départs se font dans les règles de l’art, d’autres se font dans la douleur. Le départ de Didier Deschamps en 1989 en cours de saison sous la présidence de Max Bouyer est un coup de tonnerre. Max Bouyer dira « Malheureusement, je dois choisir entre un homme et mon club. J’ai choisi l’homme. » Sept années après son arrivée à l’académie nantaise et 131 matches avec l’équipe première, le départ de Didier Deschamps « illustre » pour le maire de Nantes Jean-Marc Ayrault «  la spirale du fric ». Mais aussi les problèmes récurrents de la gestion financière du FC Nantes qui a besoin de vendre ce qu’elle a de plus cher pour ne pas sombrer.

"Marseille, c'était le cauchemar de Coco" JR Toumelin


Marcel Desailly arrivé à Nantes en 1972 intègre le centre de formation en 1980. Il a 12 ans. En 1992, après 6 années en équipe première et 178 matches, le grand Marcel s’en va rejoindre l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie. Un départ douloureux pour le staff nantais. Mais pas seulement sportivement. Transféré pour 10 millions de francs à l’OM, le joueur nantais réclamera au FCN, en vertu d’un protocole interprété d’une certaine façon, une somme supplémentaire d’ un million de francs. L’ex joueur nantais débouté aux Prud’hommes portera l’affaire devant la cour d’appel. Beaucoup d’ingratitude. Une histoire dont Jean-René Toumelin et Coco Suaudeau garderont beaucoup d’amertume. Et comme nous le confiait ce 27 mars 2021, Jean-René après le départ de JC Suaudeau. « Marseille, c’était le cauchemar de Coco. Et le cauchemar, vous ne savez pas tout. Et il vaut mieux (…) »

2023 : un milieu marseillais teinté de jaune et vert 

Trente ans sont passés. L’école de football nantaise n’est plus ce qu’elle était. Le football nantais non plus. Pour autant, les bords de l’Erdre continuent à produire de bon joueurs et à alimenter le club marseillais. L’olympique de Marseille compte ainsi dans ses rangs pour la saison 2023- 2024  -comme les 2 saisons passées- trois joueurs made in FC Nantes. Rongier, Veretout et Harit Amine.  Valentin Rongier a intégré le FC Nantes en 2001 à l’âge de 7 ans et a disputé 135 matches avec l’équipe première de 2014 à 2019 avant de partir à l’OM. Jordan Veretout arrivé au FC Nantes en 1999 à l’âge de 10 ans a disputé 143 matches avec l’équipe  de 2011 à 2015. Quant à Harit Amine, arrivé sur les bords de l’Erdre en 2012 à l’âge de 14 ans, Il ne disputera qu’une saison avec l’équipe pro de 2016 à 2017 avant de partir au FC Schalke 04 puis à Marseille depuis 2021.

L’ancien nantais puis marseillais Jean-Jacques Eydelie

Ne lui demandez-pas où est son coeur. Jean-Jacques est un pur produit du jeu à la nantaise, et l’un de ceux qui en cause le mieux. Et pour cause. Rentré à l’académie du FC Nantes en 1980 à l’âge de 14 ans, le jeune Eydelie va bénéficier pendant 8 ans de l’enseignement de JC Suaudeau. "Le mercredi matin, Coco nous prenait 6 ou 7 joueurs élève au Loquidy. Puis l'après-midi, j'accompagnais Coco pour entraîner les petits comme Desailly, Ziani et le fils de JP Bertrand-Demanes. De 1988 à 1992, sous les ordres de Miroslav Blazevic puis de Coco, le jeune milieu défensif devient titulaire à part entière. 

Marseille : un rêve de gosse 

Après 132 matches sous les couleurs nantaises, Jean-Jacques est alors recruté par Bernard Tapie qui a demandé à Didier Deschamps de le convaincre. Comment résister à l’offre. L’Olympique de Marseille est le club phare du football français. Il y retrouve ses anciens coéquipiers Deschamps et Desailly. L’année suivante, Eydelie triomphe avec l’OM sur la scène européenne en remportant le championnat et la coupe d’Europe contre l’AC Milan. Un souvenir inoubliable. Et  dont il a retrouvé le parfum il y a quelques semaines lors du trentième anniversaire. Des Nantes-Marseille joués sous les couleurs nantaises à la Beaujoire, Jean-Jacques se  rappelle d’abord de celui disputé en 1987. « Blazevic m’avait demandé de jouer arrière droit pour la première fois. Il voulait que je ne lâche pas Cantona. Ce jour-là, j’ai marqué un but des 25 mètres. » Aidé -avoue-t-il- par une faute de main de Gaëtan Huard. 

« Ce Nantes Marseille devrait nous offrir du spectacle » Eydelie

« J’ai vu le match de Nantes contre Monaco et j’ai beaucoup aimé la première période. J’ai aimé la simplicité du jeu, la manière. (…) On ne porte pas le ballon, on passe rapidement, on fait des dédoublements, du jeu à 3. (…) Dommage qu’on n’ai pas continué ainsi sur le reste du match. On ne peut pas ensuite être aussi peu maitre du jeu. (…) On a 2 nouveaux entraineurs (A Nantes et Marseille)  qui travaillent chaque semaine pour construire. J’ai hâte de voir ce que cela va donner. La victoire ira aussi à celui qui a le plus de volonté, qui va à la bataille et ne laisse pas d’espace. (…) Que le meilleur gagne ! Mon coeur bat forcément d’abord pour Nantes. Mais j’ai aussi des palpitations pour Marseille. »

Archive vidéo : Nantes Marseille 5 à 0 (1er septembre 1987)