Votre départ du FC Nantes ne s’est pas très bien passé ?

Disons que j’aurais préféré une autre fin.

Comment ça s’est terminé ?

Avec le COVID-19, le championnat s’est arrêté au mois de novembre. Nous avons toutes eu un premier point en février-mars pour faire le bilan des six matches qu’on avait pu disputer. Le bilan était positif, j’avais joué tous les matches et j’étais à trois passes décisives et un but. En aucun cas le coach ne m’a laissée présager que je n’allais pas être conservée dans le groupe. Mi-mai quand on a su que la saison n’allait pas reprendre, ça a été la douche froide. Il m’a dit que je n’allais pas être conservée dans le groupe.  Je ne m’y attendais pas. Surtout que j’étais aussi en CDI au club donc c’était ma stabilité qui disparaissait.

Quelles raisons a-t-il avancé pour justifier votre départ ? 

On m’a dit que j’étais une victime du COVID. Etant l’une des dernières à avoir signé un CDI après Marine Pervier, Anaïs Messager et Mélodie Carré et qu’on ne me gardait pas pour miser sur la jeunesse. Au final ils ont recruté une fille qui a mon âge et qui est aujourd’hui en CDI au club. Je leur en ai beaucoup voulu parce que j’ai fait beaucoup de sacrifices pour Nantes. C’était compliqué cette année parce qu’on s’entraînait tous les matins, on partait en déplacement, et tous les samedis matins donc je n’avais pas l’occasion de rentrer voir ma famille au Mans. Au final, ils ont fait les choses dans les règles et j'ai signé une rupture conventionnelle même si je n’étais pas vraiment d’accord. Maintenant je suis passée à autre chose mais j’aurais préféré une autre fin.
 

"C'est un peu difficile à entendre"


Vous avez l’impression d’avoir été menée en bateau ?

Pas totalement, j’aurais seulement préféré qu’on soit honnête avec moi à l’entretien. J’aurais préféré qu’ils me disent « tu n’as pas le niveau, on te remercie pour ces deux ans ». Ils m'ont proposé de me garder mais pour zéro euro, la preuve que c'était un problème financier. Mais je ne voulais pas rester sans être payée, je pars du principe que si on ne veut plus de moi je ne vais pas rester. Surtout qu'à l’entretien, Tanguy (Fétiveau, l'ancien coach des Féminines)  m’a dit « si jamais un coach m’appelle pour me parler de toi, je n’aurais pas de points négatifs à lui dire ». C’est un peu difficile à entendre. Je ne leur en veux pas, c’est le monde du foot féminin qui évolue.

Vous n’avez jamais réussi à avoir d’autres explications ?

J’ai eu un deuxième entretien avec Tanguy. Il m’a dit qu’il n’avait rien à me reprocher, que sur le terrain j’étais une battante, que tous les conseils qu’on me demandait d’appliquer j’essayais de le faire. C’est un peu contradictoire mais je ne voulais pas me battre avec le club et de perdre des forces là-dedans. Je n’en voulais pas à Tanguy parce que je voyais bien qu’il n’était pas le seul responsable. C’est quelqu’un de très humain.
 

"Ca fait du bien de ne pas avoir tout le temps la pression"


Vous êtes tombée de haut…

Ah oui ! Il a fallu que je digère la chose. Mais c’est un mal pour un bien, je suis à La Roche-sur-Yon, je suis dans un club qui a davantage de valeurs familiales comme j’avais à Saint-Malo. Ça fait du bien de ne pas avoir tout le temps la pression. A Nantes, on a l’image du club à tenir. Je ne dis pas que je revis mais c’est moins de prise de tête.

Ce côté humain vous manquait à Nantes ? 

Franchement oui. Je suis une compétitrice et ce côté-là je l’avais à Nantes. Mais pas le côté humain. On est vraiment basé sur la performance. Il y a beaucoup de pression, le coach et le club attendent beaucoup de la section, même si des fois je ne suis pas sûre qu’ils se sentent vraiment concernés. C’est bien de se peser tous les quinze jours, d’avoir un suivi médical et une prépa mais jouer à haut niveau c’est aussi faire beaucoup de sacrifices. On renonce à voir sa famille. Malgré le COVID, on s’est entraîné comme si ça n’avait jamais existé et qu’on avait le championnat tous les week-ends. J’ai fait ces sacrifices car j’en ai envie mais maintenant en étant sortie de tout ça je me rends compte qu’on n’avait pas de vie à côté.

C'est la différence entre un club amateur et un club professionnel ? 

Totalement, c’est ce qui fait passer de l’amateurisme au professionnel. Mais pour moi ce côté-là est pourtant le plus important. Quand on me demandait comment ça se passait à Nantes je répondais « on a sept entraînements dans la semaine, on est suivi par un tas de professionnels de santé pour être dans les meilleures dispositions » mais ils finissaient par me demander en dehors du foot tu fais quoi de ta vie ? La réponse c’était rien. Quand on est jeune ça ne dérange pas. Mais vers les 25-26 ans, le côté humain prend plus d’importance.

Vous regrettez ces sacrifices ? 

Je ne regrette en aucun cas d’avoir été à Nantes. J’ai commencé le football à l’âge de 20 ans donc je m’estime chanceuse et heureuse d’avoir pu être dans un club pro. J’ai 28 ans, en 1998 j’avais six ans, les gars venaient de gagner la Coupe du Monde et le foot féminin n’était pas la priorité. En être arrivée là c’est une fierté. J’ai connu des clubs amateurs et un club pro, je pense que si c’était à refaire, je referais la même chose car j’ai toujours fonctionné à l’instinct. Même si ça ne s’est pas terminé comme je l’aurais pensé à Nantes, c’était une belle expérience et j’en garde de bons souvenirs.

Vous ne jouerez plus jamais dans un club professionnel ?

Je ne pense pas. J’ai 28 ans, le football ne me fera pas vivre à part si on joue à Lyon, Paris ou peut-être Bordeaux. Et encore c’est éphémère, il y a peu d’anciennes joueuses qui en vivent. Aujourd’hui je suis au chômage, il faut que je me concentre sur ma vie future. Certaines ne connaîtront jamais de club professionnel donc je m’estime chanceuse d’avoir pu profiter des installations et du professionnalisme de Nantes et je les en remercie. Je préfèrerais changer de sport que de faire du foot à un plus bas niveau car je suis une grande compétitrice et j'ai besoin de ça.
 

"Il n'y a pas de lien entre les deux équipes"


Vous avez dit avoir des doutes sur l’intérêt du club envers les féminines...

Je pense que l’association s'y intéresse. Grâce à Mathieu, le community manager du club, on est davantage mises en avant sur les réseaux mais pour ce qui est du club de Nantes, on n'a vu le président Kita qu’une fois à Issy-les-Moulineaux il y a deux ans. Il ne gère peut-être pas ce côté-là mais quand je compare avec Lille, le président Létang vient voir les filles. C’était toujours Jacky Soulard et Michel Valin qui venaient aux matches. Pour moi, on ne fait pas partie en tant que tel du FC Nantes. Les moyens sont mis en œuvre car aucune fille ne travaille, on a un kiné tous les matins à l’entraînement, une osthéopathe deux fois par semaine, une médecin présente tous les jours. Mais c'est tout. Je pense qu'ils auraient pu organiser un repas avec les garçons une fois par an pour partager leur expérience et qu’ils nous donnent des conseils. On fait partie du club mais il n’y a pas de lien entre les deux équipes.

Depuis vous avez rejoint La-Roche-sur-Yon, comment ça se passe ? 

Je m'y plais bien, c’est un club familial. Ça fait du bien de souffler de cet environnement où il faut toujours être au top et prouver. A La Roche, les filles font leur journée de travail de 8h à 18h et viennent s’entraîner à 19h30. On ne peut pas leur donner le même investissement. Je ne ferai pas encore du foot pendant dix ans. Je profite de pouvoir encore jouer à un niveau assez élevé.

Et professionnellement vous en êtes où ? 

Je voulais faire le Brevet de moniteur de football (BMF) mais les inscriptions étaient terminées. La Roche a essayé d’appeler la Ligue mais j’estime ne pas avoir le droit à des passe-droits. J’ai voulu passer un BP Jeps coach sportive, parce que j’en ai déjà un en tant qu’éducatrice. Mais avec le COVID je n’ai pas trouvé de patron. Et étant donné que j’ai plus de 26 ans je dois être rémunérée à 100% du SMIC, donc il faut trouver un club qui accepte de me payer entièrement en apprentissage. L’objectif c’est de passer le BMF avec La Roche mais en attendant je cherche un travail. Je n'ai pas envie de vivre d’un an de chômage. Je déteste ne rien faire et les entraînements sont tard le soir donc la journée est longue.

Crédits photos : Gérald Mounard