Loïc tu es originaire de Limoges, tu intègres le centre de formation du FC Nantes en 1998, comment s'est passée ta signature ?

Chez les jeunes j’ai fait toutes les sélections, Haute-Vienne puis Centre-Ouest. On a joué la coupe nationale qui se passe à Clairefontaine. Il y avait des recruteurs sur ce type de compétitions. Au départ, je devais signer à Toulouse. Cela faisait deux ou trois mois que l’on était en contact. Mais il y a eu un peu silence radio pendant un bon mois. Et là est arrivé Guy Hillion, qui était recruteur au centre de formation du FC Nantes. Et un lundi midi – je m’en rappellerai toujours - le lendemain d’un match où il m’a vu jouer, il a appelé mes parents. Le mercredi soir il était à la maison pour signer le contrat.

 

Qu'est-ce qui t'attirait dans ce club ?

À l’époque, en 1998, le club avait été sacré champion trois ans plus tôt, avec son coach Suaudeau, un jeu alléchant et son centre de formation qui était le meilleur de France. Quand on reçoit un appel et que c’est le FC Nantes, on n’hésite pas une seule seconde.

 

Comment se passent tes années au centre ?

Forcément au début c’est difficile. Ça reste des très bons souvenirs, c’est un changement. Je sortais de ma campagne – entre guillemets – ou je voyais mes parents tous les midis, tous les soirs. Et d’un seul coup je bascule dans un centre de formation ou je vois ma famille tous les mois et demi…. Et puis il y a surtout un rythme à prendre, que ce soit scolaire ou au niveau des entrainements. On basculait sur un voire deux séances par jour. C’est une adaptation physique et mentale qui n’est pas évidente au départ.

 

As-tu senti ce passage des valeurs, cette transmission de la part des anciens du club ?

Oui complètement. Quand on arrive au centre, on sent qu’il y a une barrière avec les pros, mais pas trop non plus. Dans le sens où vous aviez le terrain des pros qui était en hauteur, et celui de la réserve qui était en contre-bas. Aujourd’hui les deux sont pour les pros. Et vous aviez de l’autre côté de la route les terrains pour les jeunes. Il y avait vraiment des pallier à passer, mais vous croisiez régulièrement les pros. Il y avait vraiment beaucoup de respect. Tout ça effectivement, ça pose le cadre, ça apprend les règles et les valeurs de ce club.

 

« D’un échelon à l’autre, il y a les mêmes règles, les mêmes codes… »

Tu es intégré à l’équipe première lors de la saison 2002-2003. À ce moment-là une grande partie de l’équipe championne de France est encore à Nantes, comment s’est passée ton intégration dans le groupe ?

Très bien. Personnellement, j’ai signé mon premier contrat pro en 2003. Mais en 2002 j’ai fait quelques bancs en équipe première. L’intégration était naturelle, à l’époque vous aviez l’équipe première, la CFA et une équipe en CFA2. Ce qui fait que vous montiez très souvent. Dans l’équipe réserve c’était les pros qui ne jouaient pas le week-end. Et sinon, une ou deux fois par semaines, vous alliez vous entrainer avec les pros. Dès qu’il manquait un joueur pour faire une opposition par exemple, on était appelé tout de suite. Et d’un échelon à l’autre il y a les mêmes règles, les mêmes codes que ce que vous apprenez au centre de formation. Que ce soit avec Loïc Amisse qui entrainait la réserve, ou un Serge le Dizet, qui vous font travailler les gammes très tôt, comme ce que font les professionnels. Donc quand vous arrivez dans ce monde-là, vous connaissez les codes, donc les appels de balle des joueurs, les techniques…

 

Parmi les matchs que tu as joué, il y a cette fameuse finale de Coupe de la Ligue en 2004… comment as-tu vécu cet échec ?

À ce moment-là tout va très vite. Ça faisait un an que j’étais pro, ma première année a été extraordinaire. La saison d’après je me dis qu’il faut que je joue un maximum, j’arrive à faire 25 matchs titulaire, je gagne ma place. Et on a cette finale de Coupe de la Ligue et une demie finale de Coupe de France aussi, que l’on perd malheureusement. Déjà ça a été un grand moment, mais c’est vrai que l’échec a été compliqué à accepter étant donné que ça s’est joué sur pas grand-chose. Mais c’est comme ça… ça a été un fait de jeu. On parle tous de la panenka de Micka, mais il ne faut pas oublier tout ce qu’il avait réalisé dans les tours précédents, donc on ne peut pas lui en vouloir. Mais bon, on n’est pas passé très loin, et encore aujourd’hui on y repense de temps en temps….

 

D’autant plus que tu es arrivé juste après les derniers titres, tu n’as pas eu l’occasion de soulever un trophée avec Nantes, est-ce que c’est un manque dans ta carrière ?

Forcément. Quand on est joueur professionnel, on a envie de gagner des titres. Là on était en finale, à deux doigts de le faire. En plus avec le FC Nantes, forcément c’est un regret. J’aurais été très fier d’ajouter une ligne à ce palmarès. Mais c’est passé, et on ne pourra pas revenir en arrière.

 

Autre match marquant l’année suivante, le miracle de 2005 contre Metz, tu étais titulaire ce soir-là… comment tu l’as vécu ?

C’est pareil, on s’en rappelle comme si c’était hier. Ce jour-là je pense que les coachs ont fait les bons choix, et qu’à un moment donné, pour un match comme celui-là, que l’on peut comparer à une finale, ils ont mis les joueurs qui avaient le plus envie et qui allaient défendre fièrement ce maillot. Je me rappelle que l’on est parti une semaine avant aux Sables d’Olonne pour un stage où l’on était à huis-clos. Il y avait vraiment beaucoup de pression car on ne voulait pas faire tomber le club en Ligue 2. Par contre on savait que ça serait très compliqué pour se maintenir. Mais je revois l’équipe, et on se disait vraiment qu’on allait gagner ce match. Et à partir de là on verra bien ce qu’il va se passer derrière. Il y a une grosse tension pendant une semaine, mais quand on arrive à la Beaujoire, c’est une image, un moment extraordinaire. On arrive une heure et demi avant le match, il y avait déjà une foule incroyable, on sent les supporters à 2000% derrière nous, ils y croient. On était obligés de gagner ce match. Et il s’est passé ce qu’il s’est passé, on y arrive et c’est un moment de partage, notamment dans le dernier quart d’heure, ou l’on ne s’entend plus parler. On est obligés de se crier dessus comme des fous… c’était incroyable.

 

« Quand vous frôlez la relégation une année, deux années, à un moment donné, vous tombez… »

Ensuite les choses se sont un peu gâté, notamment en 2006-2007 avec la première descente du FC Nantes en Ligue 2. Qu’est-ce qui n’a pas marché cette année là ?

Le mal a été fait avant. Dans le sens où, il est arrivé la Ligue 2 car il s’est passé deux-trois ans, déjà après la finale de Coupe de la Ligue, où on perd tout ce que j’ai dit depuis le début sur le centre de formation. Mais le vrai départ, c’est quand vous enlevez Denoueix. Vous enlevez un coach historique, vous changez de propriétaire de club, on met une nouvelle ligne directrice… et puis à un moment donné vous cassez votre noyau de joueur. Vous enlevez d’abord Yepes, Armand, Berson, Ziani…. Il y a une première vague de joueurs essentiels qui partent. Derrière on recrute, mais ce n’est pas forcément les bons recrutements. Puis vous avez la seconde vague, avec Micka Landreau qui part notamment. Vous enlevez le patron avec d’autres éléments, et là le noyau est cassé. À côté de ça, votre recrutement n’est pas à la hauteur des joueurs qui viennent de partir. Donc la mayonnaise ne prend plus, vous arrivez sur une autre mentalité, avec des gros salaires notamment. Ce qui fait qu’à un moment donné vous ne reconnaissez plus votre groupe. Ajoutez à cela la valse des entraineurs, et vous sentez que le club part en vrille.

 

Justement, tu l’as senti venir ?

Oui. Oui bien-sûr. Quand on est joueur on le sent dès le départ. On se dit attention, ça va être compliqué. Alors forcément, vous essayez de vous battre, de tout donner, de faire des choses, mais à un moment donné vous sentez que le groupe n’est pas là, et ne va pas répondre comme vous souhaiteriez. Et ça s’écroule. Quand vous frôlez la relégation une année, deux années, à un moment donné vous tombez. Et c’est ce qu’il s’est passé malheureusement.

 

Tu as ensuite vécu l’arrivée de l’actuel président, Waldemar Kita, comment ça s’est passé avec lui ?

Au départ on pense que ça va faire du bien et que ça va relancer la machine. On se dit qu’il va y avoir un nouvel élan, qu’on va repartir sur de bonnes bases et avancer pour déjà remonter en Ligue 1. Chose qui est arrivée au bout d’un an. Le contrat était rempli.

 

« Je ne me reconnaissais plus, et je ne reconnaissais plus ce club… »

Sportivement il y a la remontée avec Michel Der Zakarian, puis le début de la valse des entraineurs, la redescente… c’était plutôt mouvementé….

Clairement, on arrive à faire la montée en Ligue 1 avec Michel Der Zakarian. On voit qu’on reprend avec lui la saison suivante, parce que ce serait difficile de limoger un entraineur qui vient de vous faire monter. Mais vous sentez dès le début qu’au moindre petit faux pas il est sur la sellette et il va être évincé. Et c’est ce qu’il s’est passé. On n’est pas bien au bout de trois matchs et arrive Elie Baup.

 

Guillaume Moullec nous disait il y a quelques temps que cette arrivée d’Elie Baup a été spéciale à vivre….

Oui mais après bon… quand il arrive on se dit que c’est quelqu’un qui a de l’expérience. On se dit que l’on va relancer la machine, avec l’objectif de se maintenir cette année et de relancer quelque chose. Mais là, encore une fois, on voit que ça ne va pas dans le groupe. Il n’y a pas de noyau, il n’y a pas la cohésion qu’il faut pour avoir les reins solides pour pouvoir se maintenir.

 

Comment est-ce que tu as vécu tout ça en tant qu’ancien, en tant que joueur formé au club ?

Pas bien. Jusqu’en 2009 ou je suis parti, très honnêtement je ne me reconnaissais plus et je ne reconnaissais plus ce club que j’avais rejoint onze ans avant. Avec des bases, une ligne directrice, une structure. Vous avez eu Coco Suaudeau en tant que coach qui est resté longtemps, qui a passé la main à Raynald Denoueix… et là à un moment donné c’est la valse des entraineurs, vous avez l’impression qu’il n’y a plus cette ligne directrice. La mentalité a changé, alors c’est vrai que l’on va dire que le football n’est plus le même qu’avant… mais en tous les cas le FC Nantes a changé du tout au tout.

 

« À un moment donné il faut être capable d’accepter qu’il faut reprendre le projet à la base »

Douze ans après ton départ, beaucoup de choses ont bougé au FC Nantes, les joueurs, les entraineurs, le staff… mais pas la présidence. Le club n’a pas évolué dans le bon sens sur cette période. Quel est ton point de vue sur la présidence Kita ?

Je pense qu’aujourd’hui il y a eu beaucoup trop d’entraineurs. Ce n’est pas une nouveauté, tout le monde est là pour le dire. Le président… c’est le président. Monsieur Kita a mis de l’argent, il veut gérer le club… pas de soucis. Après voilà, je pense qu’il n’y a pas de vision sur la durée. À un moment donné, ça peut arriver de changer un entraineur parce qu’on a fait un mauvais choix. Mais ce qui est difficilement compréhensible, c’est que vous êtes capable d’en avoir trois voire quatre en une saison. Il n’y a pas de ligne directrice, pas de projet, et je pense que la grogne des supporters est liée à ça. Si vous mettez aujourd’hui un projet en place, avec un choix de coach cohérent, et que vous travaillez avec lui sur trois ou quatre ans, je pense que les gens seront capables d’accepter et d’avancer avec ce projet. Là on passe d’un Gourcuff qui a un projet de jeu à Domenech qui est à l’opposée, que l’on garde un mois et demi pour le remplacer par Kombouaré. À un moment donné ce n’est pas la première fois que ça arrive, et ce n’est pas possible.

 

Tu as côtoyé Stéphane Moulin à Angers, modèle de stabilité par rapport au FC Nantes…

Oui effectivement j’ai été à Angers en fin de carrière, et j’ai vécu un moment extraordinaire avec la montée en Ligue 1. Je compare souvent Nantes et Angers aujourd’hui. Il y a déjà la présidence qui a une ligne directrice, et qui depuis la Ligue 2, fait confiance à un coach, à un staff, à un noyau de joueurs. Aujourd’hui, le noyau du groupe angevin, c’est du Romain Thomas, du Ludovic Butelle, du Vincent Manceau, du Thomas Mangani, du Pierrick Capelle… mais ces joueurs là, hormis Capelle, étaient déjà là en Ligue 2 quand j’étais là-bas ! Ils ont gardé ces éléments, et aujourd’hui vous avez un vestiaire et des dirigeants qui ont fait confiance au coach. Et puis aussi, il y a surtout, et ça je pense qu’il faut l’accepter au FC Nantes, c’est qu’il faut mesurer ses ambitions. Aujourd’hui vous avez un club comme Angers, qui n’a pas le passé du FC Nantes, mais qui aborde le championnat en se disant : « on va prendre nos points, on va avancer, et on va essayer de progresser par rapport à l’année d’avant ». Au FC Nantes, si vous écoutez Monsieur Kita, vous avez l’impression que tous les ans vous allez jouer la Ligue des Champions la saison suivante. Et il arrive ce qu’il arrive aujourd’hui. À un moment donné il faut être capable d’accepter qu’il faut reprendre le projet à la base. Avant de vouloir jouer l’Europe, prendre conscience qu’il y a un paquet d’équipes qui sont largement devant vous. Il faut faire les bons recrutements, établir un projet, stabiliser l’effectif, le coach, et avancer sur plusieurs années pour pouvoir progresser.

 

Pour terminer, un petit mot aux supporters nantais qui ont lu cet article ?

Je trouve qu’il y a un public extraordinaire à la Beaujoire, étant revenu de temps en temps au stade, le kop est superbe. On sent qu’il y a un engouement, malgré tout ça les supporters sont derrière. Ça fait vraiment plaisir à voir. J’ai toujours eu une bonne relation avec ce public. J’ai toujours mouillé le maillot, toujours tout donné. Et je les encourage à ne rien lâcher, à continuer de toujours être derrière ces joueurs, derrière cette équipe, derrière ce maillot, derrière cette ville, pour représenter au mieux le club.