Le 16 juin 1979, le FC Nantes brise enfin sa malédiction en Coupe de France et s’impose pour la première fois de son histoire en finale. Les Canaris de Jean Vincent disposent des Auxerrois (4-1), alors pensionnaires de D2, et après trois défaites en finale, peuvent enfin brandir leur première Coupe. Cette victoire leur permet de disputer la Coupe des vainqueurs de Coupe, la C2, pour la saison 1979-1980. 

Alors que les Nantais jouent les premiers rôles sur le plan national dans les années 70 avec deux titres glanés en 1973 et 1977, la situation est plus complexe au niveau européen. Les Canaris échouent sans cesse à passer les seconds tours des coupes et ont même encaissé des défaites humiliantes face à de modestes adversaires comme les Danois de Vejle (1973) ou les Tchèques du FC Banik Ostrava en 1974. La tant attendue première grande épopée du club se fait attendre… 

Forts d’une nouvelle génération à son paroxysme et d’un jeu à la nantaise plus brillant que jamais mené par le géniallissime capitaine Henri Michel, les Canaris vont enfin franchir le pas lors de la saison 1979/1980 et échouer aux portes de la finale.

 

Un premier tour aux airs de balade

Le sort est clément pour le premier tour de la C2 puisque les Canaris héritent des modestes Irlandais du Cliftonville FC. À Belfast, et dans une ambiance timorée due à une attaque à la bombe meurtrière quelques heures auparavant,  les Nantais sont bousculés par un bon pressing adverse.  Les occasions s’enchaînent pour les locaux mais leur manque de précision les empêche de concrétiser leur domination. Finalement, c’est Nantes qui ouvre le score sur une magnifique action en une touche de balle entre Rampillon et Muller. Le but est même applaudi par le stade. Le fameux fair-play irlandais. Ces derniers poussent en seconde période mais Nantes tient le coup. Les Canaris parviennent à inscrire le deuxième but à la toute fin du match. Trossero devance la sortie du gardien adverse et marque de la tête, mais l’arbitre refuse le but prétextant la fin du match alors que personne n’avait entendu le coup de sifflet final. Nantes peut tout de même être satisfait et signe une petite mais précieuse victoire à l’extérieur (0-1). 

L’histoire n’aura pas de graves conséquences puisque le match retour à Saupin est de toute autre facture. Ambitieux et en pleine confiance, les Canaris surpassent aisément Cliftonville. Les buts s’enchaînent à Nantes et le club signe une victoire historique 7-0 ! La plus grande de son histoire en Coupe d’Europe. Pécout (x3), Trossero (x2), Rampillon et Rio participent à un festival offensif flamboyant qui vient plus que jamais semer l’espoir d’une bonne saison européenne dans les cœurs nantais. 

 

Qualification difficile mais historique pour les quarts

Les huitièmes de finale opposent Nantes aux coriaces mais pas imbattables Roumains du Steaua Bucarest. Comme attendu, le combat est rude lors du match aller à Saupin. Il faudra attendre la seconde mi-temps pour voir la rencontre se délier. Henri Michel, pas attaqué aux vingt mètres, centre au second poteau pour Pécout qui marque de la tête. Les Canaris prennent les devants. La réaction roumaine ne tarde pas et les visiteurs égalisent à la suite d’un petit numéro du meneur de jeu Raducanu puis prennent même l’avantage cinq minutes plus tard sur penalty. Bien aidés par une défense nantaise coupable de grossières erreurs, les Roumains ont totalement renversé la tendance. Mais la meilleure défense c’est l’attaque et les hommes de Jean Vincent jettent toutes leurs forces dans la fin du match. L’intenable Pécout, puis José Touré, 18 ans et demi et fraîchement entré sur le terrain, permettent à Nantes d’arracher une victoire sur le fil (3-2). Le ton est donné et le match retour a tout de l'allure d'un piège.

Trois semaines plus tard, le stade de Bucarest est bouillant. Dans une ambiance électrique et sur un terrain impraticable posant de grandes difficultés au jeu nantais, les locaux ouvrent le score dès la septième minute de jeu sur corner. Virtuellement éliminé, Nantes est à la peine et il faut un coup de pouce du destin pour les sauver. Survoltés, les Roumains commettent beaucoup de fautes. Henri Michel en profite pour provoquer le nerveux milieu de terrain Stoica peu avant la mi-temps d’un petit coup de pied discret alors que celui-ci tentait de l’empêcher de tirer un coup-franc. Le Roumain vrille et tente de donner un coup de poing au capitaine nantais. Le ton monte et l'arbitre expulse Stoica pour son geste. Le fait de jeu va briser la supériorité roumaine et, en supériorité numérique pendant toute la seconde mi-temps, les Nantais se réveillent. Pécout égalise à l’heure de jeu à l’aide du poteau et Loïc Amisse surgit dans les toutes dernières minutes pour pousser le ballon dans les filets. Victoire de prestige à l’extérieur pour les Canaris (1-2). 

Pour la première fois de son histoire, Nantes passe le second tour d’une coupe européenne et se qualifie pour les quarts de finale. L’histoire est plus que jamais en marche grâce aux ingédients qui leur faisaient auparavant défaut : une bonne agressivité et une pincée de vice bien dosée. 

 

Au bout du suspense

Pour le premier quart de son histoire, Nantes est opposé à une nouvelle équipe de l’Est : le Dynamo Moscou. L’hiver étant particulièrement rude à Moscou cette-année là, le match aller se joue à Tbilissi, capitale de l’actuelle Géorgie, le 5 mars 1980. Les Canaris ont retenu la leçon et se présentent agressifs, se ruant sur tous les ballons. Surpris de l’engagement nantais, le Dynamo est à la peine et bafoue son football. Les Nantais sont récompensés de leur solide prestation en seconde mi-temps. Tusseau s'embarque dans une magnifique chevauchée culottée, à l’image de son équipe, et la conclut d’une frappe imparable à ras de terre. Les Jaunes-et-Verts prennent l’avantage et, comme si ça ne suffisait pas, l’inévitable Pécout double la mise et choque Tbilissi. Résultat des courses : victoire sans appel 2-0. Nantes a un pied en demi-finale.

Mais deux semaines plus tard à Nantes, alors qu’ils avaient la qualification en main, les Canaris jouent à se faire peur… Moscou mène de deux buts au bout d’une demi-heure de jeu à Saupin et remet les deux équipes à égalité sur la double confrontation. Le public nantais, pourtant si confiant avant la rencontre, se met à trembler. Mais quand tout va mal, qui d’autre que son illustre capitaine pour sauver le bateau nantais ? D’une frappe magnifique, Henri Michel expédie le ballon dans la lucarne soviétique et réveille un stade Saupin groggy à trois minutes de la pause. Non, les Nantais ne baisseront pas les bras. C’est leur capitaine qui l’a dit.

Dans les vestiaires, Michel remobilise ses troupes et en seconde période ce sont des Nantais revigorés qui reviennent au score grâce à son joker en or, José Touré. Mais à deux minutes du terme de la rencontre, le Dynamo fait à nouveau trembler Saupin. Le milieu de terrain Kolesov, lancé en profondeur, glisse le ballon sous Bertrand-Demanes. Moscou est à un but de la qualification. Tout le stade retient son souffle jusqu’à ce que l’arbitre siffle la fin de la rencontre et laisse la joie exploser dans les travers de Saupin. Le FC Nantes perd 2-3 mais se qualifie pour la première fois en demi-finale d’une coupe d’Europe !

 

Nantes - Valence : un match pour la légende

Ce 9 avril 1980, toute la France a les yeux rivés sur Saupin. Le grand Valence du champion du monde argentin Mario Kempes, élu meilleur joueur et meilleur buteur de la dernière Coupe du Monde, se déplace sur les bords de l’Erdre. L’équipe espagnole, entraînée par Di Stefano, est particulièrement redoutée car elle a fait de la Coupe des Coupes sa plus grande priorité. Le stade Marcel-Saupin est rempli à ras bords, 30000 spectateurs s'amassent pour assister à ce match historique. Un record pour le FC Nantes en Coupe d'Europe !

On entend pourtant les jours précédant le match, le même refrain revenir, rappelant la malédiction des clubs français en Coupe d'Europe. Mais les Nantais ne veulent pas de cette musique. Les coéquipiers de Henri Michel, au sommet de son rôle de chef d’orchestre, récitent leur partition à la perfection. Dédoublements, dribbles, jeu à une touche, les Espagnols ne savent plus où tendre l’oreille. Sonnés, ils en perdent même la tête lorsque Arias marque contre son camp et permet à Nantes de mener. Seul couac : Kempes laisse parler sa classe et égalise au terme d’un solo dont il a le secret. Mais les Canaris n’ont pas fini leur concert et continuent de faire danser les Valençois Les occasions de but s’enchaînent mais les Espagnols s’en sortent à chaque fois, miraculeusement. Il faut attendre les dernières minutes de jeu pour que, dans un final éclatant, Baronchelli donne d’une tête bien sentie l’ultime avantage aux Nantais (2-1).

La victoire aurait pu et aurait due être plus importante mais les Canaris ont gâché trop d’occasions. Ils peuvent néanmoins être fiers. Jamais une équipe nantaise n’aura autant époustouflé en Coupe d'Europe. Ce n’étaient pas onze joueurs sur le terrain mais un ensemble harmonieux, se mouvant en même temps, coordonnés à la perfection et jouant un morceau incroyable de cet opéra du “jeu à la nantaise”.

Les Espagnols sont prévenus et, dans la forteresse de Mestalla deux semaines plus tard, ils se montrent plus prudents. D’autant plus que Nantes a remporté tous ses déplacements européens cette saison. Bien organisés, les joueurs de Di Stefano procèdent cette fois en contres et profitent rapidement des largesses défensives nantaises. Bonhof ouvre la marque au bout de 10 minutes puis Henri Michel, en détournant malencontreusement le ballon dans son but, permet à Valence de doubler la mise. L’image est dure pour celui qui avait pourtant porté tant de fois son équipe lors des matchs précédents.

Alors qu’un but nantais permettrait à Jean Vincent et ses hommes de revenir à égalité sur les deux matchs, les Valençois n’en démordent pas et enfoncent le clou en seconde mi-temps. Kempes, homme du match, inscrit un lob majestueux puis entérine les espoirs nantais sur pénalty. Défaite 4-0 et fin de parcours rageante pour les Canaris, tant ils avaient dominé le match aller mais sont passés à côté du match retour. Les discutables décisions arbitrales, offrant généreusement des coups francs aux Espagnols, ne suffisent pas pour expliquer la défaite nantaise. Les regrets paraissent insurmontables et la tristesse infinie. 

 

Le FC Nantes échoue aux portes d’une finale européenne, que seuls Reims, Bastia et Saint-Etienne avaient réussi à atteindre auparavant. Mais la défaite, aussi amère soit-elle, a provoqué une nouvelle fougue à Nantes, un nouvel engouement pour la Coupe d’Europe. Nombreux sont les jeunes Canaris qui, les étoiles dans les yeux, rêvent à leur tour de parcourir l'Europe et de faire briller l'écusson Jaune-et-Vert.