Comprendre l'étendue du désastre dans ce club oblige à se souvenir de ce qu'il a été. Nous pourrions évoquer ici son palmarès, son attractivité, son style de jeu. Rappeler cette formidable marque de fabrique que l'on appelle "Le Jeu à la Nantaise" et qui a inspiré de nombreux clubs, notamment le FC Barcelone. 

En fait, le déclin du FC Nantes commence en 2000 lors de la prise du pouvoir par la Socpresse. La nouvelle direction abandonne la politique de formation. Le club connaît rapidement une dégradation de ses résultats. Face à la contestation des supporters, Dassault, soucieux de préserver l'image de son entreprise décide, en 2007, de céder le FC Nantes à Waldemar Kita. Ce dernier avait tenté préalablement d'acquérir l'ASSE et l'OGC Nice. C'est pour lui un achat d'opportunité pour un montant situé entre 8 et 10 millions d'euros. L'opportunisme commercial, c'est un vrai savoir-faire pour cet entrepreneur qui a le sens des affaires. Son parcours professionnel le démontre à travers les différentes entreprises qu'il a su astucieusement développer. Au plus bas de sa valeur, l'acquisition du club nantais représente une excellente opération. Waldemar Kita n'était pas à sa première expérience dans le milieu du football puisqu'il avait été préalablement propriétaire du FC Lausanne pendant trois ans. Une gestion problématique puisque ce club a fait faillite, seulement, un an après son départ. 

Waldemar Kita a donc investi en Loire Atlantique un peu par défaut. À l'époque, le pouvoir d'attraction du football l'intéresse beaucoup, le club de Nantes un peu moins. Sans doute y trouvera-t-on l'explication de ce que certains estiment être sa faute originelle : son ignorance de l'histoire du club et de ses valeurs.

Le monde du football est un univers particulier. Il faut en comprendre les codes et les spécificités. Chaque club est différent. Le RC de Lens a une identité et des valeurs qui ne sont pas celles de l'Olympique de Marseille ou du FC Nantes. Ne pas comprendre cela, c'est ne pas respecter l'histoire d'un club et ses supporters. Le président actuel du RC Lens, Joseph Oughourlian a reconnu, humblement, lors de son arrivée qu'il était un béotien dans le domaine du football... et qu'il avait tout à apprendre. Depuis, il a récemment avoué être tombé amoureux de son club et que cela transforme, en profondeur, sa manière de manager.

Rien de comparable chez Waldemar Kita. Au delà d'un  culte certain  de la personnalité, c'est un homme pressé qui n'aime pas que les événement lui résistent, et encore moins les personnes. Il préside à distance, loin du terrain, selon son bon vouloir. Chez lui, le pouvoir ne se partage pas. Dans les entreprises qu'il préside, son dirigisme est reconnu et cela ne lui a pas trop mal réussi. Toutefois, un club de foot professionnel n'est pas une entreprise comme les autres. La dimension humaine y est omniprésente et la confiance, la clé de voûte de la réussite.

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, cette incapacité à prendre le temps de s'interroger sur ce qui a fait la réussite du FC Nantes  ?... Comprendre son ADN et les atouts du club. Il n'a pas pris le soin, semble-t-il, de prendre conseil auprès de ceux qui disposent d'une vraie expérience du football pro. 

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, cette incapacité à mettre en place un projet de club digne de ce nom ? En effet, un projet cela suppose une vraie décentralisation du pouvoir. La question de la confiance est centrale dans sa mise en place et sa réussite.

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, ce refus de mettre en place un directeur sportif alors que cette fonction est considérée comme stratégique par tous les grands clubs ? Comble de l'ironie, c'est le FC Nantes qui est, en France en 1970, à l'origine de la création de cette fonction. L'occasion de souligner le formidable travail réalisé par Robert Budzynski. Les directeurs sportifs mis en place sous l'ère Kita n'avaient que le titre, pas les prérogatives. 

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, son incapacité à faire confiance durablement à un entraîneur ? En 2012, dans un entretien accordé à France Football il avait été très clair sur sa vision du métier : "Qu'est-ce qu'il y a de méchant à dire que jamais je ne ferai confiance à un entraîneur ? Ils n'ont pas la formation adéquate". Dans cette interview, il complète en disant : "un vestiaire est un État dans l'État. Le président n'a rien à dire la plupart du temps. C'est grave quand même. Il y a un président qui gère et un entraîneur qui est un employé. L'employé doit écouter ce qu'on lui dit. C'est tout". La valse des entraîneurs avec un score de 17 entraîneurs en 13 ans va sans doute rester dans le Guiness des records. 

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, son incapacité à faire fonctionner une cellule de recrutement ? Là encore, inutile de rappeler que cette structure a eu dans le passé des résultats avec la filière portugaise (Diego Carlos, Lucas Lima) beaucoup plus prolifique que la filière belge. À quoi bon entretenir des salariés lorsque le président gère en direct les transferts avec Mogi Bayat et Bakari Sanago. La relation avec ces deux agents inquiète autant que la cohérence des transferts réalisés. 

Faut-il comprendre dans ce dirigisme, son incapacité à entendre ce qu'ont a dire les supporters ? Il pensait avoir acheté une entreprise, il découvre qu'il doit rendre des comptes sur la gestion d'un patrimoine commun. Le changement de logo a été hautement symbolique de cette absence de concertation. Un club appartient aussi à ses supporters. Sans eux, le club n'est plus qu'un mirage. Juste insupportable pour lui de devoir rendre des comptes. 

En conclusion, Waldemar Kita n'a confiance en personne d'autre que lui-même. 

A-t-il seulement compris, durant ces nombreuses années, que dans l'univers du football le pouvoir est une responsabilité partagée. Ici, nous ne sommes pas dans le monde des éprouvettes. ll ne  suffit pas de s'appuyer sur un service "Recherche et Développement" pour sortir un produit high tech. Être propriétaire ne suffit pas pour tout régenter. La confiance est communicative mais la méfiance l'est tout autant. Et aujourd'hui le président n'inspire plus confiance à personne. Les entraîneurs, qui ont le choix de leur avenir, démissionnent à la première occasion. Les joueurs de talent n'enchaînent pas les contrats. Les techniciens s'affrontent entre eux sur la politique sportive faute de pouvoir critiquer le pouvoir central. Le personnel craint, avec l'arrivée récente d'une responsable des Ressources Humaines, que son contrat à durée déterminée ne vise qu'un seul objectif : mettre en place un plan de licenciements. Que dire aussi des agents de joueurs qui se refusent à travailler avec le FC Nantes et dénoncent l'opacité de certaines pratiques financières ? Que dire des journalistes locaux qui sont menacés lorsqu'ils s'autorisent à informer sur la situation du club? Que dire des partenaires qui se posent des questions sur la cohérence de leur investissement? Que dire des élus qui se refusent à travailler avec un président qui va devoir rendre des comptes sur sa situation fiscale? Que dire des supporters qui manifestent bruyamment, faute de pouvoir se faire entendre sur leurs droits légitimes, ceux d'être le véritable capital humain du club?

La dynamique du FC Nantes est à reconstruire. Il ne semble pas que cela soit encore possible avec Waldemar Kita. Il n'a pas compris l'ADN de ce club et il n'accepte jamais de reconnaître ses fautes. Là, sont ses limites. Soyons clair, ce n'est pas quelques bons résultats sportifs à court terme qui pourront fondamentalement changer la donne. La confiance n'est plus là. Il est grand temps que les passionnés du FC Nantes (et ils sont nombreux) se retrouvent tous ensemble pour écrire une nouvelle page de l'histoire glorieuse de ce club.