José Arribas est resté entraîneur du FC Nantes pendant 16 ans.
Le temps de monter en première division, de conquérir trois titres de champion de France, de disputer trois finales de Coupe de France, de remporter une Coupe de la Ligue et surtout, surtout, d’inventer un style de jeu qui a marqué l’histoire du club et celle du football français.
Waldemar Kita préside le FC Nantes depuis 14 ans et demi.
Le temps de ne remporter aucun trophée, d’effectuer un séjour en Ligue 2, de flirter avec l’anonymat et surtout, surtout, de ne pas s’inscrire dans l’histoire autrement que par de multiples changements d’entraîneurs. Il en a utilisés 18 (19 assureront quelques langues aiguisées, en l’incluant dans le lot), dont certains, vraiment, n’avaient d’entraîneurs de football que le titre, ou le diplôme, et d’autres dont on savait, dès leur nomination, qu’ils ne feraient pas de vieux os. Aller chercher un Gernot Rohr ou un René Girard, symboles d’un Bordeaux dont le football se situait aux antipodes du jeu à la Nantaise constituait ainsi des injures à la mémoire de José Arribas, ainsi qu'au souvenir de Jean-Claude Suaudeau qui avait eu plusieurs fois maille à partir avec Girard, joueur aux recettes abruptes, rugueuses, n’entrant pas dans le registre des vertus enseignées par le maître Choletais.
De la gloire à la morosité
C’était peut-être aussi, mais on n'ose y croire, vouloir marquer une rupture avec le passé. On n’ose y croire, avons-nous écrit, car ce passé, justement, avait été glorieux, fertile en intelligence et en inventions alors que le présent engendré par ces techniciens austères, privilégiant le marquage serré et l’engagement physique forcené, ne respirait que la morosité et le conformisme. L’ennui planait au-dessus de matches sans grand attrait d’autant que la politique globale, si on avait bien compris, consistait davantage à effectuer du commerce que de produire du jeu. Il existe des objectifs plus enthousiasmants, plus nobles aussi.
Mais revenons à nos entraîneurs. Antoine Kombouaré est en place depuis 11 mois, bail qui, à La Jonelière, marque une stabilité d’autant plus inhabituelle que pour l’instant aucune menace ne semble planer au-dessus de sa tête. Comme il a pris l’équipe alors qu’elle était classée 18è, qu’il est parvenu à lui éviter (de justesse) une nouvelle culbute à l’étage inférieur et que la saison actuelle se passe plutôt bien jusqu’ici, avec un classement inespéré en championnat et une qualification pour les 8e de finale de la Coupe, il est permis de considérer qu’il réalise plutôt du bon boulot.
On ne va certes pas prétendre qu’il est un technicien de génie, on ferait sourire du côté de Guingamp, de Dijon ou de Toulouse mais enfin il est clair qu’il a l’étoffe d’un véritable entraîneur, de la personnalité, des idées, ce qu’il a prouvé à Strasbourg, à Valenciennes ou même à Paris où les Qataris, qui s’y connaissent pour mettre des bâtons dans les roues de leur propre entraîneur (ça va Nasser et le sbire Leonardo ?), eurent la curieuse idée de le licencier alors qu’il était en tête du championnat, place qu’Ancelotti ne parvint pas à conserver par la suite. Surtout, Kombouaré possède l’immense avantage par rapport à la plupart de la ribambelle de ses devanciers de connaître le FCN et, accessoirement, les rouages qui font tourner un club.
La stabilité paie quand elle s’allie à la compétence
Il ne s’agit certes pas d’une découverte, il n’empêche qu’il est utile de rappeler que la stabilité paie souvent, dès lors que l’on a mis en place un technicien qui ne se prend pas pour Dieu le père, qui s’identifie au lieu où il est en place, qu’il en respecte l’histoire et les exigences, qu’il a aussi en tête une idée du jeu qu’il veut mettre en place, en fonction des joueurs dont il dispose. Il faut admettre que dans le football français, les imprésarios, agents, directeurs sportifs ou présidents, prennent souvent le pas sur les entraîneurs et que ce sont davantage eux que les techniciens qui composent les effectifs .
Bien sûr, pour que l’histoire soit cohérente, il ne suffit pas qu’un entraîneur demeure longtemps, il importe d’abord qu’il soit compétent, c’est-à-dire de ne pas se tromper au départ en donnant les clefs du camion à un incompétent. Or, le FC Nantes a non seulement fait valser ses techniciens mais il s’est fréquemment mis le doigt dans l’œil depuis 2007 et même, soyons honnêtes, un peu avant puisque l’arrêt de mort de la philosophie nantaise fut décrété par un certain Gripond, le jour où il convoqua Raynald Denoueix dans son bureau pour lui signifier sa mise à l’écart. C’était il y a tout juste vingt ans, en décembre 2001 et ce fut le début de l’obscurantisme.
Depuis, les techniciens les plus divers ont posé, pour plus ou moins longtemps, et avec plus ou moins de réussite (plutôt moins dans l’ensemble) leurs affaires à La Jonelière. L’un d’eux fut même accueilli en grandes pompes alors que son dernier titre, conquis en Angleterre, avait été étayé par un style de jeu déplorable. Un autre aurait pu convenir, son bilan en tout cas mérite attention (13 victoires, 5 nuls, 8 défaites), l’ennui est que Sergio Conceiçao fut sollicité par un club plus ambitieux, mieux structuré et on peut difficilement lui reprocher d’avoir accepté les offres du FC Porto. L'époque où les deux clubs jouaient pratiquement dans la même cour était déjà loin ... Un troisième possédait apparemment le bon profil mais Christian Gourcuff n’était plus porté, quand il arriva à Nantes, par la flamme qu’il transmettait quelques saisons auparavant à son équipe de Lorient et le décalage était sans doute trop grand entre ses convictions et les objectifs directoriaux.
Il y a un an, c’était encore Domenech qui conduisait
L’entraîneur qui symbolise le plus tous ces échecs, le manque de fond de jeu, le bus qui fonce droit dans le mur sans s’apercevoir qu’il fait fausse route, est sans doute le prédécesseur d‘Antoine Kombouaré. Raymond Domenech tenait encore les manettes il y a un an et son tableau de bord fait froid dans le dos : 46 jours, 7 matches, 0 victoire. Le mieux est qu’il trouva le moyen de déclarer quelques mois après son départ et alors que le FC Nantes venait de s’extirper des barrages qu’il n’était pas pour rien dans ce sauvetage. Avec lui, le paraître, la communication, avaient définitivement pris le pas sur l’être, chers à Suaudeau et Denoueix, sur les faits, sur la vérité.
Avec lui, comme avec la plupart de ses devanciers, pour ne pas dire presque tous depuis 2007, le football offensif, technique, imaginatif de José Arribas, a été renié au profit des illusionistes. Or, tant que le FC Nantes ne retrouvera pas ses racines, sa philosophie, sa stabilité, tant aussi que les entraîneurs n’auront pas le temps et le goût de former et de lancer des jeunes, et pas seulement pour en tirer un profit financier, il fera du surplace. Au mieux.