On vous parle d’un temps que les moins de 25 ans n’ont pas eu la chance de connaître. Certains, plus anciens, en sont tombés amoureux éternellement dans le bouillonnant Stade Marcel Saupin, les yeux écarquillés par la virtuosité d’Henri Michel et de ses camarades.
D’autres, avec leurs yeux d’enfants dans les travées de La Beaujoire, ont été émerveillés par les mouvements des coéquipiers de Japhet N’Doram donnant lieu à une alchimie collective hors du commun.
Bien que le terme ait souvent été galvaudé par la presse qui l’a elle-même inventé, le "jeu à la nantaise" est bien plus qu’un style de jeu à une touche de balle, c’est une philosophie de Club.
D’Arribas à Denoueix : le pouvoir du collectif
Cette formidable histoire qui a marqué durablement le foot français est raconté dans ce livre à travers le parcours des quatre entraîneurs qui ont été les garants et les promoteurs du "jeu à la nantaise" :
José Arribas, l’initiateur qui a défini les fondamentaux du jeu qui deviendra l’identité du Club et qui se montra être aussi un formidable avant-gardiste en matière d'organisation et de formation.
Jean Vincent qui n’était pourtant pas issu du sérail nantais mais qui a respecté et perfectionné les principes de jeu grâce à son mental de compétiteur hors norme;
Jean-Claude Suaudeau, le fils spirituel de José Arribas qui a dédié sa vie au FC Nantes, en tant que joueur, mais aussi en tant que formateur et entraineur de l’équipe première;
Raynald Denoueix, dernier coach garant des valeurs nantaises qui a consacré 35 ans au Club et qui a décroché un titre inespéré en 2001 avec une équipe presque entièrement composée de joueurs issus du centre de formation;
Leurs parcours sont éclairés tout au long de l’ouvrage par des témoignages précieux de ceux qui les ont côtoyés, qu’ils soient des proches de leur famille, d’anciens joueurs, ou des dirigeants. Nous pouvons ainsi comprendre leur psychologie, leurs différentes méthodes de travail, ainsi que leur caractère au quotidien.
Et maintenant ?
Il est inutile de se refaire le film complet d’une déroute qui était programmée. Dès l’arrivée de la SocPresse en 2001, il suffisait de très peu de temps pour assister à la rapide déliquescence du jeu et des fondations nantaises qui avaient été définies depuis l’arrivée d’Arribas. Les différents dirigeants qui se sont succédés ont chacun mis un point d’honneur à souiller un patrimoine, à cause de leur méconnaissance totale du ballon rond et de l’identité unique du FC Nantes. L’incompétence et la mégalomanie mettent régulièrement le monument en péril encore aujourd’hui, par leur vision court-termiste et vénale du football.
Un jeu en perpétuelle évolution
Certains disent que le football a évolué et que la mort du jeu à la nantaise est actée depuis longtemps. Cependant, les garants de cette philosophie précédemment cités l’ont sans cesse réinventé, en s’adaptant à l’équipe qu’ils avaient à disposition, et ont réussi à jauger l’époque dans laquelle ils étaient afin de s’adapter aux exigences du football de haut niveau, sans toutefois renier leurs principes. Plus qu’un projet de jeu, c’est un projet de Club reposant sur des valeurs qui ne peuvent pas mourir, même en les bafouant. Toutefois, la (re)mise en place d'une telle philosophie nécessite que tous les acteurs du club (formateurs, entraineurs, recruteurs, joueurs, présidents et propriétaires) suivent une même ligne directrice...
À la recherche du temps perdu
Il est important de connaître l’histoire du FC Nantes pour comprendre et respecter cet héritage. C’est en ce sens que ce livre décrypte finement l’alchimie du "jeu à la nantaise" à travers la vie de quatre protagonistes importants pour qui ce jeu va bien au-delà du football, par les valeurs humanistes qu’il incarne. Bien qu’il permette de donner le meilleur de chaque joueur grâce à une intelligence collective décuplée, il a surtout marqué au fer jaune en tant qu’homme tous ceux qui l’ont côtoyé.
Logan Lohé