Vous entraînez l'équipe féminine d'Orvault depuis le début de saison. Qu'est-ce qui vous a motivé à prendre les rênes d'une équipe féminine et Orvault en particulier ?

Ça s’est fait naturellement : je suis d’Orvault et mes enfants sont au club depuis leur plus jeune âge et, au moment de prendre le poste d’entraîneur des seniors, ma fille jouait avec l’équipe U18.  Quand l’entraîneur en place est parti, ils sont venus vers moi pour voir si ça m’intéressait. Ça m’a attiré, je n’avais pas d’équipe et je voyais à peu près comment ça se passait avec les U18. J’ai donc décidé de me lancer.

 

Vous qui avez aussi entraîné chez les garçons, agissez-vous différemment face à une équipe masculine par rapport à une équipe féminine ?

La gestion humaine n’est pas du tout la même. En approche sur le groupe, il y a des grandes différences. Mais je ne trouve pas ça plus compliqué, contrairement aux ressentis de confrères.

 

Vous êtes actuellement invaincus avec Orvault (2 victoires et un match nul). Quel était l'objectif en début de saison ?

L’objectif c’était de faire une bonne saison, d’arriver dans les trois premiers au milieu des quatre autres grosses équipes. Personnellement, je ne veux pas parler de montée, les objectifs doivent venir progressivement même si mes joueuses sont des compétitrices et qu’elles ont ça dans un coin de la tête. Mais je voulais voir l’investissement et la rigueur qu’on allait mettre face à des clubs plus structurés que nous comme Le Mans et Croix-Blanche Angers Football qui descendait de D2.

 

Pensez-vous qu'une reprise de la compétition est envisageable ?

À mon avis, non. Pour faire les choses sérieusement, il nous faudrait un long moment de préparation avant la reprise et le temps nous manquerait pour jouer tous les matchs. Peut-être qu’ils vont réduire énormément ce temps de préparation et ce serait bien dommageable surtout physiquement pour les licenciées.

 

La crise du COVID perturbe la tenue des entraînements. Est-ce une manière de se renouveler en tant qu'entraîneur pour ne pas perdre la motivation des joueuses ?

Non, bien au contraire. Celles et ceux qui jouent au football le font avant tout pour la compétition, le plaisir d’avoir les matchs le week-end. Les entraînements c’est bien mais le plus important c’est en fin de semaine. C’est un gros manque tout comme le jeu durant les entraînements.

Le lien avec les joueuses pendant cette période, c’est très compliqué parce que, petit à petit les gens se rendent compte qu’il y a d’autres choses à faire le week-end et que venir deux fois par semaine en plus des matchs quand ça aura repris, ça va peut-être faire beaucoup de temps consacré au football. J’ai peur qu’il y ait une grande perte de licenciés (joueurs et bénévoles).

 

Le foot féminin connait un certain essor en France depuis la Coupe du Monde 2019. Ne craignez-vous pas que cette crise casse cet élan ?

Pas à tous les niveaux. Chez les petites, comme chez les garçons, il n’y aura pas de problème parce que les petits vont se remettre au foot avec l’école et qu’ils ont besoin de bouger en faisant des activités sportives. Par contre, chez les adultes, je pense qu’il y a pas mal de personnes qui aimaient ça et qui auront peut-être la flemme de reprendre le sport ou autre… En tout cas, je pense qu’il y aura de la perte. C’est ce qui ressort de nos échanges entre éducateurs de clubs.

 

La professionnalisation du championnat de D1 tarde à se faire, contrairement à nos pays voisins. Que manque-t-il au football féminin français pour apporter de la concurrence à Lyon et au PSG ?

Je pense qu’il manque des structures pour accueillir des filles entre 15 et 18 ans, avant les seniors. Aujourd’hui, quand on regarde le département, il y a ces structures au FC Nantes mais pas ailleurs. Et il y a un manque de divisions. En prenant l’exemple du FC Nantes, il y a une équipe de D2 vouée à monter, donc le recrutement est fait en ce sens. Mais les bonnes joueuses du FCN qui sont jeunes et qui jouent en U19 National cette année, l’année prochaine elles vont jouer à un niveau régional. Alors que chez les garçons, quand ils sortent du championnat U19 Nation, ils peuvent jouer en National 2. Ça laisse une marche intermédiaire entre les deux niveaux. Il y avait eu une réflexion de création de troisième division nationale féminine, ce serait vraiment intéressant que ça se fasse.

 

En France, il y a l’Olympique Lyonnais qui cartonne en Europe. C’est plus compliqué pour l’équipe nationale. Qu'est ce qui permettrait à l'Equipe de France féminine de gagner un titre ?

Ce sont des choses difficiles à analyser quand on n’est pas au cœur du groupe France. Je pense que cette équipe, c’est un peu comme chez les hommes : il y a des moments où ça va bien et d’autres moins. Pour moi, il va falloir plus d’équipes en France avec un niveau plus proche de Lyon et Paris. Les équipes comme Bordeaux, Montpellier, Reims et Guingamp doivent s’en rapprocher pour augmenter le niveau de la D1 Arkema et avoir de bonnes confrontations tout au long de la saison.

 

Le FCN Féminines joue la montée en D1 en ayant pour projet de former des jeunes pour le moyen terme. Quel regard portez-vous sur le projet nantais ?

Le projet est parti de zéro donc c’est lourd à mettre en place. Ça a mis du temps et c’est tout à fait normal. Les montées ne sont pas aussi faciles que ça même s’ils mettent les moyens. On l’a vu chez les garçons quand ils sont descendus en Ligue 2. Moi, je ne souhaite qu’une chose, c’est qu’ils puissent monter pour pouvoir tirer le football féminin du département voire de la région, vers le haut et faire bonne figure. Je pense que leur projet prend forme. Ils pourront toujours mieux faire. Avec les années, ça va s’améliorer. Ils leur manquent peut-être de bonnes confrontations chez les jeunes. À force de prendre les meilleures jeunes du département, trouver de bonnes oppositions s’avère difficile. Globalement, je pense que c’est une école de foot qui fonctionne bien.

 

Vous parliez de « tirer la région vers le haut ». Vous pensez qu’une montée de Nantes en D1 pourrait donner une dynamique positive au niveau du football féminin dans la région ?

Déjà au niveau de la visibilité. Imaginons un FC Nantes qui rejoint Lyon et Paris à long terme, ça engendrerait une grande médiatisation et une envie des jeunes filles de faire du foot. Ça serait un grand boom pour le football féminin. À terme, ça accroîtrait le niveau des compétitions et ça serait bénéfique pour tout le monde. Plus la section féminine du FC Nantes fonctionnera, mieux ce sera pour les clubs aux alentours.

 

Votre dernier match s'est joué contre la réserve du FC Nantes. Vous l'avez emporté facilement (3-1). À quel niveau s'est fait la différence ?

Je ne pense pas qu’il y avait beaucoup d’écart dans ce match. Chaque équipe a eu sa mi-temps. Je pense qu’il y avait un peu plus de maturité chez nous en plus d’une grosse rigueur. Peut-être plus de jeunesse au FC Nantes et des joueuses qui font ce qu’on leur dit de faire donc moins de créativité. C’était un match vraiment plaisant et ça aurait pu basculer des deux côtés. On a eu ce petit brin de maturité qui nous a aidé.

Merci à Guillaume Moullec pour sa disponibilité et la richesse de ses réponses.