Intersaison calme à la Jonelière

 Après une saison 98-99 enthousiasmante et ornée d’un trophée, le club reste dans sa philosophie : continuité, stabilité et jeunesse. Dès lors, l’été 99 n’est pas marqué par des folies au niveau de l’effectif, car les jeunes ont su convaincre pour la plupart, et les vétérans ont été de très bons encadrant. De plus, le coach Raynald Denoueix veut maintenir la progression de son groupe qui n’a, rappelons-le, qu’une moyenne d’âge de 21 ans.

Son groupe ne va donc pas changer, et même continuer d’accueillir quelques éléments venus du centre de formation : le gardien Willy Grondin, John Gope-Fenepej, Matthieu Berson en sont les exemples premiers. En revanche, Denoueix perd un grand représentant des années 90 au club, car Eric Decroix, défenseur central d’expérience, membre de l’équipe depuis 1994, décide de joindre Marseille. Décidément trop peu en vue depuis son arrivée en 1997, Samba N’Diaye prendra également la porte quelques mois plus tard, n’ayant jamais su s’imposer en attaque. L’effectif reste donc stable, et témoigne du besoin de grandir ensemble sous la direction du technicien nantais, qui entend tirer les bénéfices de la saison précédente. Mais quels seront ses objectifs ? L’Europe ? Une coupe ? Pourquoi pas, car les canaris vont jouer sur tous les tableaux, mais le vrai danger auquel les jaunes et verts vont se confronter, c’est la continuité et la force de caractère, car cette fois-ci, l’effet de surprise est bel et bien dissipé.

Un deuxième trophée à la Licorne

Avant de débuter une longue saison qui se profile, Nantes et Denoueix ont l’occasion d’ores-et-déjà d’ajouter un second titre dans la vitrine de cette génération. En effet, le trophée des champions qui doit lancer la saison 1999-2000 se jouera dans le stade flambant neuf du club d’Amiens : le stade de la Licorne. Il oppose le champion de France, Bordeaux, miraculé du but ultime de Pascal Feindouno au parc des Princes à la dernière journée, et nos canaris chéris.

Ce trophée, bien que sans grand intérêt, est une occasion pour Denoueix de remettre rapidement ses garçons dans un esprit compétitif face à ce qui est alors une superbe équipe de Bordeaux, armée des Laslandes, Wiltord, Ramé, Micoud etc. Les girondins sont logiquement favoris, et les canaris ne veulent pas non plus trop se mettre de pression.

Et pourtant, Nantes ne se débine pas, et aligne un beau XI: Landreau-Olembe-Fabbri-Savinaud-Chanelet-Piocelle-Devineau-Carrière-Sibierski et devant, l’inévitable duo Da Rocha-Monterrubio. Il faudra attendre la 54e minute, pour qu’un très beau mouvement, réfléchi, appliqué et surtout collectif entre Olembe, Carrière et Sibierski, aboutisse, comme souvent, sur le pied gauche d’Olivier Monterrubio pour finir dans le filet. Nantes surprend le champion de France et remporte le Trophée des champions, deuxième titre en 3 mois. Monterrubio résume sobrement face caméra après le match : « c’est de bonne augure pour la saison », alors que Stéphane Ziani, à l’époque Bordelais, vient récupérer l’immonde trophée de champion de France remis à Bordeaux pour l’occasion et que l’Hexagoal nous a heureusement tous fait oublier.

Début de saison en trompe l’œil

C’est donc confiants que les canaris abordent le championnat 99-2000. Mais le premier match face au Havre ne se gagne à la Beaujoire que par un but à la dernière minute de Sibierski. Il récidivera, marquant encore à la 90e contre Saint Etienne la semaine suivante, pour conclure une victoire 2-0. Deux victoires… puis deux défaites, mais seulement 0-1 contre Lens malgré une vaste domination nantaise, puis 1-2 contre Bastia (malgré –encore- un pénalty stoppé par Landreau) avant que les canaris ne donnent le tarif maison à Montpellier : 3-0. Monterrubio est clairement devenu l’atout offensif, mais Da Roch’ n’a pas encore marqué, et c’est surtout Antoine Sibierski qui assure derrière. Le numéro 10 va être très impliqué toute la saison, mais cela sous-entend des soucis d’efficacité offensive. Après un nouveau tarif maison contre Rennes (3-0), Nantes se place 4e du championnat. Tout va bien non ?

Six matchs pour tuer une saison

Vous l’aurez remarqué, Nantes n’a pas fait le moindre match nul…et ça ne va pas avoir lieu avant novembre ! Ce type de nouvelle, pour une saison pour le moins atypique, aurait été bonne si cela sous-entendais que Nantes enchainait les victoires. Mais hélas, c’est tout l’inverse.  Les coupables s’appellent Metz, Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Monaco. Les crimes : 1-2, 0-4, 0-2, 0-1, 2-3, 0-3. Au passage, on remarque que le calendrier des canaris n’était pas des plus simples. Nantes, en 6 matchs, va passer de la 4e à la 17e place !

Nantes semble soudain désemparé, Denoueix doit voir sa défense céder trop facilement, à l’image de Vahirua qui donne lui-même le ballon à l’attaque parisienne pour le 4e but, à la Beaujoire. Ou encore cette bourde de Landreau contre Monaco qui ne sait capter le centre monégasque et offre à David Trezeguet la gonfle et le but libre. Exit les revendications européennes, les ambitions de haut de tableau, la fouge de la jeunesse, Denoueix et le club doivent lancer l’opération maintien, sauf que le logiciel nantais, le concept de maintien… Ce n’est pas dans ses programmes. 

Mais le message est bien reçu : victoires contre Auxerre, Nancy et Lens, matchs nuls contre Marseille et Sedan. Une seule défaite contre Saint-Etienne. Nantes remonte à la 13e place et croit avoir fait le plus dur contre Bastia lorsque Da Rocha, en manque de but, envoie une patate dans la lucarne de Durant à la 81e minute. Sauf que sur corner, Frédéric Née (à l’époque sur les tablettes de Budzinski) égalise dans les dernières secondes, et laisse Nantes à la 15e place pour l’hiver… stressant !

Rester compétitif…

Le jeu nantais instauré par Denoueix n’est pourtant pas remis en cause, les mouvements collectifs sont les mêmes, les joueurs sont les mêmes et d’ailleurs Eric Carrière semble s’entendre à merveille avec Sibierski dans l’animation offensive. On sent simplement que les canaris ont effectivement été avertis mais n’ont pas su assumer leur nouveau statut… Nous y reviendrons dans un épisode futur…

Paradoxalement, le club souhaite rester compétitif sur les autres tableaux et y parvient. Bon, comme la saison passée, et la précédente, la coupe de la ligue est expédiée dès janvier, mais la coupe de France et la coupe de l’UEFA sont jouées à fond. Pour l’UEFA, les canaris vont se défaire de Ionikos, l’Inter… Bratislava, avant de tomber sur le Arsenal de Wenger, Henry, Petit, Pires, Bergkamp, Adams… Les nantais cèderont à Highbury (0-3) mais offrirons un match de caractère face aux gunners à la Beaujoire : 3-3.

Et pour la coupe de France, paradoxalement, Nantes assume parfaitement son statut ! 4-0 face à Carcassone, 6-0 face à Montceau-les-Mines, une victoire aux pénaltys face à Gueugnon, qui gagnera la coupe de la ligue face à Paris (oui oui…) avant que le Stade Rennais et le futur champion de France Monaco ne tombent à leur tour ! Nantes retournera au stade de France, pour participer à l’un des matchs les plus historiques du football français.

 …mais à quel prix ?

Le petit souci c’est que ces investissements maintiennent les canaris sur plusieurs fronts et ne laissent pas forcément la priorité au championnat dans lequel les jaunes et verts sont toujours en difficulté. Alors Kleber Bobin fait ce que tout club en difficulté à l’époque ferait : chercher le joker offensif. La saison précédente, c’était Lorient qui avait tenté ce coup de poker, en recrutant Patrice Loko…celui-ci avait effectivement apporté des buts, mais pas le maintien. Mais vers qui Nantes peut-il se tourner ?

A Lyon, il est un buteur, expérimenté, performant, efficace et régulier. Sans jamais avoir été préssenti chez les bleus, Alain Caveglia était un buteur redoutable et redouté depuis plusieurs années en France. En 99-2000, il fait toujours des malheurs avec l’OL qui joue les hauts de tableau : 138 matchs, 63 buts. Banco ! Car l’attaque lyonnaise est désormais dominée par le brillant Sonny Anderson, et Caveglia ne veut pas perdre son temps de jeu. Il arrive à Nantes durant l’hiver. Et dans la presse et chez les fans, c’est l’hystérie, mais du côté de Denoueix et du staff, c’est surtout quelqu’un qui n’est pas de la maison, n’a pas la mentalité FCNA et n’est pas inscrit dans le processus de construction de l’équipe.

Mais tel est le prix du maintien, car Nantes, sans forcément être en relation directe avec la zone rouge, joue avec le feu. Mais comme dit plus haut, le problème n’est pas forcément l’identité de jeu qui reste cohérente, ce qui rendra d’autant plus impossible l’intégration de Caveglia et de son étrange numéro 34.

Nantes assure l’essentiel, et désosse Lyon au passage

Les canaris commencent le 21e siècle dans la douleur : 0-3 contre Montpellier. Mais ils se rebiffent sur le champ : 3-0 contre l’ATAC de Troyes. Deux affrontements de caractères offrent deux bons nuls aux nantais contre Rennes et Paris. Mais c’est surtout le 16 février 2000 que le FCNA va mettre tout le monde d’accord sur ses capacités et sur le projet Denoueix.

Ce soir-là, la Beaujoire est clairsemée. En face des canaris : les lyonnais, anciens coéquipiers de Caveglia et privés exceptionnellement de Sonny Anderson suspendu. Comme depuis plusieurs saisons à l’époque, Lyon est dans le top de la Division 1, mais est déjà distancé par le futur champion, ils ne sont pas encore la machine à rouler sur la Ligue 1 qu’ils deviendront deux saisons plus tard. Ils font encore des erreurs de parcours et ce soir, avec la pluie nantaise, la fessée va se faire sentir jusqu’en 2017, année ou Lyon prendra sa revanche sur ce match. 

La balle va aller très rapidement dans les pieds nantais, et ça va aller vite, très vite, à la nantaise même : Sibierski, Carrière, profondeur pour Da Rocha et 1-0. Coup franc de Sibierski ras du sol, Coupet se troue, 2-0. 60 secondes plus tard, jeu à une touche, Piocelle, Devineau, Carrière, Sibierski, ficelle, 3-0. Mauvaise relance dans l’axe, frappe de Devineau lucarne, 4-0. Mi-temps. Sibierski lance Devineau, lucarne, 5-0. Coup franc, Coupet rate son arrêt, Chanelet suit, et ça fait 6. Pour l’anecdote, ce soir-là, le préposé au stade avait remis les filets verts triangulaires, ceux du match contre Nice de 1996 gagné 7 à 0. Ils seront là aussi l’année suivante.

Une victoire de prestige qui offre le plein de confiance aux canaris, mais encore une fois, le calendrier va être difficile : défaite contre Bordeaux (0-3), Monaco (0-2), Nancy (1-2) et nul contre Auxerre (1-1). Heureusement, grâce aux deux succès contre Strasbourg et Sedan à l’avant dernière journée, le destin nantais se veut plutôt positif… Mais statistiquement, la descente est possible… Une première dans l’histoire du club, et pour l’époque, un véritable choc. Denoueix n’a plus que deux matchs à jouer cette saison, et les deux sont historiques.  

La finale avant la dernière bataille

Historique oui, car Nantes a de nouveau une finale à jouer, de nouveau au Stade de France et de nouveau face à un petit poucet. Cependant, si Sedan était un club de D2 devenu une belle place de D1 la saison suivante, en face d’eux cette fois, c’est un club amateur de CFA : Calais. Une première tout simplement dans l’histoire de la compétition. Et cela place le groupe de Denoueix dans une situation particulièrement délicate, tant la victoire sur ce pénalty très généreux en 99 fait encore parler et que les canaris vont se retrouver dans le rôle du méchant loup professionnel face aux gentils nordistes amateurs que la France entière va évidemment encourager.

Les joueurs entrent dans le stade, tout est rouge et jaune. Presque toute la ville de Calais s’est déplacée ! Seul le petit virage nord, en bas de tribune, résonne aux champs des nantais. Cette ferveur populaire, admirable et historique, ne donne aucun état d’âme ni doute aux calaisiens qui tiennent solidement la réplique aux nantais, jouant tout en blanc. La marseillaise et le coup d’envoi se font dans une ambiance exceptionnelle. Nantes ne veut pas se montrer intimidé et propose une solide défense et des accélérations latérales, notamment avec Alioune Touré, qui contraignent les calaisiens à rester vigilants. Sauf que les calaisiens sont tout aussi tournés vers l’avant, et les nantais commencent à cafouiller. A la 32e minute, l’incroyable se produit : Lefrebvre et Vasseur pressent Carrière et obtiennent le corner. Le ballon est mal dégagé par les nantais, et Fabbri se prend les pieds avec deux adversaires Dutitre parviens à s’approcher du but, qu’il parvient à mettre entre les jambes de Gillet et de Landreau : Calais mène 1-0 et tiendra jusqu’à la mi-temps.

Le miracle va-t-il avoir lieu ? Pas si vite, car Nantes réagit dès le retour des vestiaires. Pour Pascal Praud, s’exprimant sur TF1, le vestiaire nantais est resté calme et déterminé et dès la 49e minute, Sibierski, décidément auteur d’une excellente saison, profite lui aussi d’un cafouillage en défense pour envoyer la gonfle dans le filet nordiste, un partout et la confiance revient dans les rangs nantais. Après plusieurs tentatives et une domination de plus en plus forte mais qui tarde à se concrétiser, Denoueix lance…Alain Caveglia, qui lui par contre, rate complètement sa saison. Et pourtant, au grand malheur des calaisien, il va se réveiller au pire moment pour eux.

On approche les arrêts de jeu. Comme depuis 10 minutes, les nantais lancent Monterrubio sur la gauche qui part comme une fusée, comme depuis 10 minutes, il lance le centre vers Sibierski. Mais contrairement aux 10 dernières minutes, le rusé Antoine sent Caveglia derrière et laisse la balle rebondir entre ses jambes. L’ex lyonnais a le but ouvert ! Mais le défenseur Barron le rattrape et l’accroche. Les deux joueurs perdent l’équilibre, et contrairement à la finale contre Sedan, on doit admettre que la jambe nantaise est bien irrégulièrement attrapée par le nordiste, mais Caveglia a bien amplifié le geste pour le rendre suffisamment visible. Il a surtout profité du retour de son vis-à-vis dans son dos pour ralentir et le pousser à la faute. Pour Calais, la fête est gâchée : l’arbitre Colombo siffle le pénalty, que Sibierski se fera un plaisir de transformer, de justesse. 2-1. Les dernières secondes seront folles, offrant l’occasion aux calaisien d’égaliser, et aux nantais de mettre un 3e but. Landreau revient devant Jacques Chirac prendre la coupe, qu’il partagera avec le capitaine de Calais. Le football sort grandit, de peu. 

Les célébrations de Marama Vahirua, acte I

Terminer avec le sourire, c’est maintenant le plus important pour les canaris. Nantes a réalisé un doublé de coupes de France 1999 et 2000. Le club n’avait jamais gagné un même titre deux années de suite depuis 1965 et 1966 avec les deux titres de champions de France, ça vous place l’exploit. Mais cette fête reste sous la crispation d’une nouvelle victoire sur un pénalty litigieux, et à cause de cette ultime journée pour le maintien.

Avant la pagaie, il y eu la danse des hanches de Marama Vahirua. Et face au Havre, les nantais peinent à conclure l’affaire. Du moins, jusqu’à ce que le tahitien finisse enfin par s’échapper vers le but havrais pour mettre une frappe croisée qui entre avec l'aide du poteau. Ce but est son tout premier en pro, et il arrive à point nommé. Il ne le sait pas encore, mais Vahirua va bel et bien être la clef du bonheur nantais, pour l’an 2000 et pour la saison prochaine aussi. Alors le jeune numéro 29 du FC Nantes danse, pour cette fois, célébrer le maintien.

Une saison « avertissement »

Le fond de jeu de Raynald Denoueix n’a pas été changé, et personne ne remet en cause sa philosophie et son parcours. Et pour cause : Nantes reste en Division 1 et a gagné 3 titres en deux saisons, le tout avec un effectif quasiment inchangé. Le technicien nantais a su faire confiance à son groupe même dans la difficulté, groupe qui a eu le culot de s’offrir un doublé en coupe de France. Par ailleurs, Denoueix a aussi montré qu’il pouvait amener son équipe vers de belles affiches européennes, à l’image de ce Nantes-Arsenal terminé en 3-3.  

Mais l’équipe a joué avec le feu, et la série de six défaites à l’automne 99 montre que les canaris ont des périodes de doutes qui peuvent être dévastatrices. Autre ombre au tableau, le recrutement raté de Caveglia qui a clairement été un intrus dans le groupe et dont le seul fait d’arme sera finalement d’avoir su obtenir habilement le pénalty en finale contre Calais. La coupe de France 2000 sera son seul et unique titre en carrière, et il ne rejouera jamais à Nantes.

La saison suivante doit confirmer la théorie de Raynald Denoueix et la confiance qu’il met dans son groupe et son jeu. Malgré des résultats mitigés parfois, le coach nantais a néanmoins apporté énormément au club et aucune raison ne laisserait penser que son travail soit interrompu. Dès lors, le club hors de danger, en route pour une nouvelle saison en D1, doit se trouver un nouvel objectif. Mais Raynald Denoueix reste un homme modeste et cherche avant tout la progression de son groupe. Ceux qui rêvent d’une huitième étoile devront être patients…du moins, c’est ce qu’on pense.