Face to Face : Episode 2

FC Nantes 1983 vs FC Nantes 1995

Effectifs

Les gardiens :

Bertrand-Demanes vs Dominique Casagrande

On sait que les deux équipes ont eu le luxe d’avoir deux grands gardiens. Néanmoins, entre « Le Grand » Jean-Paul Bertrand-Demanes, légende du club, qui en 1983 obtiendra son 5e titre, et Dominique Casagrande, qui saisira sa chance à la suite de la blessure de David Marraud mais qui ne gagnera jamais rien d’autre avec Nantes, difficile de ne pas préférer JPBD. D’autant qu’en 1995, on verra Marraud remplacé sur blessure par Casagrande, remplacé sur blessure par Loussouarn, remplacé sur blessure par Garcia…et Nantes gagnera quand même de toute manière, ce qui montre que cette année 95, il fallait un bon gardien, mais l’essentiel était ailleurs.

La défense :

Bossis – Ayache – Tusseau - Rio vs Le Dizet- Decroix - Karembeu - Capron

Les deux défenses seront la meilleure de leurs championnats. Mais, même si la force du groupe 95 est remarquable, elle est moins expérimentée. Attention, en parlant d’expérience, on ne dit pas que Le Dizet ou Eric Decroix sont des bleus, mais, ils ont moins d’années nantaises dans les pattes que les 83. Car côté FCN 83, on retrouve Patrice Rio et Maxime Bossis notamment, qui reste à ce jour le meilleur défenseur de l’histoire du club. On doit rendre les honneurs à Eddy Capron, qui fera probablement la meilleure saison de sa carrière en 95, et Karembeu qui, si nous le plaçons à l’arrière, ne sera pas un défenseur de métier et se replacera rapidement au milieu, où il excellera lors d’un certain France-Brésil en 1998. Enfin, Ayache et Tusseau, deux produits nantais, viennent compléter cette charnière défensive d’excellence.

Le millieu

Baronchelli – Amisse – Adonkor – Muller vs Ferri – Makelele – N’Doram – Pedros

Regardez-moi ces deux brochettes. Côté 83 on a Bruno Baronchelli qui sera autant créateur que buteur, totalement incontrôlable et imprévisible. On a aussi Loïc Amisse, pur produit FCN, futur coach et qui a martyrisé les bordures de la pelouse de Saupin pendant des années (il racontera même que l’ombre persistante de la tribune sud laissait une pelouse plus malléable qui jouait à son avantage). Oscar Muller, fils de Ramon, et le regretté Seth Adonkor, qui, selon Robert Budzynski, allait être la « colonne vertebrale » du club dans les années 85-90. Côté 95, on a un capitaine charismatique, un milieu défensif athlétique et intraitable qui ira jusqu’à une finale de coupe du monde onze ans plus tard, un magicien maître du jeu offensif, et un latéral aussi rapide que rugueux. On va mettre un léger avantage à la génération 95, notamment parce que Makelele, Pedros et N’Doram avaient encore de gros potentiels à leur époque, mais aussi parce que l’avantage athlétique pèse fortement chez les 95.

L’attaque :

Halilodzic – Touré vs Loko –Ouédec

Avantage aux 95, parce qu’on parle de deux machines à buts, contre une seule. Attention, Touré en 83, il plante, il plante sévère même. Mais l’équilibre entre Loko et Ouédec fait froid dans le dos : à eux deux, c’est 40 buts ! Sauf que Halilodzic et Touré…ben…c’est 40 buts aussi. Alors pourquoi 95 ? Et bien parce que Loko marque 22 fois et Ouédec 18, tandis que Halilodzic marque 27 fois, Touré 13. La bonne répartition de l’efficacité offensive nantaise de 95 permet de voir que le danger était double, là où en 83, elle pesait d’abord sur Halilodzic en priorité.

Les bancs

Bibard – Der Zakarian – Morice – Poullain – Picot

vs

Guyot – Pignol – Cauet – Renou – Garcion et pour les buts Loussouarn, Garcia, Marraud, moi, vous, tous les gardiens de U13 à séniors disponibles dans l’Ouest, tata Nicole, et la Ministre de la santé Elizabeth Hubert.

Deux bons bancs qui vont jouer leur rôle, répondre présent lorsque nécessaire. Mais il faut reconnaître que le banc 83, notamment avec Bibard, Morice et Poullain, vont beaucoup jouer, là où le banc 95 va surtout se contenter des miettes que les monstrueux titulaires voudront bien leur laisser. Alors bon, on va donner un léger avantage aux 95 encore une fois, parce que, comme expliqué plus haut, s’il y a bien un banc qui a donné en termes de gardiens remplaçants, c’est bien celui de 95. Quant à la Ministre…elle était dans la piscine des joueurs le soir du titre donc…j’ai déduis qu’elle était dans le groupe, j’ai bon ?   

Les coachs

Jean-Claude Suaudeau vs Jean-Claude Suaudeau

Euh…Joker.

Avantage : FC Nantes 95

Saisons

Les deux équipes terminent meilleures attaques, meilleure défenses. Nantes 83 termine avec 77 buts pour, 29 contre, Nantes 95 termine avec 71 buts pour, 34 contre. Nantes 83 termine avec 10pts d’avance sur Bordeaux (à l’époque, une victoire ne ramenait que 2pts), Nantes 95 termine 10pts devant Lyon.

Nantes 1983 : 24v – 10n – 4d

Nantes 1995 : 21v – 16n – 1d

C’est un supplice devant ces statistiques de chercher à départager les deux équipes. Nantes 83 semble mieux maîtriser son parcours et gagne plus de matchs. Mais Nantes 95 a un atout de taille : 32 matchs sans défaites. De la 1ière à la 33e journée, le compteur de défaite nantaise sera très exactement de ZERO. Du jamais vu avant, et du jamais vu depuis. Même le PSG version qatari n’a jamais réussi un tel exploit. Aucun champion de France n’a terminé sa saison avec une seule défaite. Cet exploit n’est pas seulement unique dans l’histoire du foot français, il est surtout dingue.

Avantage : Nantes 95

Dans les autres compétitions

Avantage clair et net aux nantais de 1983.

Mais comment est-ce possible ? Car Nantes 95 joue la D1, la coupe de la ligue, la coupe de France, la coupe de l’UEFA, et Nantes 83 seulement la coupe de France. Oui, mais voilà, Nantes 95 se fait sortir :

Coupe de France, 1/16e de finale, par Saint-Leu (National)

Coupe de la ligue, 1/8e de finale, par Bastia (15e de D1)

Coupe UEFA, ¼ de finale, par le Bayer Leverkusen, 0-0 et 1-5.

Avouez que le prestige obtenu en championnat de France s'estompe assez rapidement devant ces performances. Et ne parlons pas du match à Leverkusen...non, non. Nantes 1983 de son côté, arrive en finale de coupe de France et ne doit son échec en final qu’aux éclairs de génie de Susic.

Avantage : Nantes 1983

Les stades

En 1983, Marcel Saupin est dans sa configuration la plus moderne, la plus aboutie, après d’innombrables améliorations, changements et agrandissements. Le temple nantais, au cœur de la ville, n’est cependant plus dans son âge d’or, et un chantier de nouveau stade est déjà en route, ce qui déplait à beaucoup de supporters historiques, tant Saupin est chaleureux, connu et reconnu de tous.  Mais voilà, le stade ne sera rempli à 100% qu’une fois dans la saison, avec 25 000 personnes, et la moyenne d’affluence sera de 16 000 personnes par matchs.

Cependant. Oui, cependant. En 1995, la Beaujoire, ce n’est pas du tout celle que vous avez aujourd’hui, avec ses sièges confortables, sa coloration, ses lumières. En 1995, la Beaujoire est un stade qui donne presque l’illusion d’être déjà vieux, avec des sièges gris ou jaunâtres, un éclairage tout aussi jauni et vieux. La modernité voulue en 1984 pour ce stade ne se ressent pas du tout. En réalité, le confort total à la Beaujoire n’arrivera qu’après les améliorations de 1998 pour la coupe du monde. Avant ça, les tribunes Loire et Erdre n’ont quasiment que la moitié de capacité qu’elles ont aujourd’hui et sont loin, très loin derrière les buts et derrière des grilles barbelées. Et ça s’est aussi ressenti dans les affluences en début de saison, où la Beaujoire a réussi à obtenir des scores faméliques pour une capacité maximale de 52 000 places (avec les places debout de l’époque) de 15 000 spectateurs…soit en dessous des capacités de Saupin.

En sommes, Nantes 95 avait un stade plus moderne, mais dont on prenait vraiment moins bien soin qu’en 1983.  

Avantage : Nantes 83

Le moment marquant :

FC Nantes 1983 : Ce but contre le PSG de José Touré, commenté par Thierry Roland. Franchement, c’est beau, c’est artistique, c’est à revoir 100 fois sans jamais s’en lasser.

FC Nantes 1995 : Ce but contre le PSG de Patrice Loko, commenté par Thierry Gilardi. Franchement, c’est beau, c’est artistique, c’est à revoir 100 fois sans jamais s’en lasser.

Egalité

Le mot de Coco

Le FC Nantes 1995 vous paraît vraiment trop fort non ? Oh mais pas si vite. Et si on laissait le coach de ces deux équipes vous en parler ?

Jean-Claude Suaudeau, face caméra, s’était attardé sur les deux derniers groupes qu’il a emmenés vers les étoiles. Pour 1983 ? « J’arrivais du mondial d’Espagne. Moi j’avais opté pour regarder le Brésil. Je n’avais jamais encore entrainé les pros, et on a joué à la brésilienne. Ah ! Quelle équipe ! Mais quel jeu on a eu ! Hey, véritablement, ça a été super. Irrésistible. Donc individuellement, collectivement c’était…pas loin de la perfection celle-là. ».  

Et 1995 ? « C’est vraiment une équipe qui était la moins capable, avec le moins d’aptitudes avec ce qu’on fait aujourd’hui, c’est-à-dire garder le ballon. Alors, on en a fait un jeu différent. Un entraineur, il faut qu’il s’adapte en permanence. Et avec les éléments que j’avais, j’ai dit : bon, on sera jamais rationnels avec ce type de lascars, à commencer par « Karèm’beuh ! ». Donc ça avait été irrationnel notre jeu, mais sans qu’on ne se casse la gueule. On a mis en place ce jeu-là, parce que je n’ai jamais vu des joueurs aussi explosifs. Attention les yeux, c’est que ça pétait ! Et au lieu de faire 10 passes on en faisait 3, 4. Mais pas n’importe lesquelles. »

(Source : interview pour le reportage sur les 40 ans en première division en 2003).

Quelle équipe était la meilleure ? Qui seront les prochains ? C’est à vous de décider !