Cette biographie parle de football mais pas seulement. Elle nous fait revivre les différents moments d’une vie d’un militant anti-nazi qui va devenir l’homme fort du FC Nantes à partir de 1944 jusqu’en 1962, comme joueur, entraîneur, directeur sportif. Une belle page d’histoire ou le livre apporte des éclairages passionnants sur le club, la ville de Nantes et l’évolution d’un football professionnel qui est dans ses premiers balbutiements.

Vous êtes un des grands spécialistes du FC Nantes. En quelques mots, pouvez-vous retracer votre lien avec le club ?

Mon histoire avec le FC Nantes débute en 1963 avec le match pour la montée en 1ère division. J’avais 10 ans et je résidais à Saint Philibert de Grand Lieu. C’était ma première rencontre, la découverte du football professionnel. Depuis cette date j’ai toujours été un supporter du club.

J’ai exercé le métier de journaliste, notamment sportif à mes débuts, et même lorsque celui-ci m’a éloigné de Nantes, je n’ai jamais perdu le contact. Mes joueurs préférés ? On n’oublie jamais ceux qui vous font rêver quand vous êtes très jeune : Bernard Blanchet, Philippe Gondet, Daniel Eon, Jacky Simon mais aussi Rampillon, Michel, Rio... Lors des matchs à la Beaujoire, je revois souvent Bernard Blanchet et je suis encore le petit garçon face à son idole.

Ce nouveau livre vient après deux ouvrages sur le club avec notamment un projet titanesque : écrire le dictionnaire du FC Nantes. 

Avec ce « Dico », je me suis engagé en 2021 dans une démarche ambitieuse puisque j’avais fait le choix de recenser tous les joueurs qui avaient fait au moins une apparition en équipe professionnelle. Il y a 800 entrées (520 joueurs) car j’intègre aussi les dirigeants et les personnes qui ont participé activement au fonctionnement du club.

La genèse de l’ouvrage sur Henri Michel remonte au début des années 80. Je travaillais à la radio de Presse-Océan, Loire FM, et j’avais l’ambition de confectionner une histoire sonore du FC Nantes. J’ai réalisé pour cela de multiples interviews, dont celle d’Henri Michel. Il s’informait à fréquence régulière sur le niveau d’avancement de ce projet que je n’ai pas été en mesure de finaliser. C’est pour lui rendre hommage que j’ai publié en 2019, avec l’aide précieuse de Philippe Laurent, en charge de l’histoire et du patrimoine du FCN, un livre sur sa carrière et son parcours de vie. Au-delà d’être un formidable joueur, c’était quelqu’un de très attachant.

Concernant ce nouveau livre sur Anton Raab. Qu’est-ce qui a été la motivation à faire des recherches aussi fouillées sur le personnage ?

Le déclencheur de la rédaction de ce livre sur Anton Raab, c’est la volonté de faire apparaître la vérité sur son histoire personnelle qu’il a voulu cacher, notamment concernant sa jeunesse en Allemagne. J’ai donc commencé à vérifier les faits en épluchant des archives allemandes puis françaises. J’ai découvert une histoire différente de celle qu’il racontait et finalement plus émouvante.
Il est né en 1913 à Francfort dans une famille très pauvre. Son père revient des tranchées, très atteint psychologiquement. Un père éclusier à Francfort qui buvait et qui battait femme et enfants. La vie en Allemagne est alors très difficile. Seul échappatoire sans doute pour le jeune Anton, le football. Il évolue un des trois grands clubs de Francfort, le FC Union, et non pas à l’Eintracht Francfort, comme il le dira plus tard.
Il va devenir maçon comme son frère et grâce à son oncle, il commence à militer au Parti communiste (KPD). C’est pour lui la seule issue politique pour sortir de la pauvreté. A l’arrivée de Hitler il prend de plus en plus de responsabilités au sein de ce parti alors interdit, jusqu’à son arrestation en avril 1935. Il sera torturé et condamné à 3 ans et demi de prison.
Les nazis vont l’utiliser comme informateur. Dans des circonstances encore peu claires, il réussit à fuir en France au printemps 1937. Il intègre le club nantais de la Saint-Pierre six mois plus tard. La suite, je vous engage à la lire dans le livre… Un vrai scénario de film !

Comment a-t-il vécu les premières années du FC Nantes ? 

Les premières saisons furent chaotiques car les dirigeants voulaient une montée rapide en 1ère division, réalisant de nombreux transferts chaque année. Avec à chaque fois des échecs. Anton Raab, joueur et entraîneur, n’est pas parvenu à sortir le club de sa médiocrité, malgré son entente, presque filiale, avec Marcel Saupin.
L’arrivée de José Arribas en 1960 a marqué la fin de son histoire avec le club. Bien que leurs trajectoires personnelles présentaient des similitudes, ils ne se sont pas entendus, ni sur les choix sportifs en matière de stratégie ou de tactique, ni sur le plan humain. Anton a sans doute été vexé de voir Arribas réussir aussi vite. Il a demandé à Jean Clerfeuille de choisir entre lui et l’entraîneur basque. On connait la suite. Il a ainsi mis fin à ses fonctions de directeur sportif, essentiellement centrées sur le recrutement.


Qu’est-ce que vous retenez de ce travail historique ?

J’ai eu beaucoup d’émotions à faire des recherches dans les archives allemandes et françaises, à relire les fiches de la gestapo, les compte-rendus judiciaires, les rapports de l’administration française. La réussite du projet doit beaucoup à une fructueuse collaboration avec la petite-nièce, Hilke Droege-Kempf, qui souhaitait également connaître la vérité et réhabiliter le parcours d’Anton. Ces recherches communes ont d’ailleurs suscité un intérêt en Allemagne. Le Parti Communiste souhaitait qu’un nom de rue de la ville de Francfort lui soit attribué. Finalement, son combat a été reconnu le 11 juin dernier par la pose d’une « stopelsteine » (pierre d’achoppement) devant le domicile où il résidait en 1935. Ce petit pavé en laiton honore toutes les victimes du nazisme en Europe.

Est-ce que vous avez beaucoup appris sur Anton ? L’aviez-vous rencontré ?

En 1984, je l’avais interviewé dans son magasin de sport qu’il possédait dans le centre de Nantes. A l’époque je n’ai pas eu le réflexe de lui poser des questions précises sur son passé.J’ai appris à le connaître je crois. C’était un raconteur d’histoire et dans ses récits, il y a parfois de « la grande vadrouille ». C’est amusant de savoir qu’il avait une maison à Oudon à côté du château du Cellier où résidait Louis de Funès.

Mais avant tout j’ai découvert chez cet homme un incroyable appétit à vivre, une intelligence pratique, un courage hors-norme et une faculté à se sortir de situations inextricables. Il avait l’art du contrepied ! Ce qui lui a permis de se construire une sacrée vie !