Comme pour le premier épisode, nous avons donné la parole à 12 supporters du FCN. Ils représentent 3 générations différentes. Certains habitent à Nantes et d’autres pas. La plupart ne sont pas membres d’une association de supporters. Ils ont eu la gentillesse de répondre à quelques questions. En hommage au « Jeu à la Nantaise », nous avons choisi de fondre l’ensemble des réponses dans une synthèse collective. Nous adressons à tous les contributeurs un grand remerciement : Jean Luc Améaune, José Arribas fils, Pascal Coutard, Olivier Dantas Lima, Aurélien Drouaud, FCNA 96-97 4ever, Stanivicius Gastautas, Antoine Josse, EGr,  Emmanuel Merceron, Ewan Seznec,  Thierry Tissot.

À la question de savoir ce que le club incarne pour eux, la passion est rapidement palpable. Soyez sûr d’une chose : à leurs yeux, le FC Nantes n’est pas un club comme les autres. Certes, il y a le palmarès et l’image du « beau jeu ». L’esthétisme et l’élégance sont souvent évoqués. Ne pas sacrifier la manière au résultat… cela fait sens pour beaucoup mais la relation avec le club est bien plus profonde. En effet, les personnes interviewées valorisent, plus volontiers, un autre aspect : ce lien indéfectible qu’elles ont, avec ce club, à travers ses valeurs.

 

L’identification : le club c’est une « partie de moi-même… »                                                   

L’attachement relève d’un phénomène d’identification. Les supporters se reconnaissent, à titre personnel, dans : la force du collectif, l’intelligence plutôt que la puissance, la volonté de toujours faire mieux, celle de construire durablement. Ils se sont retrouvés dans les valeurs humaines et le respect de l’esprit du jeu. C’est important de véhiculer et de faire partager ce que sont les vraies valeurs du sport. L’histoire de ce club s’incarne dans le travail, l’humilité, le respect, l’intelligence collective, l’innovation, la solidarité.

En fait, les valeurs ne s’appliquent pas exclusivement au rectangle vert.  Elles constituent une philosophie de vie qui dépassent largement la pratique du football. Celui qui renonce à être meilleur, cesse d’être déjà bon. C’est la référence ultime. Dans l’esprit de José Arribas, cette devise ne concerne pas seulement la performance sportive. En effet, la formation des jeunes joueurs a pour objet d’éduquer des hommes responsables, altruistes et intègres. Des « gentlemen » qui savent se comporter sur et hors du terrain. La formation est au centre du projet des canaris. Les supporters se retrouvent dans cette manière d’être. De tels principes de vie ou de comportement s’appliquent, d’ailleurs, pour chacun au travail, à la maison ou avec ses amis.  Nous avons tous envie de transmettre de telles valeurs à nos enfants.

 

L’esprit de famille : le club « c’est ma seconde famille… »

Cette relation affective avec le club prend racine dès l’enfance. Chacun exprime la chance d’avoir vécu ses premières émotions de football à Marcel Saupin ou à La Beaujoire. Le plaisir d’avoir, très jeune, baigné dans l’ambiance de la Jonelière. L’excitation qui fait que la veille, d’un match ou d’un entraînement on ne dormait pas. Le privilège de vivre cette proximité avec les joueurs et avec le staff. Voir Maître Coco Suaudeau exercer son art en public reste une expérience inoubliable. La nostalgie s’invite alors parce que la réalité n’est plus à la hauteur des souvenirs. Ce club était géré à l’âge d’or comme une famille, pas comme une entreprise. Un esprit familial et convivial qui était la marque de fabrique du FC Nantes. Le club devient aussi une seconde famille.

Être supporter, c’est d’ailleurs souvent une affaire de famille. Cette passion se vit avec ses proches. Elle se diffuse de génération en génération. Le père fait découvrir ce plaisir à ses enfants qui vont, à leur tour, transmettre le virus.  

 

La reconnaissance : le club « m’a rendu fier d’être nantais ». 

Il y a de la fierté à être supporter du club. Dans sa glorieuse histoire, le FC Nantes a toujours eu de l’ambition malgré des moyens financiers limités. À ce propos, est-il reconnu à sa juste valeur par les habitants de la Métropole ? Aujourd’hui, est-ce que son avenir interroge autant les décideurs locaux qu’il peut inquiéter les amoureux du club. Il n’est pas certain que cela soit vraiment le cas. Le FC Nantes devrait être reconnu comme le porte-drapeau de la cité et plus largement comme celui de la région. Il n’existe pas un endroit sur la planète où le FC Nantes n’est pas connu. C’est une vitrine exceptionnelle. À l’étranger, sa notoriété n’a rien de comparable avec celle des Machines de L’Ile ou de la Folle Journée. Dans cette notoriété, la philosophie proposée par le « Jeu à la nantaise » est plus déterminante que le palmarès. Les résultats s’oublient vite. Pas les émotions et les souvenirs. Pour les supporters, le club fait partie intégrante du patrimoine culturel et il doit être reconnu pour ce qu’il est. Mais là encore, s’il est admis que le football appartient à la culture populaire peut-il prétendre, pour autant, faire partie de la Culture en tant que telle ? Dans ce moment un peu compliqué de l’histoire du club, ce manque de reconnaissance n’est pas bien vécu par les supporters nantais.

 

La fidélité au club : « être respectueux de l’héritage… »

La période actuelle n’altère en rien la fidélité au club… même lorsque les intéressés expriment, avec tristesse et désarroi, leurs critiques vis-à-vis du management actuel. Le malaise actuel des supporters est plus profond qu’un simple désaccord sur le système de jeu ou le choix d’un coach. Aujourd’hui, ce sont les valeurs profondes du club que ne sont pas respectées. Certains parlent d’une longue agonie, d’un cauchemar. D’autres expriment une forme de détachement et de lassitude. Actuellement, une défaite ne détruit plus mes soirées comme une victoire ne les enchante pas plus. Au risque de nier sa propre identité, les valeurs ne sont pas négociables. Ne pas les respecter équivaut à ne pas respecter ses supporters. Être propriétaire d’un club comme le FC Nantes cela génère des obligations et des devoirs, pas seulement des droits. Celui notamment d’être respectueux de l’héritage. Ce club est un patrimoine collectif et sans la ferveur de ses supporters, il n’a plus de valeur sociétale.

 

Le jeu à la nantaise : un héritage que l’on doit faire vivre…

Les supporters interviewés ne veulent pas désespérer de l’avenir : ce n’est pas la première fois que le club est dans la difficulté. L’histoire des canaris mêle la résistance à la solidarité. En 1962, c’est par exemple la prise de risque de trois joueurs, Jean Guillot, Pancho Gonzalès et André Strappe, qui s’invitent dans une réunion du Conseil d’Administration pour sauver la tête de leur entraîneur. Acte de résistance à l’image de ce qu’a été le parcours de José Arribas. Acte fondateur aussi du principe de solidarité. C’est aussi, en 1992, lorsque le club doit faire face à une grave crise financière qui l’oblige à vendre ses meilleurs joueurs. C’est à ce moment-là que les jeunes pousses du Centre de formation prennent leurs responsabilités pour sauver le club. Les problèmes économiques se sont, de nouveau, répétés quelques années plus tard. C’est une nouvelle fois par cette solidarité que le club a été capable de relever la tête, puis en 2001 de gagner un nouveau trophée avec Raynald Denoueix. Il n’y a pas de nostalgie, ni de passéisme dans une telle approche. Juste le respect de l’histoire du club. Ne pas connaître son passé empêche de se projeter dans le futur. Le FC Nantes n’a jamais été un club riche. La pression a toujours été omniprésente et aucun des grands entraîneurs n’a échappé à celle-ci.

Le jeu à la nantaise, c’est une marque, un legs à ne pas dilapider. Une forme d’héritage que l’on se doit de faire vivre. Aujourd’hui, cette volonté des supporters de retrouver les valeurs du club donne de l’espoir. La ferveur populaire est toujours présente à Nantes. Un peu comme la lave d’un volcan. Elle ne demande qu’à exploser de nouveau.

 

Le renouveau du club : le retour aux fondamentaux

Le monde du football pro a changé nul ne le conteste.  Toutefois, les supporters sont convaincus que les ingrédients qui ont fait la grandeur du FC Nantes dans le passé sont toujours ceux qui vont lui permettre de retrouver son lustre d’antan. À la question de savoir si le club doit conserver son identité et ses valeurs la réponse est positive. Le club doit repartir sur des bases saines. L’idéal serait de pouvoir le faire en Ligue 1 mais si ce n’est pas possible, alors pourquoi ne pas accepter de le faire à un niveau inférieur.

Les principes de jeu ne sont pas démodés et un demi-siècle après ils paraissent même encore novateurs. Dans l’univers de l’entreprise, la performance repose, plus que jamais, sur la collaboration et l’intelligence collective. Comment serait-il possible qu’il en soit autrement dans le monde du football ? Le collectif est plus que jamais à mettre au cœur du projet de club. Il est vital de sauver notre patrimoine et de retrouver le plaisir de voir des jeunes, si possible de notre région, défendre nos couleurs. La formation c’est le socle sur lequel doit se construire dorénavant l’avenir.