C’était un rêve pour lui. Finir sa carrière en entraînant Nantes, Christian Gourcuff ne pouvait espérer mieux. Inspiré par les principes de jeu de Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix, le technicien breton avait toujours eu dans un coin de sa tête l’objectif d’entraîner un jour le FC Nantes. Sa nomination en août 2019 avait alors mis un peu de baume au coeur des Nantais après une saison 2018-2019 éprouvante, marquée par la tragique disparition d’Emiliano Sala. Mais la réalité s’est avérée plus compliquée, la situation se détériorant pas à pas et aboutissant à une année 2020 lamentable, révélatrice du profond mal nantais. 

Des débuts réussis avant que tout ne s'effondre. 

 

Pourtant, tout avait bien commencé pour Gourcuff sur les bords de l’Erdre. Lui qui n’avait jamais fini une saison plus haut que la 7ème place, s’était retrouvé 5ème à la mi-saison 2019-2020 avec 29 points. Seuls Michel der Zakarian en 2014-2015 (30 points) et Claudio Ranieri en 2017-2018 (33 points), avaient fait mieux à ce stade de l'exercice. Avec un jeu alléchant et des leaders techniques performants, comme Moses Simon, Ludovic Blas et Imran Louza, l’équipe avait de quoi jouer les trouble-fêtes en première partie de classement. Récompensé de son bon début de saison, Gourcuff est même nommé par Kita “manager général” du club en novembre 2019. Sa mission ? S’occuper de tout le volet sportif du club. Ça y est, on arrivait enfin à décerner les prémices de que pourrait être un beau et cohérent projet sportif sur le long terme. “Le plus important, c’est d’avoir un club qui a une ligne directrice et ça, c’est déjà une première victoire”, soufflait-il en conférence de presse, peu après avoir confirmé son nouveau rôle. Ironique, quand on pense à la situation du club un an après. Et à partir de cette nomination, tout s’écroule pour le Breton. Lentement, mais sûrement, le FC Nantes, trop inconstant dans le jeu, se décompose et échoue à une anonyme 13ème place suite à l’arrêt de la saison. Après la pause, la situation empire et le club, de plus en plus tourné en ridicule, n’est maintenant plus très loin de la zone rouge.

 

L’année 2020 a coûté cher à Gourcuff. 

 

Les Canaris n'ont remporté que 5 victoires en 23 matchs en 2020. Dont uniquement deux à la Beaujoire : face à Nîmes (2-1) et Brest (3-1) ; le tout pour 22 buts marqués, soit moins d’un but par match. À défaut de pouvoir mettre en place son habituel 4-4-2, faute d’attaquants adaptés à ce système, le technicien a fait évoluer son équipe en 4-2-3-1, avec un Ludovic Blas légèrement en retrait de l’attaquant. Mais l’inébranlable système de jeu, entraînant parfois la titularisation de joueurs à d’autres postes que les leurs, a rapidement montré ses limites et est devenu trop facile à déjouer.

En laissant le ballon aux Canaris et en mettant plus d’intensité physique au milieu de terrain, il était devenu  trop facile de poser des difficultés aux Nantais. Car oui, les Canaris version Gourcuff étaient bien trop inoffensifs. Ils n'ont signé que 14 buts en 13 rencontres sur ce début de saison. Pire encore, seulement 9 ont été marqués dans le jeu. De plus, la solidité que dégageait la charnière centrale Pallois - Girotto, notamment aux débuts de l’ère Gourcuff, s’est complètement volatilisée. Sur le début de saison, les Nantais n’ont gardé leur cage inviolée qu’à deux reprises. D’abord à Bordeaux face à une équipe qui évoluait à 10 (0-0), puis à Lorient, fraîchement promu en Ligue 1 (0-2). Les Canaris restent d’ailleurs sur 7 buts encaissés en deux rencontres, preuve d’une défense complètement dépassée et en manque de confiance. 

Christian Gourcuff signe d’ailleurs avec Nantes son plus haut pourcentage de défaites en Ligue 1 parmi toutes les équipes qu’il a entraînées : 46% ! Toutes compétitions confondues, le technicien breton a remporté 16 victoires pour 8 nuls et 21 défaites chez les Canaris. À croire que ses nouvelles fonctions de “manager général”, l'amenant un peu plus près au coeur du club nantais et de ses démons, l'ont découragé. Que ce soit avec le centre de formation, le staff médical, ou avec les joueurs, ses relations se sont détériorées autour de lui. Du côté des joueurs, certains n’auraient par exemple pas apprécié son manque de communication en ce qui concerne les titularisations. Peu à peu, un fossé s’est creusé entre l’entraîneur, de plus en plus isolé, et les joueurs. Ces derniers finissant par le lâcher complètement face à Strasbourg, où plus aucune consigne tactique n’a été respectée. Face à un manque de rigueur et d’autorité, les joueurs se sont laissés aller, jamais réellement mis en cause par une direction qui préfère toujours rejeter la faute sur ses entraîneurs.  

A l’issue de la déroute alsacienne, on sentait Christian Gourcuff éteint, découragé par une situation sur laquelle il n’arrivait plus à avoir d’influence. “Si je ne conviens pas, ce n’est pas un problème”, avait-il assuré après le match. Ce qui avait sonné pratiquement comme un appel à partir et à tourner la page d'une triste dernière aventure professionnelle. 

 

Certes, Christian Gourcuff a eu ses tords. Son absence de compétences relationnelles et son laxisme vis-à-vis de ses joueurs lui ont fait de plus en plus défaut. Mais il restera une nouvelle victime du mal nantais, profondément enraciné au coeur du club. Encore une fois, un entraîneur quitte le club insatisfait, où on ne lui a pas suffisamment laissé de libertés et de bonnes conditions de travail. Les recherches de son successeur vont bon train, tout comme les refus. En même temps, on les comprend. Qui serait assez fou pour venir entraîner ce FC Nantes, devenu plus qu'un club, un “cimetière d’entraîneurs” ?