En quelques mots, tu peux nous retracer la création de l’association ?

Notre association est le regroupement en 1976 de 2 Groupes de supporters à savoir « Allez Nantes » dont la création remonte à 1945 et « Les Canaris » né en 1972.

La création de « Allez Nantes » intervient deux ans seulement après celle du club et son objet vise à aider moralement et financièrement le FC Nantes.  Elle s’occupe de la vente des places de match et fournit au club des « supporters-travailleurs » bénévoles pour contrôler les billets et les accès au stade Malakoff. Compte-tenu des faibles moyens du club, l’association joue aussi à l’époque à sa manière un rôle de mécène. Le groupe des « Canaris » trouve sa vocation dans l’animation des quartiers. Ils ont des particularités mais des valeurs communes et le même attachement au club. C’est sous l’impulsion du président Fonteneau et de Claude Simonet que les deux groupes fusionnent. Ce choix va renforcer l’influence des supporters.  L’association « Allez Nantes Canaris » devient alors le club officiel des supporters du FC Nantes et elle accroît, à l’occasion de cette fusion sa présence au Comité Directeur. Nous étions une exception à l’époque. Il faut savoir que dans les années 60, il y a 2000 adhérents. Cela s’explique par la réussite sportive mais aussi par la difficulté de se procurer une place pour voir les grandes affiches. Les abonnements n’existaient pas. Les adhérents étaient prioritaires dans l’achat des billets et chacun pouvait en réserver deux pour chaque match.

 

À titre personnel, tu es dans l’association depuis combien d’années ?

Mon père était déjà un fidèle supporter du club. Moi, j’ai adhéré à l’âge de 13 ans, c’est-à-dire il y a un demi-siècle. Je vendais le journal de l’association. C’est intéressant de voir que la tradition continue à se perpétuer d’une génération à l’autre. Tout récemment, nous venons d’enregistrer l’adhésion d’un bébé dont le père et la mère sont ANC depuis plusieurs années. Aujourd’hui, nos membres appartiennent à 4 générations.

Auparavant, il faut rappeler que tous les dirigeants du club ainsi que les joueurs étaient adhérents. Le FC Nantes était une grande famille et l’association des supporters une composante du club.  Il y avait des repas partagés, des activités en commun, des sorties en car. Certains anciens joueurs comme Bernard Blanchet ou Gilles Rampillon continuent de venir au siège pour échanger avec nous.

 

Il y a une autre particularité concernant l’association, c’est que vous êtes actionnaire du FC Nantes ?

En 1998, le conseil d’administration décide d’acheter 1000 actions au FCN pour une valeur de 1 000 000 Frs. Allez Nantes Canaris devient ainsi le premier actionnaire d’un club de football professionnel. Il est d’ailleurs toujours actionnaire du FC Nantes à ce jour. A l’époque, cela devait représenter environ 2 % du capital. Aujourd’hui, la valeur de nos parts est purement symbolique. Toutefois, à fréquence régulière Waldemar Kita a manifesté le souhait de nous les racheter nos parts afin de ne plus avoir de compte à rendre. Chaque année, nous sommes invités à une « grande messe » où il nous présente les résultats comptables. Une manière factuelle pour nous de disposer d’un peu d’information. A part cela, aujourd’hui nous ne disposons pas d’avantage particulier à être actionnaire. Les supporters que nous sommes ne sont pas reconnus. En matière de communication, avec Waldemar Kita nous sommes très loin de ce que nous avons connu dans le passé avec Guy Scherrer, Max Bouyer et Rudy Roussillon.

 

Aujourd’hui, tu peux nous décrire ce que fait l’association ?

L’effectif actuel est de 500 adhérents.

La principale activité du club concerne évidemment le fait de « supporter » notre club à domicile mais aussi en déplacement. Certains déplacements sont d’ailleurs l’occasion de faire, en même temps, du tourisme. Il y a une forte demande pour que nous puissions continuer dans ce sens. C’est un moyen efficace pour mieux se connaître. Nous disposons d’un référencement « Jeunesse et Sport » qui, a priori, facilite nos possibilités de déplacements dans une période où les préfectures sont devenues très méfiantes. A titre d’exemple, nous étions 80 personnes lors d’un déplacement à Monaco. 

L’activité de l’association a pour but de favoriser les échanges entre nous. Certains de nos adhérents se retrouvent, à notre siège Quai Magellan, pour jouer au tarot ou à la belote. D’autres participent à des activités plus sportives comme la marche ou le jogging.

L’activité de vente de billets n’existe plus depuis 1984 et la création du Stade de la Beaujoire. Celle des stadiers existe toujours. Le stadier est bénévole. Il arrive 2 heures avant le coup d’envoi pour assurer l’accès au stade et sécuriser les déplacements lors de la mi-temps et à la fin de match. La contrepartie, c’est qu’il peut voir gratuitement le match.  Chez nous, il y a 80 stadiers qui interviennent à chaque match dans un vivier de 120 volontaires environ. Une charte a été mise en place car ce rôle exige de l’exemplarité.

Au sein du stade, nous disposons d’un « Espace Supporters » avec un bar et un écran TV. Ce lieu est gracieusement mis à disposition par la Ville de Nantes. Compte tenu de son histoire, Johanna Rolland a reconnu l’association comme appartenant au domaine immatériel de la Ville de Nantes.

Cet espace de convivialité nous permet d’accueillir dans de bonnes conditions nos membres lors des matchs à domicile mais aussi de recevoir d’autres groupes de supporters résidant hors de Nantes. C’est notamment le cas avec le « Club des Supporters Parisiens du FC Nantes » ou avec celui des « Ch’tis Canaris ». Ils viennent régulièrement à Nantes pour voir des matchs et nous nous organisons pour les héberger.

 

C’est important cette relation avec les autres groupes de supporters ?

La relation avec les autres groupes de supporters est essentielle. ANC est d’ailleurs à l’origine en 1978 de la création de l’association de la fédération des supporters (FFAS). Chaque année, nous avions l’occasion de nous retrouver, pendant plusieurs jours, pour échanger à travers des ateliers sur nos pratiques. Cette structure prenait aux yeux des pouvoirs publics sans doute trop d’importance puisqu’elle a été dissoute par Rama Yade. Pour notre part, toutes les composantes ont leur place et nous respectons les autres groupes de supporters comme ils le font d’ailleurs à notre égard. Nous sommes passionnés par le même club. Nous entretenons aussi de bonnes relations avec des groupes appartenant à d’autres villes. Je pense aux «Socios» du Stade Rennais par exemple.  Il y a aussi le partenariat que nous partageons avec Toulouse « Média Pitchounes » qui s’adresse aux jeunes de 6 à 12 ans. Une manière de promouvoir la pratique d’un sport sans violence.

 

Votre association a exprimé, fin décembre, un message d’inquiétude concernant la gestion actuelle du club.  Ce n’était pas dans vos habitudes de vous exprimer sur ce sujet. Pourquoi le faire ?

Il est vrai qu’habituellement nous ne faisons pas d’ingérence sur le fonctionnement et la gestion du club. C’est dans l’ADN de notre association. Mais la situation actuelle soulève beaucoup trop de questions. Il est clair que l’on navigue à vue et qu’il n’y a pas la moindre stabilité. Il n’y a pas un projet sportif digne de ce nom depuis de nombreuses années. C’est pourquoi en écho avec d’autres clubs de supporters nantais, il nous paraissait important d’exprimer notre forte inquiétude quant à la perception que nous avons, aujourd’hui, de notre club de cœur et d’appeler, toutes les parties-prenantes de l’institution FC Nantes, à commencer par la direction… à en redorer l’image et à en défendre les valeurs historiques.

Nous avons eu depuis cette prise de position l’occasion de rencontrer à notre demande Frank Kita.  Nos questions sont restées pour une grande majorité avec des réponses qui nous laisse perplexe quant à l’avenir du club. L’inquiétude est là… mais l’espoir subsiste de voir, à terme, le FC Nantes redevenir ce qu’il a été auparavant. Il y a tellement de passionnés qu’il ne peut pas en être autrement.